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Presentation

  • : PARLHOT
  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 11:02
Jane d'un seul ?




Le 3 mars, Chloé Mons sera en concert au Grand Rex. Elle y dévoilera sans doute des chansons du nouvel album qu'elle est en train de préparer. L'occasion pour moi de vous faire partager la discussion qu'elle et moi avons eue en octobre 2006 autour de la sortie de ses deux précédents disques, La Ballade de Calamity Jane et Chienne d'un seul.

Enfermée dans le bureau vacant d'une attachée de presse du label Naïve, Chloé Mons me fait face, lovée dans un fauteuil en cuir. 60-70 centimètres nous séparent. Quelques centimètres d'une surface plane en désordre où trône le doux visage maquillé de Marilyn Monroe en une des Inrocks et mon dictaphone qui entame son ronron d'être en si bonne compagnie. Nous sommes là pour parler de La ballade de Calamity Jane, un disque qu'elle a réalisé avec Alain Bashung (son mari) et Rodolphe Burger (un ami) et qui, à l'heure de notre rencontre, sort dans moins d'une semaine. A mon étonnement on parlera aussi d'un autre disque qu'elle sortira de son sac au cours de la discussion. Ce disque c'est Chienne d'un seul, un album plus personnelle (sans les contributions de Bashung et de Burger), autoproduit (Osez Joséphine Musique) et non distribué dans les bacs (en vente sur son site).


Cinéma, rock, amour, écriture, amour, égérie : sans doute trop occupée à parler de tout ce qui l'anime avec un journaliste (ce qui ne lui arrive pas souvent vu sa faible notoriété) celle qu'on voit drapée de fumée sur les photos bleutées que Christophe a pris d'elle pour Chienne d'un seul ne prendra même pas le temps de s'en griller une. Chloé n'a plus la silhouette de la toute jeune femme que montrent les photos de Tom Sewell, elle est presque pire : d'une beauté imparfaite et généreuse qui laisse place à l'imaginaire. De toute l'interview, je ne saurai dire qui de ses seins affleurant de sa robe ou de ses grands yeux eyelashés m'a le plus tourmenté. A moins que ce ne soit sa voix troublante oscillant sans cesse entre les graves gouailleurs de Béatrice Dalle, les inflexions nasillardes de Catherine Breillat et la fraîcheur sucrée d'une jeune fille. En tous cas, vous l'aurez compris, Chloé est à mille titres captivante. Magnétique. Magnéto.



"La musique, c'est ce que j'ai dans le ventre"


"Brisseau m'intéresse, il cherche un truc"



Savez-vous quelle image vous avez dans le milieu de la musique et dans celui du cinéma ?
Non, pas vraiment. Pour ce qui est du cinéma, c'est dur de répondre car je n'y ai pas encore fait ce que j'avais envie de faire. Pour l'instant, je n'y ai fait que des passages anecdotiques, qui étaient agréables à faire, mais qui restent anecdotiques.


De quand date votre premier rôle au cinéma ?
Je ne sais plus.


D'après ce que dit votre site cela remonterait à 1998.
Ah ! Vous êtes allé sur le site. Il est joli, hein ?


Oui.
J'ai beaucoup travaillé dessus. Alors ouais, c'est ça. Et puis avant, j'ai fait le Conservatoire et c'est vrai que je ne suis pas encore comblée niveau cinéma, pas du tout.


A ce jour, vous vous êtes plus réalisée dans la musique que dans le cinéma ?
Ah oui (soupir) ! Parce que j'ai fait ce que je voulais. Je compose, j'écris, je ne suis l'outil de personne. Ce qui est agréable au cinéma, c'est d'être l'outil de quelqu'un.


Mais encore faut-il trouver la bonne personne.
Mais voilà, il faut pouvoir être un outil intéressant dans le projet et l'univers de quelqu'un qui nous plait, sinon c'est très frustrant, je trouve. Là, la musique, ma musique, c'est quelque chose.


Actuellement entre vous et le cinéma c'est en stand by ?
Je suis total open, mais je ne cours pas après. Je ne fais pas du tout de démarches, parce que d'abord la musique me prend beaucoup de temps, avec les concerts, etc. et la musique c'est d'abord ça que j'ai dans le ventre. C'est ça qui prime.


La musique vous habite plus que le cinéma ?
La musique, c'est mes mots, c'est mes histoires... Je suppose qu'un metteur en scène habite beaucoup plus son projet qu'un acteur. Forcément. Dans les chansons que je fais, j'ai l'impression de raconter mes petits films. La manière dont je les chante c'est la manière dont je les entends C'est ce que j'ai dans la tête, c'est un peu ma vie. Tout vient de moi, donc c'est forcément très agréable.


Mais un acteur est-il fatalement vide de cinéma lorsqu'il tourne pas ?
Je pense que lorsqu'on est très bien connecté avec un metteur en scène et qu'on a un grand rôle, ça peut être fantastique. Dans ce cas-là, je pense que le metteur en scène peut vraiment nous emmener dans un univers où on lui rend quelque chose. Mais moi je n'ai jamais eu cette occasion-là.


Même pas un petit peu ?

Si, j'ai eu des petits rôles, des petites choses amusantes, mais faire deux jours de tournage ce n'est rien. Par contre, je suppose que ça doit être quelque chose de faire deux mois de tournage non stop avec une équipe et un metteur en scène. Deux mois pendant lesquels on cherche ensemble et on va dans le même sens. Là, je pense qu'on a le temps et de fantasmer et de vivre la chose et de la digérer. Alors que si on fait un ou deux jours de tournage, c'est agréable, très rigolo, on joue à la fée, à la princesse, mais ça ne reste que de chouettes petits moments volés. Ce n'est pas assez pour pouvoir s'installer dans quelque chose.


Quels sont les réalisateurs ou réalisatrices...
Qui me plaisent ?


Dont vous aimeriez qu'ils vous embarquent dans leur univers ?
(Silence.) Ah la la, je n'aime pas dire ça parce qu'après j'ai l'impression de faire de la pub...


Je vous demande juste votre ressenti. Je sais que vous avez par exemple déjà travaillez avec Claire Denis pour le clip de "Faites Monter", le single de Bashung pour L'imprudence.
Oui, Claire c'est quelqu'un dont je me sens proche en tous cas. Evidemment. C'est quelqu'un que j'aime énormément et avec qui cela serait possible parce qu'elle aime aussi les êtres décalés comme ça. (Silence.) Brisseau (Jean-Claude, Nda), je trouve que c'est intéressant ce qu'il fait ! Lui aussi il cherche quelque chose.


Vous avez vu son film, Les anges exterminateurs, qui est actuellement en salles ?
Ouais, j'ai beaucoup aimé. C'est très intéressant. Il est le seul à faire ça. (Silence. Réflexion. Elle bute. Ne trouve pas d'autres idées de réalisateurs ou réalisatrices.) Oh ! Je vais beaucoup au cinéma pourtant...


Vous êtes une grande habituée des salles obscures ?
Oui, j'aime beaucoup le cinéma. J'ai une maîtrise de cinéma.


J'ai vu ça dans votre biographie. Vous avez fait votre mémoire de maîtrise sur le thème du dos au cinéma. J'ai bien aimé le titre de votre mémoire : "Cinéma en Dos Majeur". Un titre pareil, je me suis dit qu'il justifiait à lui seul le fait d'écrire quelque chose sur le sujet ! De quoi parle concrètement votre étude ?
En bref, le sujet m'est venu parce que je me suis dit : "Un écran, c'est blanc, plat. Un dos c'est blanc, plat. Pourquoi cette surface plane imprime-t-elle tant de choses quand elle est filmée ? Pourquoi y sent-on autant de vie ? Pourquoi le dos c'est si fascinant au cinéma ? Pourquoi on le filme et qu'est-ce qui s'y passe quand on le filme ?" Parce qu'au départ, il ne se passe rien, c'est quand même un monolithe. Voilà, c'est venu de là. Et en fait, j'ai trouvé pleins de trucs (rire) !


D'autant plus qu'une surface plane et blanche permet toutes sortes de projections personnelles ?
Bien sûr ! On y retrouve forcément les fantasmes de chacun, comme au cinéma. On peut y mettre tout ce qu'on peut imaginer soi-même.


 

 

(Suite.)


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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 19:46
Christian rock ?




"on n'est pas Tenacious D mais je pense que nos morceaux ne manque pas d'esprit"


"nos chansons c'est du divertissement"



Pour en venir enfin aux chansons de Day and Age, je dois dire qu'il m'est difficile de dire ce que j'en pense car je n'ai pu l'écouter qu'une seule fois dans son intégralité au rez-de-chaussée de l'hôtel juste avant de te rencontrer. Mais ce que je peux dire c'est qu'il m'a donné l'impression de contenir moins de tubes que Hot Fuss et Sam's Town.
Tu trouves ?


C'est-à-dire que je ne crois pas à déceler de tubes tonitruants comme "Mr. Brightside" et "When We Were Young". L'album semble plus relax, calme, spacieux...
Ça m'intéresse de savoir ce que les gens pensent de notre musique. Ce que je peux te dire c'est qu'on ne sait jamais assis tous les quatre autour d'une table en nous disant "Allez les gars, écrivons des tubes". C'était juste "Ecrivons de bonnes chansons". Et je pense que ce disque est la meilleure compilation de chansons que nous n'ayons jamais fait. Nous sommes pas mal inspirés en ce moment. Tellement que j'ai déjà envie de retourner en studio pour enregistrer d'autres morceaux ! D'ailleurs la semaine dernière nous étions en studio pour travailler sur notre chanson de Noël 2008 avec Elton John. J'aime presque autant travailler en studio que jouer sur scène.


Il a pas mal été dit que Day and Age serait un album électronique, finalement ce n'est pas le cas.
En fait c'est surtout notre premier single, "Human", qui sonne vraiment électro-dance.


Il n'est pas représentatif de l'album.
Oui, parce que sur ce disque on est parti dans plusieurs directions à la fois. A aucun moment on ne s'est restreint en optant pour un seul style musical.


Et qu'en est-il des thèmes abordés dans les morceaux ? Les chansons tournent-elles autour d'un thème précis ou là aussi ça part dans plusieurs directions ?
Les thèmes des morceaux sont assez ouverts, à l'image du titre du disque que chacun peut interpréter à sa façon.


Pour moi Day and Age ça ressemble au nom d'une crème anti rides !
Bien vu, je n'y avais pas pensé (rires) ! Qu'ils soient positifs ou négatifs, j'aime bien ce moment des premiers feedback en interview, parce que j'ai encore la tête dans les chansons qu'on vient de finir, je ne sais pas trop quoi penser de ce qu'on vient de faire et ça me permet de prendre du recul par rapport à tout ça et de progressivement réussir à exprimer ce que je pense de ce disque.


Revenons aux textes de vos chansons. Ce n'est pas toi qui les écrits mais je voulais tout de même t'en parler parce que j'ai remarqué une chose. Dans Hot Fuss un trio de chansons semble traiter du même thème : le rejet des nanas au profit de l'amour de la musique. "Mr. Brightside" par exemple si j'ai bien saisi le texte c'est l'histoire d'un type qui se fait piquer sa nana mais qui dit : "Pas grave, au diable les nanas, de toute façon ce n'est pas mon truc, moi mon truc c'est de me donner corps et âme à la musique parce que mon destin c'est de devenir un super héro pop".
Oh c'est intéressant ce que tu dis là...


"Glamourous Indie Rock'n'roll" disait la même chose : "Fuck l'amour, le sexe, la drogue, je suis prêt à tout donner dans le rock quitte à devenir un no life si ça peut me permettre de devenir un jour une star du rock indé". Même son de cloche dans "Andy You're A Star". L'amour d'une fille perd tout poids face au désir d'être une star : "In a car with a girl, promise me she's not your world / Cause Andy, you're a star / In nobody's eyes but mine Andy, you're a star". A croire que Hot Fuss était un concept album sur le rejet des filles et l'obsession de devenir une popstar.
Je n'avais jamais vu les choses ainsi. Je ne pense pas que ce sens-là ait été consciemment voulu, mais c'est intéressant. Tu réfléchis beaucoup !


Tu discutes des paroles des morceaux avec Brandon ?
Oui ! Mais je n'y ai contribué qu'une seule fois, c'était d'ailleurs sur "Glamouros Indie Rock'n'roll". La phrase "She plays drum, I'm on tambourin", ça c'est de moi ! Mais bien sûr qu'on en discute parce que des fois je trouve que ça sonne bien mais je ne vois pas trop ce qu'il veut dire !


C'est une question que j'aurais aimé poser à Brandon mais comme il n'est pas là je me permets de te la poser : qu'est-ce qu'un Mr. Brightside ?
C'est le surnom que Brandon se donne dans ce morceau assez autobiographique. Après je ne sais pas quoi te dire d'autre. Nous on préfère savoir ce que les gens voient dans nos textes plutôt que de dire ce que nous avons voulu précisément y dire.


Alors je vais te dire ce que j'y vois. Pour moi Mr.Brightside c'est clairement un croyant, un moine soldat qui préfère se consacrer tout entier à sa croisade pop plutôt que de courir les filles et autres plaisirs de la vie.
Euh je pense que Brandon est ironique dans ce morceau.


The Killers, un groupe ironique ? Ce n'est pas vraiment l'image qu'on a de vous ici ?
C'est peut-être dû à la différence entre l'humour français et américain. C'est sûr que nous ne sommes pas Tenacious D mais je pense que nos morceaux ne manque pas d'esprit.


C'est bizarre moi je les perçois au contraire comme étant très premier degré.
Premier degré ? On ne m'avait jamais dit ça, mais pourquoi pas !


En tous cas je ne pense pas qu'on zappe votre humour en raison d'une différence culturelle et langagière car les français captent bien l'ironie dans les textes de Morrissey.
L'ironie n'est qu'un des sentiments qu'on aborde dans nos textes et peut-être qu'on essaie d'être sarcastique et qu'on n'y arrive pas du tout. On doit peut-être devenir plus cérébraux !


Day and Age est-il votre disque le plus cérébral ?
Je n'en ai aucune idée. Mais pour en revenir à "Mr. Brightside", je pense vraiment que Brandon y faisait preuve d'ironie et de snobisme, genre : "Cette foutue fille se paie ma tête, mais je m'en fiche, je suis Mr. Brighstide, j'ai mieux à faire".


Ah ok. Moi je me suis plutôt dit que ce morceau révélait votre nature de groupe rock chrétien ! Genre le sexe c'est mal et l'art c'est bien.
Ô mon Dieu, ce n'est pas du tout ça (rires) !


Pas chrétien ? Vous faites tout de même des chansons de Noël !
Eu oui, mais c'est juste que nos chansons sont faites pour distraire. C'est du divertissement.


The Killers, un groupe de bons gars, quoi !
Pour sûr qu'on est de bons gars. Regarde, moi je suis marié, donc je me dois d'être un mec bien !



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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 01:30
Christian rock ?



Le 10 novembre le guitariste (Dave Keuning) et le batteur (Ronnie Vannucci Jr.) des Killers étaient à Paris pour assurer l'un après l'autre la promotion de Day and Age. Une promotion rendue difficile par le fait que les journalistes venaient de découvrir l'album quelques heures avant de rencontrer le groupe, ce qui les a naturellement poussé à parler de tout sauf du disque dans lequel ils n'avaient pas eu le temps de rentrer. Personnellement ça ne m'a pas trop dérangé.


Client de leurs deux premiers albums et ne les ayant jamais rencontré, j'avais déjà un beau stock de questions à leur poser aux Killers, et des bien farfelues même. Je les ai testées pendant 20 minutes auprès d'un Dave un peu perché qui partira même sur un beau malentendu (voyant que j'avais un exemplaire de Hot Fuss il a pensé devancer ma demande en me proposant un autographe, mais comme j'avais juste le disque en main comme support d'information pour mener l'entretien et que je me fiche des autographes, j'ai décliné sa proposition et il a eu l'air bien malin, le pauvre). Et maintenant pour 20 autres minutes c'est au tour de Ronnie de prendre place devant moi. Globalement soumis aux mêmes questions, va-t-il se révéler plus pertinent que son pote ?









"On ne veut de mal à personne, nous venons en paix"


"un jour nous serons peut-être de grands auteurs, mais pour le moment nous sommes encore des bébés"



Bonjour Ronnie. Je viens donc de discuter avec Dave. Entre autre choses, je lui disais que je trouvais votre nom de groupe plutôt étonnant vu la musique que vous pratiquez. Parce que moi quand je vois un groupe nommé "les tueurs" c'est peut-être tordu mais je pense illico à Œdipe et au meurtre symbolique du père. Or The Killers est loin d'être un groupe de rock qui déboulonne ses idoles. Au contraire, votre musique ne cesse de citer ses pairs. Tu vois ce que je veux dire ?
Je vois, je vois. Hum, tu sais, nous sommes un groupe ambitieux mais je ne sais pas si nous le sommes assez pour avoir envie de déboulonner nos idoles comme tu le dis. On ne veut de mal à personne, nous venons en paix.


Mais il n'y a pas de mal à déboulonner ses idoles. Prenons Radiohead. Pour moi c'est l'exemple type du groupe qui a déboulonné ses idoles. Radiohead c'est 5 types qu'on ne perçoit plus comme des fans de rock, ni même comme des rockers mais comme des auteurs et des artistes à part entière.
Bien sûr, aujourd'hui quand Radiohead joue il ne rend hommage à personne.

Une fois j'ai discuté de ça avec une amie fan d'Oasis. Elle me disait justement ne pas aimer le côté"auteurisant" de Radiohead et les trouver "méprisant" parce qu'ils refusent de jouer certains tubes qui ont assis leur notoriété. Personnellement je trouve ça bien, même normal, qu'un groupe refuse de jouer les chansons dans lesquelles il ne se retrouve plus. Ça montre qu'il n'est pas une machine, qu'il est humain, qu'il a ses propres désirs. Des groupes comme vous, U2, Coldplay et Oasis prenez moins cette liberté sur vos fans. Vous semblez assez scrupuleusement respecter cette fonction "jukebox" qui vous unit au public, comme si c'était votre raison d'être. Comme si encore une fois, vous rendiez hommage, mais cette fois non pas aux artistes qui vous ont influencé mais aux gens qui vous ont soutenu.
Je vois ce que tu veux dire.


Et ce n'est pas une critique.
T'inquiète, je le prends bien ! Je comprends ton analyse. Je la trouve très intéressante. Vraiment.


Tu veux dire que tu la partages ?
C'est-à-dire que c'est sûr que nous sommes de gros fans de musique, mais il y a un point sur lequel je suis en désaccord avec toi. Ce n'est pas parce que nous sommes des enfants de la pop, de la radio et tout ça qu'on ne va pas évoluer vers autre chose. Je trouve ça intéressant de voir comment un groupe va pouvoir évoluer en 10-20 ans de carrière. Je veux dire, chaque groupe s'inspire de ceux qui l'ont précédé, mais après tout reste ouvert. Moi, ado j'ai essayé de copier des musiciens, notamment le batteur de The Jimi Hendrix Experience mais comme je n'étais pas assez bon pour faire le truc exactement comme lui le faisait, finalement j'ai fini par développer mon propre style.


En même temps c'est impossible de vraiment copier la façon de jouer de quelqu'un.
Je pense que si. Plein de groupes ou de tribute band arriver à sonner exactement comme les groupes qu'ils copient.


Pour moi ce qui fait de vous un tribute band ce n'est pas tant que vous sonniez exactement comme un groupe existant - parce que ce n'est pas le cas, vous sonnez comme plusieurs groupes existants - c'est plutôt parce que je ressens chez vous cette inébranlable foi rock qu'on ressent chez les tribute band. Cette sorte d'invincible et presque enfantine croyance qui fait que certains de ces tribute band sont parfois meilleurs que les groupes qui taisent leurs influences et essaient de se faire passer pour les "auteurs" qu'ils ne sont pas.
Oui, mais en même temps je pense qu'aujourd'hui tu ne peux pas tromper le public. Les gens ne sont plus dupes de ce genre de choses. Qui sait, un jour nous serons peut-être nous aussi de grands auteurs, mais pour le moment nous sommes encore des bébés. Nous continuons d'apprendre.


Pourtant l'industrie du disque ne semble pas vous considérer comme des bébés.
Peut-être qu'ils devraient parce que ça ne fait pas longtemps que nous sommes là.


Vu votre style de musique tout en hymnes et le carton de votre premier album, dès votre deuxième album l'industrie vous a presque cataloguée comme une machine U2-esque.
Ah bon ? Tout ça est une question de perception et ce que tu as pu percevoir de ton côté en tant qu'auditeur et en tant que journaliste n'est peut-être pas la réalité de ce que nous avons perçu de notre côté en vivant le truc de l'intérieur.


Sans doute. Pour vous, c'était comment de l'intérieur ?
On ne se sentait pas vraiment comme une machine U2-esque. D'ailleurs on ne s'est jamais senti ne serait-ce qu'arrivant à la cheville de U2.


Oui, mais l'industrie réfléchit par "cases", vous faites partie de l'industrie et elle vous a mis dans la case néo U2.
Bien sûr, mais on n'essaie de ne pas penser à ce genre de choses. On cherche plutôt à se concentrer sur la musique pour sans cesse faire mieux que ce qu'on a déjà fait.


Et tu penses que votre nouvel album est mieux que tout ce que vous avez déjà fait ?
Oui.


Pourquoi ?
Parce qu'on continue tout simplement à faire ce qu'on sait faire, c'est-à-dire qu'une fois de plus on a laissé venir les chansons à nous au lieu d'essayer de les faire rentrer dans un quelconque moule. Et c'est la première fois qu'on s'est senti si à l'aise de faire des chansons !


Pourquoi ?
Parce que notre premier album était surtout une collection de démos et on a eu que deux semaines pour écrire le deuxième. Or, pour le troisième, on a un peu plus de temps.


Et d'argent ?
Hum, je ne pense pas que l'argent joue un rôle là-dedans.


Bah ça peut par exemple vous permettre de rester plus longtemps en studio.
Oui, mais à l'époque de Sam's Town on a dépensé moins de 15% du budget qui nous était alloué pour acheter un studio d'enregistrement. La question du temps de travail en studio n'était donc plus un problème pour ce nouvel album. Et ça nous a permis d'être à la fois plus relax et plus concentré parce qu'avec l'expérience acquise sur Sam's Town on savait dorénavant vraiment ce que ça voulait dire de faire un album.


(Suite et fin.)



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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 23:52
L'envers du rock




Avez-vous remarqué ? On dirait que tous les groupes rock qui comptent ont une sorte de membre fantôme. Un mec trop sensible qui s'est barré (en couille) quand le succès les a mis sur les rails (de coke). Un dissident qui n'a tout simplement pas supporté de rentrer dans le moule (monde). Je ne suis pas érudit rock, donc arrêtez-moi si je me trompe, mais n'est-ce pas ce qui a frappé Brian Jones, Syd Barrett, Bon Scott, Vince Clarke et tous les autres ?


Je pensais à ça dernièrement. Je venais d'apprendre que Nick Kent avait été, une poignée de secondes, chanteur des Sex Pistols à la place de Johnny Rotten. Oui, Nick Kent, le célèbre rock-critic anglais auteur de Dark Stuff. Je venais aussi d'apprendre que Cheval Blanc avait été membre fondateur des No One Is Innocent. Oui, Cheval Blanc, l'auteur du "Poème lent". Quoi ? Vous ne connaissez pas Cheval Blanc ?


Vous avez vu Almost Famous ?


Un passage de ce film m'a marqué, hanté. C'est le moment de transmission entre maître Yoda et Luke Skywalker, quand le célèbre rock-critic américain Lester Bangs conseille le jeune héros qui désire marcher sur ses traces. Il dit, je résume ça de mémoire : "Petit, méfie-toi des rockers. Ils voudront te la faire à l'envers. Mais toi et eux évoluez dans deux sphères distinctes, tu m'entends ? Toi et eux n'êtes pas du même bois. Ils sont cool, toi pas. Il en va de ton job, petit, n'oublie jamais ça."


"Ils sont cool, toi pas." Comment oublier ce "Prends garde au côté obscur de la force" quand c'est Bangs qui le formule et qu'on désire soi-même, comme le gamin dans le film, devenir critique rock ?


Ce n'est que quelques années plus tard, après passage à l'acte et mûres réflexions, que j'ai compris précisément où Yoda Bangs voulait en venir. Et je ne l'ai jamais mieux compris qu'en lisant il y a quelques jours la page 17 de Règles pour le parc humain de Peter Sloterdijk. Quoi ? Un philosophe allemand maintenant ? Oui, un philosophe allemand ! Mais ne vous inquiétez pas, je vous la fais courte. Page 17 donc : "On ne peux comprendre l'humanisme antique qu'en le concevant comme une opposition de la lecture humanisante, créatrice de tolérance, source de connaissance, face au siphon de la sensation et de l'enivrement dans les stades. Quand bien même l'humaniste viendrait à s'égarer dans la foule hurlante, ce ne serait que pour constater qu'il est lui aussi un être humain et qu'il peut donc être infecté par la bestialisation. Il sort du théâtre pour revenir chez lui, honteux d'avoir participé involontairement à ces sensations contagieuses, et il est désormais enclin à admettre que rien de ce qui est humain ne lui est étranger."


Et là, fumant clope sur clope, il sacrifie alors sa nuit à l'article qui lui permettra de redonner dignité à son humanité déchue par le show de merde qu'il vient de voir, article qui lui permettra peut-être - du fond de son cœur il n'espère pas moins - de remettre l'humanité entière sur le droit chemin. Le philosophe écrirait ça s'il était rock-critic.


Le rapport avec Cheval Blanc ?


Un jour Nick Kent a dit que "Ce sont les perdants qui font toujours les bonnes histoires". C'était à un journaliste du Monde à l'occasion de la réédition de Dark Stuff (L'envers du rock, en français). Et voilà, Cheval Blanc c'est aussi ça, tout ça : le perdant magnifique, le type pas cool, le rocker du côté de la plume, pas du cirque. Et pour toutes ses raisons, parce qu'il se bat pour une cause plus noble que les autres, qui n'a de royaume que céleste, et qu'il a de magnifiques mais alors vraiment magnifiques chansons, le rock-critic aime Cheval Blanc.


Le 3 février Cheval B. se produisait à L'International et ils étaient tous là. Gonzai boys, Technikartiens, Alister, le SDH (Syndicat du Hype) et une poignée d'anonymes. Tous là pour ce qui semblait être le premier vrai concert de Cheval B. depuis belle lurette. Odeur de petit sacre et de stresse pour l'intéressé. Et sentiment partagé du rock-critic. Plongé tour à tour dans les cascades tristement ouatées de son piano et dans le foin grunge-folk de sa guitare, je me demandais s'il fallait conchier Alister et Thierry Théolier de foutre le dawa et de m'empêcher de faire pleinement résonner en moi des refrains invariablement touchant tournés comme des mantras tels que "La nuit n'est pas finie / Et la nuit est en feu / Où est le paradis / Où sont passés les dieux" ou "L'amour est en guerre / Et l'amour est une guerre / Une guerre à la guerre / Pour que l'amour s'éternise". Dit comme ça, ça ne rend rien. Mais avec la voix et la musique de Cheval B...


Bref j'avais à moitié envie d'étriper ce connard d'Alister avec ses lunettes de rock star et ce connard de Théolier avec sa casquette de crevard. A un moment une sans nom au cœur pur (une fan) ne s'est d'ailleurs pas gênée pour demander de baisser d'un ton aux bavards derrière elle. Non mais c'est vrai quoi ! Et en même temps, comment dire ? Je tempérais mes élans de facho. Parce que Ok les mecs avaient l'air con de s'agiter comme des fous genre "Regarde, Cheval c'est mon pote et mon pote c'est un génie, tripe sur mon pote maudit" alors que le mec livrait de purs poèmes sonores. Oui, je les trouvais cons à s'enorgueillir ainsi d'être proche de cette espèce rare que sont les poètes, mais d'un autre côté je ne pouvais pas m'empêcher de trouver ça chouette que le mec soit célébré de son vivant.


Car on sait tous que Cheval B. est une sorte de Sébastien T. qui ne sortira jamais de Sexuality, ne fera jamais l'Eurovision, ne deviendra jamais hype et tout alors voilà ça se fête.


Je sais peu de choses sur lui. Je me rappelle avoir découvert sa musique durant l'été 2007 sur les conseils d'un ami averti de mon goût pour un certain rock lettré. Je me rappelle que ce qui m'avait frappé c'était la maladresse de ses textes. Par mail j'en avais d'ailleurs discuté avec lui de ce que j'appelle la maladresse de ses textes, cette manière que ses textes ont d'avancer à tâtons dans une sorte de roue libre poétique, se moquant des convenances, du qu'en dira-t-on et comment ça les rend touchant d'aborder ainsi de vastes et mystérieux sujets comme "La vie, l'amour, la mort, le vide et le vent". Ses maladresses bigger than life, la beauté en un sens.


Je me rappelle l'avoir rencontré quelques jours après dans un bar, assez éméché. On s'est très vite mis à parler de Debord et de poésie. Comme des gosses.


Je ne sais s'il est prolo de base ou bourgeois. Je ne sais pas son âge, pourquoi il a quitté No One. Tout ce que je sais c'est que maintenant il semble mener une autre vie, l'antérieure, celle qui ne se gagne pas, celle qu'on laisse nous gagner, qui nous a déjà trouvé. En vertu de ça des petits malins le qualifient de "clochard céleste", d'"enfant illégitime de Johnny Rotten, Baudelaire et d'Henry Miller". Toute cette mythologie de grand bazar, ça doit lui faire une belle jambe, à lui le déserteur.


Pure pose ? A l'International je le revois hausser des épaules à la fin de ses morceaux. Grimacer de dépit, genre : "Voyez, je suis juste un type qui fait courir ses mains sur un piano, approximativement en plus. Pas de quoi se taper le cul par terre." Un gosse.


Récemment, sous le choc de l'avoir tout juste découvert, une amie me disait que pour elle Cheval était du niveau de Jean Fauque et de Manset. Je pensais à elle durant le concert. Elle aurait été là comme une gosse. Elle n'aurait pas toléré le moindre bruit quand serait venu "Le baiser" et son refrain de pure extase : "Le monde est mort, vive l'homme / Le baiser du ciel et des flammes / La révolution est un jeu d'enfant / La révélation au bout de nos langues". Elle n'aura pas toléré qu'un crevard de la hype rompe son état de grâce symbiotique avec le blues de Cheval Blanc.


La musique de Cheval B. est d'une tendresse infinie. Elle vient de cette nuit que nous connaissons tous, cette nuit à laquelle on fait face la nuit seul sous les draps, quand le sommeil ne vient pas, que le cœur s'éveille et qu'on ne désire qu'une chose : être aimé à bloc, que des bras nous serrent, emportent ce cœur. La musique de Cheval B. est d'une tendresse infinie, d'un autre âge. C'est l'enfance. En témoigne sa voix, son côté doudou de branche qu hésite à tomber, sa texture drunk qui redonne du sens à des mots dévalués, sa lenteur coton, planante, décadente.


"Il faut écrire / Lentement / Le nom des gens / Que l'on aime / Imperturbablement / Indiscutablement / Indispensablement / Il faut dire / Le poème lent / le poème du temps / Que l'on aime / Inoxydablement / Intarissablement / Inexorablement / Etre vivant" dit "Le poème lent" douce mélodie de mise en bière à l'appui. Si douce. Piano.


Une amie m'a dit qu'elle avait trouvé ce concert déprimant. Mais non lui dis-je. Et là j'aurais dû lui lire la page 9 de Règles pour le parc humain où Sloterdijk dit que "l'écrit est le pouvoir de transformer l'amour de l'immédiat et du prochain en un amour pour la vie inconnue, éloignée, à venir". Il cite Nietzsche. Parce que Cheval Blanc c'est ça. A lettrer le néant et faire naître mille images, sa musique ne déprime pas, elle enivre, par sa compassion, son inflexible abattement ("Aclarté"), son baroquisme hippie ("Du chaos"), sa vibe Murat lovely période Mustango ("Indolence"), son mysticisme d'inventaire avant liquidation. Elle redonne dignité à l'humanité déchue. Mais bien sûr, je ne lui ai pas dit ça comme ça à la fille. J'enjolive. Forever after.


Photos par Dom Garcia


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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 00:17
Wind of change




"bien sûr qu'on a envie de devenir aussi gros que U2"


"on est venu aux chansons de Noël car on a vu qu'Elvis

en avait fait"



Dave, tu disais que Day and Age contenait des morceaux typiques du style The Killers. "Spaceman" en fait partie ?
Oui, et il y aussi "Losing Touch". C'est deux morceaux auraient pu se retrouver sur nos disques précédents.


Pensez-vous prendre le risque de perdre des fans en vous éloignant du style de vos premiers albums ?
Certaines personnes le ressentent peut-être comme ça mais pas nous. On continue de faire la même chose à chaque disque : faire ce qu'on veut et tenter d'écrire les meilleures chansons possibles, celles qui nous plaisent à l'unanimité même si on ne les a pas toutes écrites tous. D'un album sur l'autre on met juste l'accent sur tel style plus qu'un autre.


Les choses vont très vite pour vous, en 4 ans de music business vous avez déjà sorti 4 disques. Aussi, votre premier album s'étant arraché à plusieurs millions d'exemplaires à travers le monde, dès le deuxième on vous a comparé à des successeurs potentiels au poste de king of pop de U2. Quelle a été votre réaction ?
Ça nous a plu ! Alors j'en vois déjà qui vont dire: "Mais pour qui se prend-t-il ?" Mais bien sûr qu'on a envie de devenir aussi gros que U2. Qui n'en a pas envie ? Après U2 est là depuis tellement d'années, pour l'instant on est loin d'être à leur niveau. Mais on reparlera de tout quand on aura franchi deux décennies parce que là on aura vraiment une œuvre, plein de bonnes chansons et de super shows derrière nous.


Mais, vu ce qu'est devenu le music business, malgré tout le talent du monde vous ne pourrez sans doute pas faire autant de vieux os que U2...
C'est sûr que ça va être coton. Nous, si j'inclus nos premières années de galères, ça fait 7 ans qu'on a monté The Killers. U2 ça fait près de 30 ans qu'ils sont là, tu imagines ? Tu imagines tout ce qu'ils ont dû vivre ensemble ? C'est hallucinant ! Eux savent vraiment ce que c'est que d'être un groupe et combien c'est dur de rester soudé. C'est le plus dur. Regarde, les Beatles n'ont tenu que 7 ans. 7 ans ça leur a suffi pour devenir le plus grand groupe de pop du monde, mais on n'est plus dans les années 60. Aujourd'hui les groupes ne sortent plus deux albums par an ! Nous on aimerait bien fonctionner comme ça, parce qu'on écrit tellement de chansons qu'on en laisse beaucoup de côté au moment de sortir un album. C'est pour ça qu'on a décidé de sortir la compilation Saw Dust entre Sam's Town et Day and Age. On avait accumulé plein d'inédits et de faces B et on se disait que c'était dommage de laisser ça dans nos tiroirs.


Vous avez bien fait. Sawdust est presque aussi bon que vos deux albums studios.
Moi, de tous nos disques, je crois que c'est celui que je préfère.


Je repensais à votre nom de groupe, "les tueurs". C'est une question bateau, mais je n'en connais sincèrement pas la réponse, d'où vient-il ?
Il vient du clip de "Cristal", une chanson issue de l'album Get Ready de New Order. C'est l'album qui a marqué leur retour en 2001 et moi je trouve que c'est un album très sous-estimé. Il y a plein de bonnes chansons là-dedans. Bref, et donc dans le clip de ce single on voit un faux groupe de jeunes interpréter la chanson de New Order et sur leur batterie figure ce nom : The Killers.


The Killers est donc le nom d'un faux groupe, intéressant !
Ah ah ! On trouvait que ça sonnait bien. Alors comme personne ne l'avait encore pris, on s'est dit: "Banco."

Là où je veux en venir c'est que moi, quand je vois un groupe de rock s'appeler les tueurs, je pense de suite, non pas aux serial killers, mais au meurtre symbolique du père. La thématique oedipienne, tu vois ? Or pour moi vous êtes l'inverse d'un groupe qui tue le père, vous êtes plutôt un groupe qui célèbre ses pairs, comme si vous étiez moins un groupe d'auteurs et de songwriters qu'un groupe de fans, une sorte de tribute band. Tu comprends ?
Oui, je crois et il y a sans doute du vrai dans ce que tu dis là. Avant d'être des songwriters nous sommes d'abord des fans de musique et on n'a pas peur de faire du rock de stade, si l'on peut appeler ça comme ça, parce qu'on aime jouer devant le maximum de gens.


Ça me rappelle ce que Noël Gallagher répondait quand on lui disait que sa musique recyclait celle souvent celle des Beatles. Il disait, comme il l'a un jour confié aux Inrocks : "C'est ma source d'inspiration principale. Et c'est comme ça que fonctionne le rock'n'roll. Les Beatles ni citaient-ils pas eux-mêmes les premières groupes de rythme & blues ?" Ces propos montrent une chose importante, et qu'on oublie trop souvent, à savoir que les notions de "reprises" et de "tribute band" sont à la base du rock. Dans leurs chansons les premières rockers ne rendaient-ils pas eux-mêmes hommage au concept du rock en parlant à tout bout de chant du Rock avec une majuscule comme s'il s'agissait d'une divinité ? J'ai l'impression qu'on retrouve un peu de tout ça chez vous, ce côté tribute band et ce rapport presque religieux avec le rock. Et c'est pour ça que tout à l'heure je me suis étonné d'apprendre que "Glamorous Indie Rock'n'Roll" était un morceau ironique à l'égard du concept d'indie rock...
Oui, il y a effectivement un peu de tout ça dans The Killers. Nous prenons le rock au sérieux.


Pourquoi ?
Parce qu'on aime ça. Faire du rock, c'est mon vœu le plus cher depuis que j'ai 14 ans. C'est mon seul rêve. Je n'en ai jamais eu d'autres. Je suis donc content que ce rêve se soit finalement réalisé.


J'ai appris que pour Noël 2008 vous alliez sortir une chanson Christmas Song en duo avec Elton John.
On est en train de la finir.


En France, on ne comprend pas trop pourquoi les groupes de rock anglo-saxons font des chansons de Noël. Pour nous Noël et le rock n'ont rien en commun.
C'est vrai que ça peut sembler un peu bizarre, mais en fait Noël c'est juste un prétexte qui nous permet de sortir une de ces nombreuses chansons qu'on a en stock et aider une association caritative en lui reversant nos bénéfices.


Ce n'est donc pas Noël qui, en soi, vous inspire ?
Non, pas vraiment. Pendant les vacances de Noël, je suis juste en famille, comme tout le monde. Par contre, je trouve qu'on manque vraiment de bonnes chansons de Noël, donc voilà nous on essaie de combler un peu ce vide. Mais je crois qu'à la base si on a eu envie de faire des chansons de Noël c'est parce qu'on a vu qu'Elvis en avait fait.


On retombe sur votre approche "religieuse" et "tribute band" du rock !
Hé bien dans le sens où Noël est une fête religieuse, oui, en effet.


Day and Ange s'achève sur "Goodnight, Travel Well", un morceau qui par son titre dit clairement à l'auditeur : "Tombé de rideau, tout le monde descend". Ça m'a fait repenser à deux morceaux de Sam's Town : "Enterlude" et "Exitlude". Ils donnaient aussi cette impression que votre disque était envisagé comme une pièce de théâtre ou une comédie musicale. Vous tenez vraiment à ce qu'on perçoive vos disques comme des contes, des moments de divertissements ?
Notre musique est avant tout théâtrale parce que Brandon chante souvent de façon théâtrale. Il n'a pas peur de ça. Mais c'est vrai qu'on travaille aussi tout particulièrement l'enchaînement de nos morceaux au sein du disque de sorte à ce qu'ils forment une sorte de tout cohérent, même si tous les morceaux n'ont pas la même couleur. Il y a part exemple un monde entre "Joy Ride", qui est une musique pour faire la fête, et "Goonight, Travel Well", qui est peut-être la chanson la plus sombre qu'on ait jamais écrite, mais ce n'est grave. Des morceaux de sens et d'humeurs différents peuvent cohabiter. D'ailleurs, d'aussi loin que je me souvienne, moi je n'ai jamais trop prêté attention aux paroles des chansons. Gamin, quand j'écoutais AC/DC ou les Smashing Pumpkins, je ne comprenais pas un traître mot de ce qu'ils disaient mais je m'en fichais.


C'est dommage, autant je ne suis pas sûr de la portée littéraire des textes d'AC/DC autant celle des Pumpkins est avérée. Corgan a une sacrée plume, qui fait de lui une sorte de poète rock. En tous cas, si une chanson de Day and Age m'a unanimement touché à la première écoute c'est "Goodnight, Travel Well".
Je suis content que tu dises ça parce que pour moi c'est la meilleure chanson de clôture qu'on n'ait jamais écrite, même si j'aime beaucoup "Everything Will Be Alright".


(Suite.)


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28 janvier 2009 3 28 /01 /janvier /2009 23:40

Wind of change




Il y a quelques jours je découvrais la musique de White Lies. "Un mix parfait de The Killers et d'Editors" écrivais-je alors sur ma page Facebook. Oui, en 2009, j'ai craqué, je me suis inscrit sur Facebook, mais essentiellement pour promouvoir mon travail, pas ma gueule ni ma bite. Quoique, si ça peut aider... Bref, je découvrais la musique de ce nouveau groupe anglais qui n'a pas inventé le fil à couper le beurre et ça me faisait repenser à ces propos que Matthew Herbert avait confiés à Brain Magazine : "Je veux que les gens aient une relation critique et engagée avec la musique. La musique n'est pas un produit fini, elle n'est pas faite pour te faire acheter une voiture, elle n'est pas faite pour te faire te sentir mieux." Des propos que j'aurais sans vergogne coller aux Killers, jusqu'à ce qu'ils ne sortent Day and Age.


Sur leur troisième album les Killers cassent leur image. Et pas seulement parce qu'ils quittent leur créneau stadium rock crâneur pour quelques incursions "dance" et "tropical" décontractés du gland, mais aussi parce qu'ils s'aventurent à poser des questions philosophiques dans leur premier single et qu'ils ferment ce nouvel album sur un long morceau sombre et mystique. En effet sur "Human" si Brandon Flowers ne cesse de répéter "Are we human or are we dancers ?" ce n'est pas pour faire joli. Il a emprunté ces mots à l'écrivain et journaliste gonzo Hunter S. Thompson, qui attaquait par là vertement l'Amérique pour élever une génération non pas de citoyens responsables mais de "kids définitifs", dirait Houellebecq. Et sur "Goodnight, Travel Well" le chanteur mormon se fait Pascalien en questionnant l'homme, son être et son devenir, face au "silence éternel de ces espaces infinis". Il y a aussi du Pink Floyd dans l'air : "Is there anybody out there ?"


"Je n'aime pas qu'on nous prenne pour des bigots ignorants" a déclaré Brandon au magazine FHM. Et : "Bientôt on remplira les stades à la place de U2". Avec leur charisme et leur look, ce n'est pas gagné. Et ce n'est pas leur virage musical sympathique mais un peu cheap, il faut l'avouer, qui va aider. Avec ce Day and Age produit par Stuart (Leader) Price, le rock du quatuor de Las Vegas (Parano) s'éloigne de l'évocation du bruit mât d'une portière de BM. Oui, c'est ce que m'a toujours évoqué leur musique ultra-référencée : le bruit et sécurisant d'une portière de BM. Une manière de dire que leur musique m'a toujours piégée par son côté régressif et glam plein de testostérone. Que j'ai bien voyagé, immobile, dans son savant alliage de U2, The Cure, Springsteen, Queen, New Order, Depeche Mode. Mais aujourd'hui, niveau design sonore pavlovien, White Lies bien pire. A coté The Killers c'est Godspeed You ! Black Emperor. Bref, tout cela m'a donné envie de voir ce qui se cache derrière ce groupe aux faux airs de tribute band gay friendly. Interview du guitariste, Dave Keuning, puis du batteur, Ronnie Vannucci Jr., le 10 novembre dans le te très chic hôtel Renaissance à Paris.




"Glamorous Indie Rock'n'Roll était une joke"


"Pendant un an on nous a qualifié de Bruce Springsteen

de poche, ça m'a rendu fou !"





Bonjour Dave. Je suis un peu embêté. Je vais avoir du mal à parler de votre nouvel album car comme tous les journalistes que tu vas voir aujourd'hui je n'ai pu l'écouter qu'une heure avant de te rencontrer. Et tu imagines bien qu'en si peu de temps je n'ai pas pu le digérer pour vraiment savoir qu'en penser. Mais l'impression qu'il m'a laissé c'est d'être assez différent de vos deux premiers disques, moins rock, plus varié. Que cherchiez-vous à faire avec ce disque ?
Je ne sais pas, je crois qu'on était ouvert à tout. C'est pour ça qu'on y trouve de tout : du rock estampillé The Killers, des morceaux dark, des ballades, du rock tropical...


Le rock tropical, c'est "Joy Ride" ?
Oui, pour moi c'est une sorte de mix entre The Clash et Duran Duran...


Tout ça n'est pas très "indie rock'n'roll" !
Non, mais on n'a jamais été un groupe d'indie rock. Enfin j'imagine que tu dis ça en référence à notre chanson "Glamorous Indie Rock'n'roll". Mais sache que ce morceau était juste une blague.


Une blague ?!
Oui, en quelque sorte.


Pourtant Brandon chante ça avec emphase, sérieux comme un paon et tout...
Il y a de l'ironie là-dedans. Certains la captent, d'autres non.


En France Les Killers ne sont pas connus pour leur ironie...
Si en France vous ne captez pas l'ironie de nos morceaux c'est, je crois, parce que le rock indé ne désigne pas le même genre de musique aux Etats-Unis et en Europe. Chez nous, le rock indé qualifie surtout le "college rock", un style très arrogant. Et nous ne jouons pas une musique arrogante. Ce n'est pas notre truc.


Ok. Vous avez choisi Stuart Price pour produire Day and Age. Il avait déjà remixé vos premiers singles et travaillé sur certains morceaux de Sawdust, votre compilation d'inédits et de faces B. Pourquoi l'avoir choisi pour produire l'entièreté de votre troisième album ?
Son travail de studio sur Sawdust a été marqué notre première collaboration réelle avec lui et comme il travaille vite, qu'il a notre âge et qu'il aime plein de styles de musiques, ça s'est tellement bien passé, qu'on a eu envie de tester cette alchimie de travail sur l'intégralité de notre nouvel album.

Concrètement que vous a-t-il apporté Day and Age ?
On n'écrit toujours nos chansons nous-mêmes, soit tous ensemble en session live, soit plus récemment en se mailant des démos par mails, ce qui est une façon plus structurer d'avancer. Sur Day and Age, Stuart est donc arrivé à la fin du processus d'écriture, une fois que nous étions en studio pour enregistrer les morceaux, et il nous a juste aidé à les faire sonner autrement que par le passé. Il a bidouillé pas mal de parties de guitares et de claviers avec son ordinateur. Techniquement, il nous a été d'une aide précieuse.


J'ai eu l'impression qu'il y avait moins de guitare sur ce disque...
Ce n'est qu'une impression ! Parce que si tu écoutes attentivement le disque au casque tu entendras beaucoup de guitares, à droite, à gauche. J'en joue autant que sur nos précédents disques c'est juste que sur certains morceaux les guitares ont été mixées un peu plus en retrait. On le faisait déjà avant, mais là on l'a juste fait un peu plus souvent que d'habitude. Tout ça pour te dire que sur ce disque il y a plus de guitares que ce que les gens croient. Regarde, beaucoup pensent qu'il n'y a pas de guitare sur "Human", or un riff de guitare traverse tout le morceau.


"Human" est le premier single de Day and Age mais son ancrage "euro dance" n'est pas représentatif du reste de l'album. Pourquoi ?
Aucun morceau n'est représentatif de l'album parce qu'il aborde plein de styles différents. Et c'était pareil sur Hot Fuss et Sam's Town. Pour le single de Sam's Town on a hésité entre "Bones", "Read My Mind" et "When We're Young". On a finalement opté pour "When We We're Young" parce qu'on pensait que c'était notre meilleur morceau, et je pense qu'on a eu raison, c'est une super chanson rock. Mais voilà on a toujours eu du mal à choisir notre premier single, d'autant plus que c'est un choix important. A travers ton premier single les auditeurs se font une certaine image de ton disque et par la suite ils peuvent te réduire à ça. Enfin c'était surtout vrai avant. Parce qu'avant Internet les gens achetaient un album sur la foi d'un single, maintenant vu qu'Internet offre la possibilité d'écouter un disque en intégralité avant même qu'il ne soit mis sur le commerce, ce n'est plus le cas et les disques sont donc achetés en toute connaissance de cause. Mais regarde ce qui s'est passé pour nous sur Sam's Town, on a donc sorti "When We We're Young" en single et comme certains ont trouvé que ça ressemblait à du Bruce Springsteen de poche, tout l'album a vite été catalogué comme du Bruce Springsteen de poche. On m'a répété ça durant un an, ça m'a rendu fou ! Parce que je suis désolé mais c'est faux, ce disque ne sonne pas comme du Bruce Springsteen. Springsteen est juste une de nos multiples influences, au même titre que New Order, Duran Duran, Depeche Mode...


En parlant de New Order, j'ai trouvé que la basse de "Spaceman" faisait très New Order...
Tout à fait. Si tu veux la décrire dans ton article comme une basse à la New Order, tu peux. Pas de problème.



(Suite.)


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22 janvier 2009 4 22 /01 /janvier /2009 14:45
Simple (man) ?




"en Union Soviétique j'ai découvert un monde incroyable"


"Si la Bible m'intéresse, c'est de la faute à Dostoïevski !"





Comment est née ta passion pour le russe et la Russie ?
A l'école. A 12 ans j'ai commencé à étudier le russe à l'école. Je suis allé en Union Soviétique en 1987 à l'occasion d'un voyage scolaire, on a visité des endroits très intéressants. Pour moi qui avais 15 ans ça a été une expérience majeure.


Tu n'avais jamais voyagé à l'étranger avant ça ?
Non, à part quelques voyages en France ! J'ai donc continué à étudier le russe à l'Université et j'ai étudié un an à Moscou entre 92 et 93. Ce fut une année de grands changements pour la Russie. J'y ai vécu plein de choses et je me suis fait de vrais amis.


Il paraît que c'est là-bas que tu as écrit tes premières chansons...
Oui, c'est possible.


Cette année ne devait donc pas être si idyllique parce qu'on écrit toujours sous le coup d'une certaine tristesse, surtout ses premières chansons...
Oui, mais aussi c'était une période positive car chaque jour je me levais en me demandant ce qui allait m'arriver. Parfois il m'arrivait de bonnes choses, parfois moins - je me rappelle par exemple d'une assez longue période de maladie passée au lit à lire Dostoïevski - mais c'était riche en émotions et en nouvelles expériences, ce fut sans doute l'année la plus stimulante de toute mon existence, donc ça m'a pas mal inspiré. Je peux même dire que ça profondément conditionné le restant de ma vie.


Qu'est-ce qui t'a fait tant t'intéresser à la Russie ?
C'est en partie dû à ce voyage scolaire en Union Soviétique en 87. Là-bas j'ai découvert un autre monde. Un monde sans publicités, c'était incroyable. Je me suis donc intéressé au communisme... J'étais aussi en Russie en 1990 quand les choses se sont mises à changer radicalement. Et j'y étais donc encore en 92-93. Voir tous ces changements était absolument fascinant. De même que lire tous ces livres que je devais lire pour obtenir mon diplôme.


Quels livres lisais-tu ?
J'étudiais la littérature russe de ses débuts jusqu'à aujourd'hui. Tout cela a fait que je me suis passionné pour la Russie dans son ensemble. Et quand j'ai quitté Unbelievable Truth en 2000 j'ai passé un master en histoire, politique et économie russe, qui m'a beaucoup plu.


Penses-tu que ta passion pour la Russie ait influencé ton univers musical ?
Peut-être mais je ne saurais dire comment... Si ce n'est que c'est peut-être de là que vient ce cette sorte de mélancolie et de sobriété qu'on retrouve dans ma musique !


Musicalement on s'aperçoit que sur Simple tu reviens nettement au parti pris musical très pop acoustique qui était celui d'Unbelievable Truth à l'époque de Almost Here...
Oui parce que musicalement je pense qu'on s'était perdu sur le second album en s'éloignant du son acoustique qui était le notre sur notre premier disque.


Pour toi c'était vraiment l'identité du groupe ?
Oui, pour moi le son était vraiment dans cette sorte de nudité et de sentiment d'espace que j'avais pu trouver, plus jeune, dans les albums de Talk Talk et de Mark Hollis. Je pense que c'est dans sur ce terrain-là qu'on donnait le meilleur de nous-même.


Pourquoi avoir donc dévié de cette voie pour le second album d'Unbelievable Truth ?
Je pense que c'est parce qu'on était assez frustré de la façon dont les choses se passaient. Oui, on était frustré, en colère, et on a donc pensé que ce serait bien de donner vie à ça sur des morceaux plus électriques comme "I Can't Wait", "Pedestrian" ou "Agony". Mais lâcher cette frustration ne s'est pas révélé être l'exutoire espéré !


Lorsque tu as quitté Unbelievable Truth tu envisageais toujours de continuer à faire de la musique et à sortir des albums d'une manière ou d'une autre ?
Non, parce qu'à l'époque j'étais un peu fatigué par tout ça. Je n'étais vraiment pas convaincu d'être assez bon pour m'y remettre un jour. J'ai donc sincèrement cru que la musique c'était fini pour moi, qu'on ne m'y reprendrait plus, mais comme tu le vois là aussi j'ai échoué !

De quoi parlent les chansons de cet album solo ? Abordent-elles les mêmes thèmes que les albums d'Unbelievable Truth ?

J'ai commencé à écrire ces chansons vers 2003-2004. J'avais quitté le groupe, je venais de rompre avec la personne avec qui j'étais depuis plusieurs années donc toutes ces chansons parlent d'essayer de se confronter à ce qui s'est vraiment passé, au pourquoi ça n'a pas marché, et à l'obligation de retrouver un équilibre dans ma vie. Une raison d'espérer. Il y a donc aussi des chansons optimistes comme "Simple". Tout cela donne un album assez personnel. Pour moi la musique l'a toujours été. J'ai commencé à écrire des chansons parce que ça m'aidait à comprendre ce qui se passait dans ma tête, comme une forme d'auto thérapie instinctive. Je n'écris jamais une chanson pour intéresser quelqu'un d'autre que moi !


J'ai souvent l'impression que tes textes parlent de foi. De quel genre de foi s'agit-il ?
(Soupir) C'est une question difficile... Disons que je suis en quête de réponses...


Tu cherches le sens de tout ça ? Une morale ?
(Soupir) Oui, je ne sais pas. C'est intéressant de voir que tout ça ressort parfois dans mes chansons. Pendant que j'écrivais ce disque il y a un moment où je me suis penché sur le christianisme, je lisais des choses...


La Bible ?
Oui !


Tu es arrivé au bout ?
Non ! Je n'ai malheureusement pas réussi !


Donc la religion t'intéresse ?
Oui, mais pas tout le temps, c'est par période ! Tu sais, certains des plus grands écrivains russes, notamment Dostoïevski, se sont intéressés au christianisme. Et pour eux c'était moins une religion qu'une source spirituelle. Les gens en proie à un certain désespoir y cherchent souvent des réponses. Donc voilà, tout ça m'intéresse. Et c'est de la faute à Dostoïevski !


Dans "Twist Of The Knife", un de tes nouveaux morceaux, tu chantes "I don't want the world to change". Que veux-tu dire ?
Attention ! Ne va pas croire que ça veut dire que je suis un ultra conservateur. De toute façon le propos de cette chanson n'est pas politique. ça fait un bail que j'ai abandonné l'idée d'écrire à propos de la politique parce qu'à chaque fois que j'ai essayé le résultat ne me semblait pas satisfaisant.


Par exemple, il parait que "A Name", issu du deuxième album de Unbelievable Truth, est une chanson politique...
Oui, j'ai écrit cette chanson pendant que nous étions en train d'enregistrer Sorrythankyou. A l'époque il y avait la guerre du Kosovo et cette chanson parle donc de Milosevic et de ce qui se passait là-bas à ce moment-là. La musique est de Nigel. C'est une bonne chanson. Mais j'ai arrêté d'écrire ce genre de chansons. C'est trop compliqué. Parce que tu dois dire les choses en passant par des chemins de traverses, et pas frontalement, sinon la chanson perd toute sa force. "Twist Of The Knife" n'est donc pas une chanson politique, mais au contraire une chanson personnelle. Quand je dis que je ne veux pas que le monde change, je veux dire que je ne suis pas prêt à faire face à tous les changements qui peuvent survenir dans la vie. On n'est pas loin de ce que je chantais déjà dans "Almost Here".



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20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 02:09
Simple (man) ?



Il y a deux grands types d'hommes dans la vie, d'un côté les futuristes, les modernes, les fascistes, les cyborgs, les rock stars : ceux qui font l'éloge de la névrose, de la conquête, du pouvoir, de l'outil et n'acquièrent jamais satisfaction ; de l'autre les humanistes, moines : ceux qui font l'éloge du zen, du lâcher prise, du très peu pour moi, je vais bien ne t'en fais pas et tempèrent leurs moi. En gros il y a ceux qui veulent changer le monde, et l'homme, et ceux qui ne le veulent pas. Andy Yorke fait partie de cette deuxième catégorie d'hommes-là.


Comment pourrait-il en être autrement quand on a comme grand frère Thom-fut-un-temps-Paranoïd-Androïd-Yorke ? C'est ce que cette longue interview avec le petit frère cherche un peu à déterminer. Personnellement j'ai toujours été fasciné par Radiohead. Une autre façon de dire que j'ai toujours voulu être Thom Yorke. Enfin quand j'avais 17 ans. Et les murs (qui ont des oreilles) s'en souviennent. Mais aujourd'hui, je ne suis pas rock star, ni rock critic, je suis journaliste musique, et pas en haut de la pyramide, qui plus est sans pseudo fantasmatique ni quête esthétique visionnaire derrière laquelle me drapper. "Je suis un homme. Quoi de plus naturel en somme." Et je pense qu'entre autres raisons c'est pourquoi aujourd'hui l'œuvre du très Simon & Garfunkel Andy-je-ne-suis-pas-un-héro-Yorke a une place spéciale dans mon cœur.


J'ai rencontré l'ex-leader d'Unbelievable Truth durant l'été 2007. Le temps a passé. Je ne sais plus si c'était avant ou après son concert du 25 juillet au Divan du Monde. Concert ouvert par le folk divin des sœurs jumelles de Taxi Taxi ! dont j'attends toujours le premier album. Je me revois marcher jusqu'à l'hôtel d'Andy. Un hôtel tout ce qu'il y a de plus simple comme moi j'aurais pu en louer avec mes maigres revenus si j'avais fait halte dans une ville étrangère. Je me revois écraser ma clope, repenser à quelques souvenirs perso liés à la musique de ce trio pop-folk qu'Andy formait avec Nigel Powell (batterie, claviers, choeurs) et Jason Moulster (basse, choeurs). La douce mélancolie de leur premier album arrivée en 98 à point nommé après la bourrasque Ok Computer. Leur concert un an après à L'abordage d'Evreux. Les gens rentrant chez eux comblés en chantant tout haut le refrain lancinant de "Buildingt" ("Say what you want, say what you want..."). Et moi pareil, dans ma tête.


Je me revois écrasé ma clope et regarder cet hôtel bête comme chou. Il faisait assez terne ce jour-là. Froid presque. Je me rappelle. On était en juin. Bizarre. Du froid en juin. Oui, c'était même précisément le 24 juin 2007. La veille Andy était déjà venu une première fois sur Paris pour présenter ses nouvelles chansons au Trabendo. Ce soir-là je n'y étais pas. J'avais loupé un chouette groupe que j'ai découvert depuis : Au Revoir Simone. Et donc voilà, après avoir échangé quelques mails et textos avec lui, j'étais venu le cueillir dans son hôtel le lendemain de son concert, juste avant son retour à Londres, pour lui poser quelques questions sur son premier album solo, Simple, qui sortira finalement un an plus tard, le 14 juillet 2008, mais aussi sur lui, tout simplement. Je le revois parler lentement, avec plein de silence dans la voix, monacal, et un peu de gène. Comme moi du coup.












"du mal à me croire capable de devenir un vrai songwriter"


"très heureux de ne pas avoir choisi entre le russe et la musique"



Bonjour Andy. A qui dois-tu ton premier contact avec la pop music ?
Pour tout dire à mon frère parce qu'il a 4 ans de plus que moi !


Tu lui empruntais ses CD ?
Oui, j'ai fait ça pendant un certain temps jusqu'à ce qu'ils me disent qu'il était temps que j'achète mes propres CD ! Petit à petit j'ai donc développé mon propre rapport à la musique. Peut-être que j'aurais découvert la même musique sans lui et que je me serais aussi mis à en faire par la suite, mais quand j'étais jeune c'est lui qui m'a insufflé le truc.


Tes parents écoutaient de la musique ?
Non, pas vraiment. Je ne peux pas dire qu'il y avait de la musique à la maison.


Alors, quels groupes as-tu découverts en piochant dans la discothèque de ton frère ?
REM et Tom Waits. Et en 1987 mes deux premiers vrais concerts c'était eux : REM et Tom Waits. J'ai vu REM avec un ami et Tom Waits avec mon frère.


Deux grands souvenirs ?
Oui, fantastiques. Prendre le bus à 15 ans pour voir un concert à Londres est une expérience formatrice. D'un seul coup tu te sens grand ! En plus j'ai la chance que ces deux groupes soient devenus des "classiques". Pour commencer, il y a pire comme concert !


Et vu que ton frère était déjà un vrai passionné de musique, pratiquant qui plus est, ça n'a pas été pas dur pour toi de développer ton propre rapport à la musique ?
La musique m'a très tôt intéressée, j'en écoutais beaucoup, je me nouais d'amitié avec de vrais fans de musique, mais je me suis mis à écrire mes propres chansons sur le tard. Et là-dessus je dois beaucoup à mon ami Nigel. Lui compose depuis qu'il a environ 8 ans, il a senti que j'avais un talent de songwriter qui ne demandait qu'à sortir et il m'a toujours poussé dans cette voie. J'ai appris des rudiments de guitare rythmique quand j'étais à l'école primaire mais ça ne suffit pas si tu veux te lancer à écrire tes propres chansons. Je me suis donc mis à tout réapprendre proprement depuis le début. Mais j'avais du mal à me croire capable de devenir un vrai songwriter. Et c'est vrai que c'est sans doute dû en partie au fait qu'à ce jeu-là mon frère était déjà loin loin devant moi.


Thom devait être plus confiant en son potentiel musical. Il parait qu'il a très tôt rêvé de devenir une rockstar...
Je ne sais pas... Enfin je ne peux pas parler pour Thom mais je ne pense pas qu'il souhaitait particulièrement devenir une rockstar...


Toi, tu n'as jamais eu ce genre de rêve ?
Non. J'ai toujours voulu composer de la musique, ma musique et je ne sais pas si... Encore aujourd'hui je me demande pourquoi j'ai quitté le groupe et pourquoi je continue à faire de la musique.


Justement, pourquoi avoir arrêté l'aventure Unbelievable Truth en 2000 ? Est-ce à cause du manque de succès ou de problèmes internes au groupe ?
(Soupir) Le manque de succès n'a évidemment rien arrangé, mais en fait tout cela est plus dû au fait que j'avais l'impression de ne plus avoir les choses sous contrôle et j'ai pris peur.


Il paraît que tu avais déjà quitté le groupe en 96, avant la sortie du premier album, parce que tu avais peur de t'engager pleinement dans ce qu'impliquait la vie de groupe...
Oui, c'est pour ça que je suis en grande responsable de la fin du groupe. Les gars auraient bien aimé que je sois plus fort, que je prenne les choses en main comme un vrai leader sait le faire, mais je n'en étais pas capable. Aujourd'hui, je suis plus à même de faire face à ces responsabilités parce que j'ai mûri et que j'évolue désormais sous mon nom. En plus aujourd'hui, j'ai un vrai boulot. Du coup je ne suis pas obligé de réussir musicalement. Aujourd'hui la musique ce n'est que du bonus.


C'est un atout pour toi de ne pas consacrer tout ton temps à la musique ?
Musicalement, pas vraiment, parce que je serais plus productif si j'y consacrais tout mon temps, mais ça me permet d'allouer du temps à mon vrai travail qui est directement lié à mon autre grande passion : la Russie.


Quel est ton vrai travail ?
Je suis consultant Russe au Royaume Uni. En gros, je donne des conseils à des sociétés internationales désirants faire du business en Russie. Je fonctionne donc comme si j'avais deux carrières et je suis très heureux de ne pas avoir choisi entre le russe et la musique. Je trouve mon équilibre là-dedans.


(Suite.)



Merci au fan-site Found The Road


Unbelievable Truth sur Deezer


Mon premier article sur Andy Yorke




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19 janvier 2009 1 19 /01 /janvier /2009 03:50
Sex appeal















Avoir de bonnes chansons c'est bien. Avoir en plus l'identité de groupe c'est mieux. C'est ce qui a toujours manqué au quintet pop Bellegarde. Mais le 15 janvier, en concert à l'OPA sous le nouveau nom imprononçable de Temporary January, les parisiens ont montré qu'ils avaient trouvé la solution : revenir en format guitare-basse-batterie avec à bord une femme fatale au nom tout aussi imprononçable.


Il n'y a parfois rien mieux qu'un trio guitare-basse-batterie. J'en refaisais récemment l'expérience. Un ami me faisait découvrir ce groupe, Little Barrie. Quelle joie ce groupe ! Juste guitare-basse-batterie donc, chant et chœur, mais quel pouvoir ! Quand les bons ingrédients se rencontrent, quelques gouttes suffisent. Ils ont le son, la voix, les accroches mélodiques, tout roots, sixties, garage. Le trio, voilà, indémodable, les fondamentaux. D'ailleurs en 2008 quels CD ont particulièrement trusté ma platine et continueront en 2009 ? Le premier The Subways, le premier BRMC (et Rhesus aussi, Talia aussi, si, j'insiste), inexorablement. Rien de révolutionnaire, mais deux trio guitare-basse-batterie qui vont droit au but. Mais bon l'alchimie de groupe ne se trouve pas dans les paquets Bonux. Longtemps, pour cette raison, je n'ai jamais su trop quoi dire de Bellegarde. J'aurais aimé : leurs chansons étaient classes, leur leader un ami. Mais ça ne sortait pas. Et je ne compte pas la maigre chronique de leur premier EP que j'avais réussi à placer en 2007 dans le magazine Longueur d'Ondes. Cette histoire de "Cure avec un stetson sur le crâne", hum, pas fameux. Je n'avais pas de déclic de plume parce qu'il leur manquait ce truc clé : l'identité de groupe. "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher" dit Baudelaire dans L'albatros. Bellegarde c'était ça. Trop de monde à bord pour l'envol. Depuis des têtes sont tombées et ça leur va bien.


















C'est ce que je me dis ce 15 janvier en m'avançant vers la scène bière à 5 euros en main (vive l'OPA). Leur nouveau nom sonne mal (Temporary January, essayez de prononcer ça pour voir) mais sur scène, devenu trio, les ex-Bellegarde font désormais corps. C'est bien simple, de tout le set, je n'ai pas pu détourner mon regard de la scène. Je n'arrêtais pas de taper du pied et de trépigner de la tête. Entre les morceaux j'hasardais un regard vers des amis, genre pincez-moi je rêve ! Elise : "Ils jouent comme s'ils réinventaient la pop !" Greg : "On dirait un mélange de Pixies et de Steely Dan !" Mathieu : "Ce "Last morceau" est très Daft Punk !". Je ne rêvais pas. Jérôme "Scott Of The Antartic" Pichon, jeu de gratte et voix de velours nickel, a été égal à lui-même : tout en tension intérieure indie rock / no-wave. Trop en retrait ? C'est tout lui : il a beau être le chanteur-guitariste, le songwriter majeur, l'instigateur du projet, il n'assume pas à fond le leadership, comme s'il avait peur de faire l'Artiste. C'est le genre à vous annoncer une cover de Crystla Skulls, superbe, comme s'il annonçait le décès de son chien. Mais maintenant ce n'est plus un vrai problème pour nous car dans un trio ces charges-là sont mieux réparties et question soutien, il est soutenu. Limite joyful derrière ses fûts, ce soir Stéphane "Ricky Hollywood" Bellity c'était Ricky ou la belle vie : le liant, le chef d'orchestre, la touche de lait pop. Et puis last but not least, il y a eu Sylvia Hanschneckenbühl. Ah, cette Sylvia Hanschneckenbühl : basse véloce, œillade Albator derrière cheveux noirs de geai et chant dominateur aux accents germaniques, clairement this is the girl. Transfuge de La Féline, son sex appeal mi D'Arcy mi Kim Deal cartonne dans Temporay January.


















"I Can't Breathe", "Celebration Time"... Leurs compos sont sculptées, magnifiées par le parti pris guitare-basse-batterie. Et avec cette bassiste, Sylvia, c'est con à dire, mais elles vont d'autant plus me rester dans le crâne. Son interprétation charnelle, tellurique et distanciée de "God Sent Me Back", ça ne s'oublie pas comme ça. Elle a fait monter le mercure. Après la demie heure de set, devinez sur quoi portait le premier commentaire de mes potes ? Pour ceux que ça botte, la miss sort un album en mars, Sylvia Does Not Sing Christmas. Un titre est en écoute sur son Myspace. Ça parle de boules, mais toujours pas de Noël. Cette bassiste au nom maléfique (on s'étrangle à tenter de le prononcer) n'écrit pas que d'"ultra violent love songs". Elle est aussi "vaguement photographe". Peu fan de portraits (vous avez dit misanthrope ?), elle prend plutôt des bâtiments industriels lorrains laissés à l'abandon. Bâtiments dans lesquels elle voit des sortes d'églises. Bref, tout ça pour vous dire que ce groupe a beau venir de mon entourage (et cette proximité, question rêve, c'est plus un inconvénient qu'un avantage), il me procure une étincelle de rêve. J'ai envie de tenir son album dans mes mains, de voir ce qu'ils vont raconter sur 12 titres, les pépites enchaînées, l'univers développé. Je prie le trio de rester dans cette voie. Soudé. Temporay January donc. (Ex-Bellegarde). Mais ne retenez pas ce nom, ils vont bientôt en changer.



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15 janvier 2009 4 15 /01 /janvier /2009 00:38
Manitoba ne répond plus










"moi et le cinéma... "



"Jeune et con, c'était bien..."




Une dernière question. La dernière fois que nous nous sommes entretenus c'était à la sortie d'Obok et vous m'aviez dit que vous étiez plus réceptif des yeux que des oreilles.
C'est vrai.


Du coup je me demandais si vous aviez déjà pensé faire un film.
Alors, d'abord je suis dans l'image depuis très longtemps, photos et images animées, parce que je suis de l'école colleuse, monteuse, chutier et tout ça, mais voilà je ne suis pas écrivain. Je suis partiellement écrivain parce que j'ai acquis une très belle langue fertile et que je maîtrise complètement au niveau du style, mais je n'ai pas cette maestria des Stendhal ou des Zola qui eux sont à fond dans le narratif et racontent de grandes sagas avec des personnages et tout. Les histoires me passionnent mais je n'ai pas cette composante pour en pondre. D'ailleurs tous les écrivains ne l'ont pas. Aragon, par exemple, écrivait très bien, et des textes assez longs, mais il ne se passe rien dans ses textes. Pareil pout Robbe-Grillet ! Il écrit très très bien, c'est très classique, très beau, mais bon, quid de ce qu'il y a à l'intérieur.


Et donc vous et le cinéma ?
Et donc moi et le cinéma. Oui, j'y ai souvent songé. Je suis un très bon cadreur, je saurais très bien diriger les comédiens, je sais exactement quels angles de vues je veux, le montage, j'ai tout dans la tête. J'ai tout sauf l'histoire. Voilà, de la même manière qu'aucune idée de roman ne me vient aucune idée de scénario ne me vient. Ce qui est un peu gênant. Et je ne lis pas vraiment des trucs qu'il m'intéresserait de tourner ou de mettre en scène, donc voilà. Mais là, récemment, je suis tombé sur un ouvrage, je ne vais pas dire le titre, mais c'est la première fois où je me suis dit : "C'est trop exactement ce qu'il faudrait que je mette en scène." Tiens, je vais d'ailleurs te donner cette l'info comme tu en auras une inédite : dans mes proches, dans les gens que j'aime bien et qui m'aiment bien il y a Enki Bilal.


Qui avait fait la pochette du tribute album Route Manset...
Exactement. D'ailleurs ça me rappelle qu'il faut que je lui envoie mon nouvel album, à moins qu'il ne l'ait déjà. Et quand je suis tombé sur ce roman qui est un texte très peu connu d'un auteur connu, je me suis vu le tourner. Je voyais où le tourner, pas dans la ville mythique dans laquelle l'histoire prend place mais dans une autre un peu moins mythique, un peu moins connue mais qui a je crois une configuration géographique similaire à ce qui est décrit dans le livre. Donc je me suis dit que j'allais peut-être parler de tout ça à Bilal. Je ferais bien ça avec lui pour obtenir un truc à la limite entre le dessin et le tournage. Tu vois ? Je ne vois pas trop quelle collaboration on pourrait avoir mais il est très proche de moi par certains côtés, par sa vision esthétique, son trait abrupte et peut-être aussi son côté slave, cette sorte de secret, de froideur. Donc voilà j'ai ça en tête. J'aurais 20 ans de moins, je serais déjà en train de le tourner. Mais faire un film c'est des années de travail, c'est débloquer des budgets auprès d'untel et d'untel... En même temps, ce texte est tellement beau, tellement inconnu ! Les scènes sont un tel nectar ! Les personnages m'émeuvent tellement et c'est tellement la démonstration de tout ce qui n'est plus enseigné, de tout ce qui va disparaître, que voilà.


J'allais oublier : connaissez-vous Saez ? Je vous parle de lui parce que dans son dernier album, Varsovie / L'Alhambra / Paris, est un triple album et qu'il y a dessus un morceau intitulé "Je suis le Christ". Donc voilà, ça m'a fait penser à vous et votre inaugural "Je suis Dieu" à l'époque d'Animal on est mal. Je me suis dit : peut-être que Saez œuvre dans une monstruosité qui était la votre à vos débuts, et que donc peut-être que cet auteur-compositeur-interprète vous intéresse. Tenez, voilà le disque en question.
Je n'ai pas écouté cet album-là mais je connais son premier truc. Mais oui, ce Saez, je pense que c'est un auteur qui a du matos. Et ce disque, c'est comment alors ?


Je ne dirai pas que je trouve ça fantastique mais comment dire, je ne dirai pas que c'est nul. Il y a indéniablement de la maladresse chez Saez, beaucoup même, mais je trouve qu'à certains moments, il y a des trouées, des fulgurances que peu atteignent, ce genre de trucs qui font que je n'arrive pas à ne pas m'intéresser à lui.
Musicalement c'est comment ?


Là, très folk acoustique, très nu.
Et les chansons sont bien ?


Il y en a quelques-unes 6-7, pas plus.
Ce n'est pas Murat, quoi.


Murat ?
Oui, parce que Murat a de bonnes chansons. Saez, il a quand même l'air d'avoir de l'inspiration. "Jeune et con" c'était beau. Là, c'est moins beau ?


Il y a du déchet. Et c'est moins rock que "Jeune et con".
En gros, il aurait dû faire un seul album avec ces trois-là.


Sans doute. Je ne sais pas.
Et la voix est bien ?


Très geignarde, affectée.
Ah bon ? C'est dommage. C'est ce qu'on m'a dit d'ailleurs.


L'album, je vous le laisse si vous voulez. Je l'ai en double.
Merci, je suis assez curieux. C'est un des rares auteurs qui me rend un peu curieux. Parce qu'il est atypique. "Jeune et con" c'était bien, ça rentrerait dedans et puis le mec ose faire un triple album, il faut le faire. En plus il avait déjà fait un double album avant, non ?


Oui. Vous vous avez travaillé comme parolier pour Raphaël. Et c'est marrant - je pense à ça, là - parce que Saez et lui ont débarqué en même temps avec le même genre d'univers pop-rock rebelle...
Oui, c'est vrai que c'est sorti en même temps que Raphaël.


Mais ensuite tous deux ont pris des voies différentes. Raphaël a rencontré le succès en virant plus folk, chanson, soft et Saez s'est marginalisé en virant plus rock, expérimental, mégalo. C'est un peu comme s'ils étaient devenus l'envers l'un de l'autre...
Ce qui me dérange chez Saez - je le vois là en regardant les photos de l'album que tu m'as donné - c'est son rapport à l'image. Autant la photo où il baisse les yeux ça va encore, autant celle où il regarde fixement l'objectif, non, ça ne va pas. Et toi sinon, tu arrives à t'en sortir ?



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