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  • : PARLHOT
  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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INTERVIEWS

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2 juin 2009 2 02 /06 /juin /2009 19:27
King of the gonzo ?



"On a connu le succès trop tard pour penser comme des stars"

"Souvent on se dit qu'on est des loosers que le caniveau attend"




Certains vous comparent à Muse. J'ai cru comprendre que ça ne te plaisait pas trop.
Avant Ghinzu chacun de nous était dans des groupes à guitares presque punk. On a commencé Ghinzu pour faire quelque chose de plus doux parce qu'ayant un piano chez moi à force d'en jouer j'avais amassé 40 compos et je voulais m'en servir. Ghinzu à la base c'était cette idée. Mais au final l'association de nous tous nous a fait prendre une autre direction.


Mais la comparaison à Muse, tu l'acceptes ?
Ça dépend. Par exemple je comprend qu'une radio grand public la fasse parce que là le raccourci de la référence est un bon outil pour permette aux gens de vite identifier notre musique. Je la comprendrais moins émanant d'un mélomane averti...


Grosse différence entre vous et Muse : on peut twister sur Ghinzu !
Oui, parce que chez nous des éléments renvoient au fifties, au rockab, à Elvis... Ceci dit j'ai vu Muse une fois en live et j'ai trouvé ce trio impressionnant. Et moi c'est souvent live que je juge la crédibilité d'un groupe. Certains groupes, il n'y a vraiment que ça qui les excite... D'ailleurs je crois que les première vraies sensations de proximité que tu as avec un groupe viennent de là : t'as 16 ans, tu fais le mur, t'essaies de trouver une bagnole, tu pars de Cologne, tu fais 300 bornes jusqu'à Paris pour voir les Cramps, tu sais que t'es un gamin et que t'as une chance sur deux de te faire raquetter mais t'y vas et finalement dans le concert n'est qu'une étape d'un périple trépidant du début à la fin. Et c'est ça qui m'intéressait en tant que fan de rock : tout ce qu'il y avait autour.


Aujourd'hui que tu es devenu rocker est-ce que tu continues à fonctionner comme ça avec Ghinzu ? En tournée tripes-tu autant durant le concert que sur les à-côtés ?
Ce serait génial mais non ce n'est pas possible car il y a toujours des trucs à faire... Tu sais, même s'il s'est écoulé beaucoup de temps entre Blow et Mirror Mirror, j'ai toujours eu l'impression qu'on était en retard sur tout, la tête dans le guidon. Là l'album est sorti depuis environ deux mois en France et on n'a toujours pas sorti de clip. On l'a tourné il y a 3 jours. Voilà, tout est tout le temps comme ça. On aime avoir le temps de perfectionner certaines choses.


Comment s'est passée la création de Mirror Mirror ? N'avez-vous pas été paralysé par le fait que Blow avait mis la barre très haut en terme de succès et de qualité, et qu'il allait être difficile de faire mieux ?
On n'a pas raisonné comme ça parce que ça c'est un raisonnement de star or notre culture reste belge et en Belgique l'esprit "star" n'existe pas.


Oui, mais votre succès a dépassé le cadre de la Belgique !
Bien sûr mais tu sais nous on n'a pas commencé la musique en se disant qu'on allait être des stars. On a commencé la musique en se disant qu'on allait être un chouette groupe qui allait pondre de chouettes morceaux et donner de chouettes concerts... Et puis bon, je pense qu'on a connu le succès trop tard pour penser comme ça. Après un concert on rentre chez nous. Et on aime bien sortir les poubelles même si ça tranche avec notre image. Tout ça pour dire qu'après Blow on avait suffisamment de recul pour avoir juste envie de faire un nouveau chouette album.


Penses-tu que le succès de Blow t'aurait plus tourné la tête si tu l'avais eu plus jeune ?
Non, car ce succès est venu progressivement et au final il reste dans des proportions humaines. Je veux dire, on n'est pas Justice, on ne s'est pas retrouvé d'un coup catapulté en jets privés !


Vous c'est plutôt les concerts privés !
Oui, et c'est mieux qu'un jet. Parce qu'on peut y mettre plus de monde !


J'espère juste que ça décollera autant que le jet !
Il y a des chances que oui parce que les bons concerts arrivent souvent dans ce genre d'occasions où tu es cool... Dans une salle comme ça, j'arrive, je souris quoi. Pour ce soir il me manque des connecteurs XLR mais ça me fait marrer ! Ce n'est pas grave. Je suis vachement content de pouvoir jouer ici et d'être décontracté.


Pour en revenir au succès de Blow, ne t'es-tu pas dit qu'il s'agissait sûrement du climax de ta carrière de rocker ? Parce que bon tu as maintenant que tu as 30 ans bien sonnés...
Je tiens à préciser que je n'ai quand même pas 40 ans et 6 enfants, quoique ç'aurait été très bien et je ne demanderais pas mieux ! Tu sais, on ne pense pas trop en ces termes. On se dit que chaque album ou chaque concert peut très bien être le dernier. Souvent on se dit qu'on est des gros loosers et qu'on va finir dans le caniveau.


Ah oui ?!
Oui, et ce n'est pas une question de pessimisme c'est juste que s'engager dans la musique reste une voie à risque même si certaines personnes continuent de voir ça comme quelque chose d'amusant. C'est un dur métier alors quand tu commences à réussir à en vivre tu ne peux pas t'empêcher de culpabiliser en pensant au retour de bâton. Et ce sentiment est d'autant plus présent pour nous qui sommes belges car à Bruxelles est une ville assez bourgeoise où règne un climat un peu terre-à-terre. Mais bon, si tu parles à Greg ou Jean ils te diront qu'ils veulent être sur scène jusqu'à 70 ans.


 


Dans Ghinzu ?
Où pourquoi pas. A un moment donné un groupe c'est un peu plus que de la musique. Je n'aime pas dire ça mais oui il y a l'idée que c'est aussi une famille. Parce que tu vois chacun de nous a des projets à côté. Si l'un de nous dit qu'il veut faire un truc où il se déguise en carotte et en pastèque, ce qui est le cas de Greg, pas de problème. Moi j'ai bien un projet avec une japonaise qui joue de la basse et fait de l'électro... Donc voilà, on a tous nos petits trucs à côté et on se rend compte que c'est chouette d'avoir aussi un groupe dont la dynamique nous cadre un peu plus.


Tu vois donc Ghinzu durer encore quelques années ?

Si on a encore le sentiment de pouvoir faire de bons albums, on continuera. Au jour d'aujourd'hui on a fait 3 albums et je crois qu'ils vont vraiment dans ce sens. Mirror Mirror perfectionne et modifie des choses de Blow de la même manière que Blow le faisait déjà d'Electronic Jacuzzi. Et c'est bien parce que ça laisse de l'espoir à ceux qui pensent qu'on fait de la merde. Qu'ils attendent notre prochain album.


J'ai l'impression que Mirror Mirror n'a pas de single évident comme l'était "Do You Read Me ?" sur Blow. Qu'en penses-tu ?
C'est une question de point de vue : on en rediscutera après la sortie anglaise de l'album. Parce que le choix du single, où il va être, quand il va être, ça dépend de plusieurs paramètres. Par exemple aujourd'hui si je cherche de bons morceaux à guitares à la radio je vais trouver d'excellents singles. Mais si je cherche des singles électro ça ne va pas être la même chose. De même, si Mika sortait dans les années 90, je ne suis pas sûr qu'il vendrait beaucoup de disques. L'environnement est donc primordial pour déterminer ce qui est single ou pas.


Ce qui est sûr c'est qu'il y a plus facilement "singlable" que vos albums car vous ce n'est pas vraiment de simples chansons que vous avez tendance à composer mais plutôt des morceaux qui s'imbriquent les uns aux autres pour former un tout durant l'album.
Je trouve que Mirror Mirror est quand même plus chanson que Blow. Si tu regardes de plus près, en terme de structure, les formats sont plus classiques.


Oui, pour du Ghinzu, mais dans l'absolu tout ça demeure assez complexe !
C'est vrai. Je ne sais pas comment je dois le prendre mais je le prends plutôt bien !


Tu peux, c'en est un. Et ça rejoint ce qu'on disait tout à l'heure : avec Ghinzu plus que de la musique on à affaire à un vrai univers.
Si tu nous compares a de la pop, c'est sûr qu'on n'a pas de single, mais si tu nous compares au rock alors je trouve qu'il y a plein. Par exemple je pense que "Cold Love" est un super single. C'est un morceau qui a énormément de personnalité. Tout notre culture musicale passe en revue dans cette centrifugeuse de 3 minutes 40. Et c'est aussi un morceau qui parle de son époque.


C'est important pour toi de faire une musique qui parle de son époque ?
On est stimulé par plein de choses, moi par exemple j'écoute plein de la musique et je regarde plein de films, aussi bien des choses passées que des choses actuelles, et fort heureusement, tout comme les vieilleries, les choses actuelles rejaillissent dans notre musique. Franchement ce serait con de se dire qu'on n'est pas dans notre époque parce que sur scène ça fait tout bêtement la différence entre les mecs qui jouent parce qu'ils sont encore là et ceux qui ne le sont plus.


Dernière question : de quoi parle "Cold Love" ?
Ça parle d'une espèce de pétasse qui arrive dans une boîte de nuit et, barricadé dans son bimbo look ultra soigné, elle a le sentiment qu'ici personne ne la mérite sans comprendre que certains des codes qu'elle emploie renvoient à des choses très sexes. Le narrateur lui révèle donc qu'en l'état elle est juste prête pour l'amour. Le morceau raconte donc l'histoire de cette femme qui va finir par déraper et s'extraire de son image pour se faire enfin baiser comme il se doit.


Le clip ce sera ça ?
Non, on nous verra déguisés en fleur pour illustrer l'idée d'éclosion qui est la base de cette chanson assez crue.


Tes textes semblent souvent parler de sexe...
C'était plus le cas sur les précédents mais là on a été plus monastiques. Seul "Cold Love" parle de sexe, le reste parle plus de politique...

 

 

Photos de concert par Rod du Hiboo.com


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1 juin 2009 1 01 /06 /juin /2009 21:33
King of the gonzo ?

 


19 mai. 23h. En concert privé au Divan du Monde, Ghinzu a fait table rase avec son Sweet Road To Saïgon II (comprenne qui lira l'interview). Une tuerie d'autant bien venue que l'inertie m'avait frappée deux jours plus tôt devant la belle PJ.


Contrairement à leur dernière prestation parisienne du Bataclan, les belges n'ont pas laissé planer l'ombre d'un doute. Tout le monde a repris forme humaine au contact de leur furie. Issus de leur dernier album, Mirror Mirror, et de son célèbre prédécesseur, Blow, chaque morceau fut énorme, même ceux chantés en français, "Je t'attendrai" et "Chocolate Tube". Ghinzu redevenu roi du rock - "‘til we faint" ! - le critique a retrouvé l'usage de ses jambes pour twister et de ses deux mains pour applaudir. Mêlé dans une même joie à ses semblables, il a même soutenu un type qui se faisait tancer d'être trop expansif. Ok, il beuglait "Come on guys !" toutes les deux secondes, qui plus est un peu trop près de filles maquées, mais merde où va-t-on si on ne peut plus se lâcher à un concert de rock ! Et comment ne pas crier à bord des montagnes russes de Ghinzu ? O joie de suer dans son cuir et de crier à son tour. Ce type donnait l'impression d'être à un concert de brit pop au milieu des nineties. Et le groupe sur scène n'y était pas pour rien. Mais 5h plus tôt, resté sur sa frustration du 3 avril (un bassiste en interview, un concert en demi teinte) animé d'une certaine envie d'en découdre, le critique rencontrait enfin le boss, John Stargasm.

 


"garder le truc sauvage et organique dans la musique et dans l'image"


"l'expression de "blockbuster intelligent" définit bien Ghinzu"



Bonjour John. Le 3 avril à l'occasion de votre concert au Bataclan j'ai interviewé Mika, votre bassiste et comme le média qui m'amenait était Gonzaï, ce qui est encore le cas cette fois, on avait commencé par parler d'Hunter S. Thompson. J'avais d'ailleurs appris que votre premier groupe s'appelait Las Vegas Parano. Si tu veux bien on va donc commencer par là : que peux-tu me dire sur le grand Hunter ?
Ah, Hunter Thompson, le seul, l'ultime, l'auteur de La chasse aux requins ! Je devais avoir 18 ans quand je l'ai découvert, peut-être même moins. J'ai été happé par le côté simulé de ses reportages, cette idée qu'on pouvait faire soi-même l'événement pour se faire sujet et non le chemin classique : faire un sujet sur un événement. Là-dessus, je trouve qu'il a été vachement avant-gardiste, surtout quand tu vois le journalisme d'aujourd'hui. Parce que finalement tout n'est plus que communication : on fait un événement en ayant déjà planifié tout le rayonnement médiatique qu'on pourrait en tirer alors qu'avant on faisait les choses sans trop se préoccuper des médias. Tout ça dépasse de loin le strict secteur de l'industrie du disque.


Là c'est aussi John le publicitaire qui parle ? Parce qu'il paraît qu'en plus de la musique tu travailles aussi dans la pub...
Oui, mais je ne suis pas dans le côté "presse", je ne suis pas dans les mots. Je travaille comme directeur artistique donc je suis plus dans l'image. C'est un boulot que j'ai pris au moment de rentrer dans la vie active. Parce que tu dois savoir que rares sont ceux qui vivent de leur musique et voilà, il me fallait un métier pour bouffer.


En même temps, directeur artistique, il y a pire comme job alimentaire !
Oui, mais certaines personnes font les choses pour les avoir faites, d'autres les font pour les faire et moi je fais partie de ceux qui essaient de faire les choses pour les faire et les avoir faites. Pour moi c'est important d'avoir un boulot qui m'amuse et m'épanouit. Que ce ne soit pas juste un gagne-pain.


(Un membre du staff déboule pour signaler un problème de matos. J'en profite pour switcher sur la question du concert de ce soir.) C'est étonnant de voir qu'un groupe qui fait du gros son comme vous dans une salle aussi petite que le Divan du Monde. Que nous réservez-vous ?
Le set qu'on va faire s'appelle The Sweet Road To Saïgon II. C'est un set qui va crescendo.


Tous vos sets ont un nom ?!
Oui, parce que la set list et la mise en scène sont des choses fondamentales dans un concert. Par exemple notre set de festival sera plus tranchant et s'appellera The Deadly Bite of the Metal Member.


Ah, ok. Et comment s'appelait le set du Bataclan ?
A l'époque il n'avait pas encore de nom. On l'a finalement baptisé The Kamikaze I.


Aha. Je te demande ça parce que ce soir-là vous étiez en sous régime pendant toute la première partie du show. Et ça ne semblait pas voulu, plutôt l'effet de la fatigue...
Ce n'est pas une question de fatigue, c'est juste que c'est bien qu'il y ait un peu de tout dans un concert d'1h10, des passages mélodiques et d'autres plus énergiques, surtout que Ghinzu sait faire les deux. La retenue c'est quelque chose que j'apprécie parfois dans un concert.


Oui mais au Bataclan vous aviez vraiment l'air fatigué ! A la fin du concert tu as même dit au public que c'était plus lui que vous qui avait fait le concert...
Non, je pense qu'au Bataclan on avait un bon set et qu'on avait bien joué... Ce que je veux dire c'est que nos concerts sont tout le temps différents. Parce qu'on a peut-être un gros son comme tu dis, mais contrairement à d'autres groupes qui sont plus produits sur scène et qui avancent sur des rails, nous on laisse plus de place au hasard et à l'interaction avec le public. Ça ne veut pas dire qu'on n'aime pas ce genre de spectacles, au contraire, nous aussi on aime parfois imposer notre truc comme si tu regardais un film ou une pièce de théâtre, mais on aime aussi se laisser contaminer l'attente des gens. Avec Ghinzu les gens savent qu'
ils peuvent participer s'ils le veulent. C'est une affaire d'intelligence de masse.


Ok. Technologiquement, votre rock est assez riche. La pochette de Mirror Mirror, votre dernier album, en témoigne. Votre musique est-elle difficile à retranscrire sur scène ?
Pas vraiment, même si on a toujours besoin d'une période d'adaptation. A nos débuts on jouait dans des petites salles. Aujourd'hui, on ne peut plus trop le faire. L'album fini, on sort du studio et on se retrouve directement devant de vastes audiences. Mais ça ne change rien au fait que nos prestations sont toujours perfectibles car comme je te le dis c'est au contact du public que nos concerts prennent forme.


Tout à l'heure on parlait de ton boulot de directeur artistique. Ghinzu ce n'est pas que de la musique, c'est aussi de l'image. Tout ça c'est un univers qui t'habite depuis longtemps ?
Non, enfin je ne sais pas... On est quand même très loin d'un positionnement de grosse production américaine... C'est-à-dire qu'on n'est pas de très bons musiciens. Si on joue un morceau à la Broadway tout l'intérêt et le côté grinçant de la musique va venir du fait que c'est une composition difficile jouée par des personnes qui sont plus dans l'énergie que dans la technique. Et c'est pareil avec l'image : ici aussi je tiens à certaines maladresses. Ça peut être par exemple de jouer dans un café pourri avec tes costards dont les cols sont un peu usés. Contrairement à d'autres groupes, chez nous les choses ne sont pas parfaites, sophistiquées, et c'est ce que j'aime : garder le truc organique et sauvage tant en terme d'image que de musique. Par exemple je n'ai jamais dit à Greg de faire le clown sur scène. Il fait ce qu'il a envie de faire et c'est fondamental dans la sensation que nos concerts dégagent.

 


Ghinzu est donc un vrai groupe, une vraie démocratie ?
Ce n'est pas une question de démocratie, c'est juste une question de savoir si certaines choses doivent être préméditées et jusqu'où elles l'être. On aime être stylé mais c'est naturel. Sur scène on n'est pas dans un rôle étranger à ce qu'on est.


Récemment une expression Hollywoodienne m'est venue pour qualifier vos disques et vos shows. J'ai d'ailleurs vu que d'autres l'avaient utilisée à votre sujet. Cette expression c'est celle de "blockbuster intelligent". Qu'en penses-tu ?
Bah ça dépend de ce que tu entends par "intelligent" mais si c'est le fait qu'on reste ouvert au hasard et aux maladresses, oui pourquoi pas... Tout à l'heure on parlait d'Hunter Thompson et des dérives journalistiques actuelles où la communication précède l'événement. Hé bien on peut faire le parallèle entre ça et notre musique. Je veux dire, pour nous l'idée de blockbuster est forcément absurde parce qu'on ne s'inscrit pas un industrie musicale comme elle l'est aux Etats-Unis. Aucun moule préalable ne conditionne notre musique. On ne sait pas ce qu'on va raconter avant de nous lancer dans un album. On le fait, tu te prends dans la gueule et après c'est à toi de dire si t'aimes ou t'aimes pas. Alors voilà, comme les interviews ce n'est pas notre job et qu'on ne sait toujours pas trop ce que raconte notre disque une fois fini, on rame un peu pour en parler, mais c'est bien, ça nous amène spontanément à réfléchir à ce qu'on fait. Là encore, rien n'est prémédité. Cette interview, c'est toi et moi discutant à cet instant précis. Je cogite en live pour répondre à ce que tu me dis.


Je vois ça. Pour en revenir à cette idée de "blockbuster intelligent", je trouve qu'elle vous va bien parce qu'elle illustre bien le côté gonzo de Ghinzu, à savoir emprunter les codes du gros rock US tout en les pervertissant avec une approche plus déviante, spontanée...
Oui, c'est culturel. Parce que comme je te le dis la musique belge comporte une certaine maladresse que la musique américaine n'a pas. Par exemple entre nous on ne parle pas anglais mais on chante en anglais parce que les groupes qui nous ont donné envie de faire de la musique chantent en anglais. Donc voilà, chez Ghinzu, dans l'attitude comme dans l'émotion, il y a cette dynamique d'imitation. On absorbe plein d'influences intéressantes mais elles ressortent déformées par le prisme qui nous est propre en tant que groupe. Je ne sais pas si ce que je dis a du sens mais oui, pour ce qui est du mélange de références, l'expression de "blockbuster intelligent" définit bien Ghinzu.


C'est marrant que tu parles souvent de maladresses à propos de votre musique parce que j'ai remarqué que Ghinzu provoquait des avis tranchés. Il y a ceux qui vous adorent et ceux qui ne comprennent pas votre musique, qu'ils trouvent too much, ridicule, pathétique...
Je ne trouve pas que notre musique soit assez subversive ou pointue pour déclencher des avis bipolaires à ce point. J'ai l'impression qu'elle reste relativement facile. Elle s'adresse à tout le monde. D'ailleurs à nos concerts il y a autant des kids de 13 ans que des gens de 50. Si des gens n'accrochent pas à ce qu'on fait c'est donc plutôt lié au fait que notre style de rock alternatif n'est pas le leur, ou que notre image les dérange parce qu'ils n'y trouvent pas certains repères de crédibilité...



(Suite et fin.)

 

Photos de concert par Rod du Hiboo.com


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28 mai 2009 4 28 /05 /mai /2009 10:58
Une croix
sur PJ ?



Concert pourri. Que faire ? Partir et louper l'embellie possible ? Rester et risquer de râler jusqu'au bout ? Franchement, d'habitude je suis curieux, patient, mais là je serais bien parti si je n'avais pas été vissé à un siège et forcé de déranger les gens (Loin de moi l'envie de sortir mes semblables de l'énigmatique ravissement qu'ils semblaient éprouver.) Bloqué, j'hésitais à communiquer mon désarroi aux potes. Eux aussi je ne voulais pas les gêner s'ils avaient la chance d'être dans le show. Ces moments-là me rappellent le fameux "Tu dors ?", vous savez, lorsque gamin on avait eu l'autorisation de dormir chez notre pote et que la nuit venue, dans le silence de la chambre, n'arrivant pas à dormir, interdit par l'heure et la crainte de le réveiller, on hésitait à dire ces mots : "Tu dors ?" On hésitait mais on s'en serait mille fois voulu de ne pas avoir osé parce qu'on aurait loupé un chouette moment d'amitié si le pote dormait pas. Ce soir, au Bataclan pour le concert de PJ, il y avait des chances qu'on soit tous réveillé sans oser se le dire. J'ai craqué quand Julien m'a montré son portable. Dessus, un texto de Bester : "Désolé, je me barre, c'est vraiment insupportable". Ça m'avait tout l'air d'être un "Tu dors ?". Mais comme eux aussi non plus ne pouvaient pas bouger pour les raisons dites, on est tous resté à se triturer le cerveau.

Mince, est-ce normal de rien ressentir devant PJ ? Etais-je devais de mauvaise humeur ? Blasé de ne pas avoir acheté ma place comme tout le monde ? Anesthésié d'être assis et pas debout comme on devrait l'être toujours à un concert de rock ? Non, je ne pense même pas que ça ait joué. Ce concert fut tout sauf rock et avant qu'il ne commence je peux vous assurer que m'étais senti aussi excité et privilégié d'en être que mes potes délestés de 45 euros. Mais peut-être faisais-je fausse route en demandant du PJ alors que ce concert était du PJ-Parish ? (Une PJ du pauvre !) Ça devait être ça. Par exemple je n'ai jamais été fan de Dance Hall at Louse Point. Je dois même dire que je lui préfère même A Woman A Man Walked By. J'ai alors repensé à cette histoire d'évidence triviale. Je veux dire, je suis pas con, je sais bien que PJ n'est plus ce qu'elle chante, si tant est qu'elle déjà totalement été ce qu'elle chantait. Et puis encore heureux qu'elle ait acquis de légèreté après tous ces albums, qu'elle ne crée plus sous, dans et par la torture, sinon... j'allais dire "à quoi bon ?" Wait, tout le problème est là ! Parce que voilà en fait je m'en fous que PJ aille bien. Comme je suis con aussi, quelque part je souhaiterais presque qu'elle continue de souffrir pour continuer ma catharsis avec elle. Vous savez, comme quand vous souhaitez presque que votre pote redevienne célibataire pour pouvoir rediscuter nanas et autres tourments avec lui ? Enfin non, la vérité c'est que je ne souhaite même pas son malheur à PJ et pour cause : je me fous de savoir ce qu'elle traverse parce que je ne lui reconnais même pas son humanité. Pour moi c'est une héroïne, une fiction,
une passion réduc-christ. Aimerait-on Jésus si son destin n'avait rencontré celui de la croix ? Et bien voilà, PJ c'est pareil : c'est sa croix qu'on aime.


Ce soir si PJ était vraiment heureuse, et si je devais vraiment la voir, plutôt qu'un mix de Goya (le peintre) et Goya (la chanteuse), plutôt que cette simulation de noirceur dénaturant l'héroïne (le mythe de la sauvage se découvrant être social), j'aurais préféré que PJ s'assume lumineuse et mutine jusque dans sa musique. Ou s'abstienne. Parfois le silence c'est bien aussi. Comme la mort, ça laisse les choses intactes, grandies. On regrette que Portishead et Radiohead ne fassent plus de Dummy et de The Bends, qu'ils aient cassé leurs beaux jouets cathartiques. On remercie Cobain et Buckley de n'avoir pas eu le temps de s'y mettre. Je remercie les deux de pouvoir prendre chez l'un ce que je n'ai (ou plus) chez l'autre. De pouvoir choisir de grandir comme de retomber ado. Parfois je me dis qu'il serait bon de pouvoir se passer de telles idoles (puisque myth is murder : rid of myth), mais je n'arrive pas à imaginer ce monde. Sans doute serait-il triste... Et j'en viens à penser que ce soir PJ a peut-être déçu à dessein, pour que s'achève cette course cathartique aux idoles. Mais cette fois encore, inconsciente de ce qui s'était tramé, l'humanité a applaudi à tout rompre. Face à cela (était-ce ça l'humanité ? était-ce ça PJ ?), puriste et non puriste étaient d'accord : autant partir. Battre le pavé. Je ne sais pas pour Bester, mais moi sur le chemin du retour, bien qu'en colère, j'avais toujours ce bon vieux "Black Hearted Love" qui me fouettait les sangs et me forçait à le chanter. Et toujours cette question : dois-je croire ou faire une croix sur PJ ?

 

Photos par Robert Gil


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27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 16:56
Une croix
sur PJ ?




PJ, aucun de nous n'a été sidéré par son dernier album, A Woman A Man Walked By. D'ailleurs aucun de nous n'avait déjà été sidéré par le précédent. White Chalk, on avait peiné pour rentrer dedans. Trop de piano frigide, trop de voix aiguë aux frontières du faux, trop froid, autiste, et coupant une lame de rasoir. Au-delà de l'audacieux geste de réinvention, ce côté "hara kiri, je retourne à l'anorexie", on avait fini par accéder à la beauté intérieure du disque, mais on l'écoutait peu, voire pas. White Chalk : un souvenir sur l'étagère de nos souvenirs, avec cette drôle de PJ en couve, fantomatique, médiévale, théâtrale (Isabelle Huppert) et otage (Ingrid Betancourt). Là-dessus, le 30 mars dernier, est donc sorti A Woman A Man Walked By, son deuxième album composé avec John Parish (Dance Hall at Louse Point, le premier, date de 96). Elle y opère un retour aux grattes, mais contrarié (pas mal de banjo et de piano). Les morceaux ont des climats travaillés, peu pop, tour à tour oniriques, bancals, apaisés, stridents. Ce n'est pas l'extase, mais PJ y redonne un peu de la voix, y reparle un peu au corps. C'était donc déjà ça. Et en un sens on l'a échappé belle : dans cet ancrage americana lynchien (cliché), elle aurait pu opter pour le ukulélé !

Comme Ursula me l'avait dit, ce disque sonne comme un honnête best of de ses différentes périodes, ce qui n'est jamais de bonne augure (sonner comme un côté best of). A l'époque d'Hail To The Thief de Radiohead je me souviens que je m'arrachais les cheveux à chaque fois que je tombais sur un article utilisant cette expression. Mais oui, A Woman A Man Walked By de Parish et Harvey ressemble à ça, une somme hybride de toutes les facettes de PJ. "Black Hearted Love", son rideau d'ouverture, y est un grand grand moment. Depuis que je l'ai découvert ce morceau me trotte en tête, me pousse à le chanter, suivre son rythme. Qu'elle puisse encore, après tant d'années, pondre une telle rock song, lancinante, sexy, parfaite, ça me sidère. Bref, ce n'est pas pour A Woman que nous sommes là, mais The woman - PJ - comptant sur elle pour qu'elle agrémente son set de morceaux phares de sa discographie. 21h : brune oriflamme, profil Excalibur, rouge cylindré aux lèvres (allez savoir pourquoi, j'ai toujours vu ses lèvres comme l'expression naturelle, organique, des courbes d'une Testarossa), là voilà. Toute menue, cheveux lâchés, pieds nus, elle porte juste une petite robe noire, pas de guitare, et s'avance sur le micro. Belle des champs. Dark. Pendu à ses lèvres, j'oublie tout et les amplis se mettent à cracher l'intro désirée : un "Black Hearted Love" ciselé, saignant à souhait. D'entendre ça live, d'entendre sa voix, j'en ai le souffle coupé. Après ? Je n'ai plus rien ressenti.



Pendant une heure (allez, 1 heure 10 avec le rappel) PJ et ses gars ont déroulé des extraits d'A Woman A Man Walked By et de Dance Hall at Louse Point dans le shuffle le plus total. Le son, sa voix, les lights, tout était au poil. C'était genre "Tu la sens ma maturité ?". "Oui, mais qu'est-ce qu'on se fait chier !" Ce que j'ai vu, zappant sans cesse entre ses différentes incarnations (vies antérieures), c'est une PJ courant comme un canard sans tête. Une PJ nulle part à force d'être partout, actrice d'un univers qui n'épouse plus ses tripes. Une PJ tellement maître de son art qu'elle aurait pu s'en passer. Alors, mi Brigitte fon-fon mi Chantal go-go, elle pouvait bien danser, se mettre à hurler après avoir annoncé, pour finir, le morceau "Pig Will Not" (merde, comme si un tel morceau s'annonçait, genre : "Maintenant je vais vous interpréter la colère !"), tout ça ne faisait que surligner cette triviale évidence : PJ simulait. De la voir comme ça, sincèrement, j'avais envie de la baffer. Je me disais "Merde, PJ prends une gratte !" Car ce n'était pas possible qu'elle prenne du plaisir à ça. (Je me refusais à le croire.) PJ a besoin d'une gratte pour prendre son pied, être PJ. Alors à quoi bon ce concert ?

 

(Suite et fin.)


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26 mai 2009 2 26 /05 /mai /2009 19:43
Une croix
sur PJ ?




Qu'on ait 20, 30, 40 ou 50 ans, qu'on préfère ses trois premiers disques ou ceux qui suivirent, on a tous un rapport passionné à PJ. Organe de feu, guitare rugueuse et mots de coeur : de 92 à 2000, l'anglaise au charme trouble a imposé sa griffe dans le rock, devenant, comme Radiohead, une sorte d'institution sans jamais rien renier de son indépendance. Mais le 17 mai, de passage au Bataclan pour défendre A Woman A Man Walked By, son dixième album, PJ a déconné.


A chaque fois qu'un gros concert se profile, cette sensation bizarre : j'arpente Paris conscient qu'un truc fort m'attend, un truc, me dis-je, qui devrait concerner tout le monde (sentiment d'apocalypse), mais non je croise des gens qui n'ont pas la moindre idée de ce qui se trame. Je sais, c'est une pensée bête mais bon, PJ allait embraser le Bataclan. PJ quand même ! Son gros concert j'étais content de m'y rendre parce que ce n'est pas souvent que je vais voir des stars de son calibre (alors que je pourrais le faire chaque soir tellement je suis un critique convoité) et que ce n'était même pas un vrai gros concert puisque ça se passait au Bataclan et pas au Zénith (places : 6200 ; cadre : hangar ; son : merdique). Et quelque soit le lieu et les modalités, comment ne pas être content lorsqu'on peut voir PJ ?


Je mentirais de vous dire que je l'ai toujours aimé. Contrairement à d'autres, par exemple mon pote Bester, je n'ai jamais chéri ses débuts. Je ne l'ai pas découverte en temps réel et même aujourd'hui lorsque je réécoute Dry, Rid of Me et 4-Track Demos peu de morceaux trouvent grâce à mes yeux. Trop brut pour moi. Par contre, à partir de To Bring You My Love en 95, quand elle a commencé à élargir sa palette et à y mettre les formes (ah la jouissance phénixiale de "The Dancer" !), quand elle a enfin arrêté sa musique de petite fille violée, là j'ai marché. A partir de là, Is This Desire ? pouvait même à nouveau me rudoyer, j'étais mordu. Et quand Stories from the City, Stories from the Sea est arrivé, c'est bien simple, j'ai carrément fondu. Les puristes vous diront peut-être que c'est l'album de la maturité, le début de la fin, mais pour moi ce fut l'inverse. Ces chansons aux rondeurs sublimes, tour à tour mélancoliques et rock, crépuscule, accélérateur ; cette voix déliée, sanguine ; cette love story vocale entre elle et Yorke de Radiohead (pâmoison-frisson de chanter avec eux sur "This Mess We're In") : c'est tout ce que je désirais.  

 


S'il faut souffrir pour faire du Beau, il faut s'ouvrir pour être belle, et Stories délivrait les promesses de To Bring You My Love (faire mal tout en s'assumant femme, sonner rebelle tout en se faisant belle), et certaines mêmes qui avaient osé se nicher dans Is This Desire ? (les sommets d'évidence d' "Angelene" et "A Perfect Day Elise"). Ici PJ continuait l'histoire de l'héroïne PJ (le mythe de la sauvage se découvrant petit à petit sex symbol) et se montrait enfin sortable. Fini le côté gore "mate mes tripes", la PJ monstre dans l'eau trouble de ses dernières vidanges, place à la PJ sex in the city, une artiste neuve ironiquement modeuse. Ironiquement car on sent bien que tout ça (maquillage, lunettes, sac à main) cachait quelque chose. Sur Stories, dressed to kill, PJ l'était au sens premier du terme : incognito in town pour perpétrer le carnage. Oui, l'icône n'était toujours pas prête pour une pub L'Oréal. Elle restait l'enragée, l'ultime amoureuse. "I can't believe life's so complex / When I just want to sit here and watch you undress", rugissait-elle, affirmative, sur "This Is Love". Cette PJ les gens ont pu la faire leurre. Résultat : passage grand public, Mercury Prize en 2000, 8e meilleur album de rock féminin selon Rolling Stone et entrée dans le top 100 des meilleurs albums de tous les temps et tous genres confondus du Time. A ce jour un million de copies s'en serait vendu de par le monde.


Le 17 mai au Bataclan, vous vous en doutez, j'ai donc le groupie-mètre à fond. Mes amis aussi. Parce que PJ c'est toutes les femmes de nos vies (en une réunie !), notre Dorothée rock. Attendant qu'elle arrive, on se pose donc plein de questions, qu'on se contente de partager mollement pour me pas se montrer trop fan aux yeux de l'autre (ce qui serait vu comme un signe de faiblesse !), tout en faisant l'appel du pied inverse (et si on vivait enfin notre amour de PJ au grand jour !). Comment va-t-elle se montrer ? Sera-t-elle aussi classe et sexe que lors de sa prestation de 2003 à Rock en Seine où elle était apparue cheveux lissés, mini-jupée et bottée très androgyne gothique façon Lady Oscar ? Ou sera-t-elle aussi bof que lors de son show de 2004 au Zénith où elle s'était marrée en ratant x fois l'intro de "Down By The Water" ? Et par quel morceau va-t-elle donc démarrer ?


(Suite.)


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8 mai 2009 5 08 /05 /mai /2009 11:02
Fade Into You


Il y a de ça quelques années, ce devait être en 2003, je me souviens d'avoir loupé Mazzy Star en concert à Paris. Mazzy Star. En concert. A Paris. A l'air libre en plus. En plein jour. Au Batofar. Arrivé trop tard, j'étais resté sur le quai. De loin, sur le bateau, je me souviens d'avoir vu passer la petite silhouette erratique et boudeuse de leur chanteuse. Mais ce n'est peut-être qu'un souvenir déformé. Pure fantaisie de ma psyché. Faut dire qu'à l'époque le folk onirique et vénéneux d'Hope Sandoval et de son guitariste David Roback me fascinait comme rarement musique ne m'avait fasciné. D'ailleurs faut croire que rien n'a changé. Hier je jurerais les avoir vu en concert. A Paris. A l'International. Avec Sarabeth Tucek dans le rôle d'elle, Luther Russell dans le rôle de lui. Et dire que j'ai failli manquer ça.


6 mai 2009. Encore une journée où le simple fait de m'être levé, douché, caféiné, habillé me fit l'effet d'une œuvre d'art ultime. Une journée à penser que le simple fait d'avoir fait 2-3 trucs genre vaisselle, mails, poubelles, écriture et aimé en pensée ma famille, mes amis et un million de filles aurait dû m'assurer la vie éternelle. Mais encore une journée où le simple fait de sortir saluer mes congénères constituera un exploit majeur que l'humanité ne dédaignera pas se souvenir à l'heure de faire ses comptes. Une nuit, je le sentais, que j'allais encore finir couché à pas d'heure, habillé, seul, ivre, nicotiné. Avec un plat de pâtes dans le ventre.


Bref, le soir est venu et comme souvent les sirènes de la nuit parisienne sont venues frapper à ma porte. APRIL77RECORDS me disait "Ouééé, viens au Motel ! Y'a notre première soirée qui aura lieu désormais là-bas tous les premiers mercredis du mois et là on célèbre la sortie du single de The Bewitched Hands On The Top Of Our Heads." Et ça me disait car depuis des mois, sans que je leur ai jamais rien demandé, ils m'envoyaient de supers vinyles sixties rock garage dont je n'ai jamais le temps de parler. Mais les filles de l'agence de promo WAAA me disaient "Ouééé, viens à l'UFO ! Y'a Medi And The Medicine Show qui fête la sortie de son deuxième album et il sera accompagné de son pote Charlie Winston." Et ça me disait parce que y'aurait des filles (important les filles) et de l'alcool gratuit. Mais Alex de POK me disait "Ouééé, viens à l'Inter ! Y'a Sarabeth Tucek et dans le genre dark-folk-psyché parait que c'est bien." Je ne savais pas qui était ce groupe, ni ce qu'il fêtait mais ça me disait parce que j'aime bien Alex, l'Inter et le dark-folk-psyché, Que faire ? C'était clairement un de ces soirs où il fallait avoir le don d'ubiquité et quelques thunes en poche (important les thunes). Je n'avais ni l'un ni l'autre. APRIL77 en a fait les frais.



A 21h, extérieur cuir et pieds cirés (ô reflet adoré), prêt à passer pour le chic type, je suis allé voir Medi, son pote Charlie (important les potes) et les Charlies Angels de chez WAAA. Et c'était bien parce qu'il y avait en effet du punch et des filles. En plus, sorte de mix entre Stevie Wonder, Kravitz et Bryan Adams la musique mettait bien l'ambiance (belle reprise du "Like A Rolling Stone" de Dylan). Oui, avec son folk rock anglophile décontracte, péchu et pas prise de tête ce Medi avait des chances de percer. Surtout si son nouvel album comptait les 3 pépites radiogéniques annoncées par Lisa. Parce qu'en plus Medi a une bonne tête (important la tête). Mais tout ça n'était rien à côté de qui nous attendait à l'Inter. Oui, car je n'étais pas seul ce soir. Comme Medi j'étais avec un pote, Stéphane, le batteur de La Féline. Et heureusement que je l'étais car y'a certaines situations où on se sent con si on n'a pas de pote pour partager ce qu'on a vécu. Vous savez, ce genre de situations où après la bière se fait le breuvage des dieux alors que c'est de la pisse, mais on oublie, on est ailleurs, et on a envie d'en reprendre une, puis une autre, et encore une autre, comme ça jusqu'au bout de la nuit.


Tout ça pour dire que ce soir Sarabeth Tucek donna l'un des meilleurs concert qu'il m'ait jamais été donné de voir. A un moment Stéphane m'a dit "Je sais pas si c'est parce que leur musique est superbe ou..."  Je croyais qu'il allait dire "parce que je trouve la nana à tomber mais j'ai l'impression de planer", un truc dans ce genre, parce que c'est vrai qu'elle l'était, à fond même, tellement que je n'en pouvais plus même de la voir si brune, distante et ténébreuse dans sa robe noire à fleurs roses. Mes yeux applaudissaient à tout rompre. Et sa voix... Mais il a dit "Je sais pas si c'est parce que leur musique est superbe ou parce que je suis bourré mais j'ai l'impression de planer". J'ai dit pareil. Et ma bière était quasi pleine.


Alex m'avait donc dit que la musique de ce duo new-yorkais était du dark-folk-psyché, qu'elle lui évoquait la rencontre d'Alela Diane et de Nico. C'était ça, oui. Alela pour le côté folk, Nico pour le dark. Sur scène comme ils n'étaient que deux, elle guitare-chant, lui guitare-chœurs, on n'avait pas le côté psyché que leur a donné sur disque Ethan Johns, le producteur de Ray LaMontagne et de King of Leon. Mais face à l'épaisseur charnelle du chant de Sarabeth, face à son timbre ténébreux plein de sex appeal (important, les ténèbres, important le sex appeal) le coté psyché on s'en chargeait très bien nous-même.

 


Je ne savais pas pour les autres. Connaissaient-ils le groupe ? Alex lui le connaissait pour avoir lu un petit truc dessus dans un numéro de Volume. Mais moi qui n'en avais jamais entendu parler nulle part, plus qu'à la petite Sarah Ingalls de Nevada City où à l'icône allemande du Velvet Underground, tout cela me ramenait plutôt à un autre duo américain : Mazzy Star. Mazzy Star, groupe culte de l'indie pop pour avoir sorti trois albums de folk languide à la parfaite croisée du Velvet, de Julee Cruise (période Lynch) et de The Jesus and Mary Chain en 90, 93 et 96 : She Hangs Brightly, So Tonight That I Might See, Among My Swan. Mazzy Star pour la voix, toujours imitée jamais copiée, de moue rêveuse d'Hope Sandoval. Pure souffle que cette voix. Nuage, caresse, apesanteur. D'ailleurs vous la connaissez. C'est elle qu'on entend sur la célèbre pub Air France qu'illustre "Asleep From A Day" des Chemical Brothers. Et c'est presqu'elle qu'on a essayé de vous vendre avec Headless Heroes, album de reprises où deux producteurs ont noyé Alela Diane d'effets reverb pour la rendre plus vamp. Mielleuse médiévale. Avec succès (belles cover de Daniel Johnston, Nick Cave et... The Jesus and Mary Chain).


Mazzy Star donc. Sauf qu'à l'inverse d'Hope Sandoval Sarabeth Tucek tient la gratte. Et ça change tout. Car ainsi elle ne passe pas pour une jolie chose dont on se demande si elle comprend ce qu'elle chante. Et si tout ça c'est elle. Non, avec elle on sent qu'à chaque souffle, chaque note c'est son histoire qu'elle raconte. Ça fait comme des échardes douces amères. Ça se voit dans ses yeux. Sourcils froncés comme un arc tendu. (J'avais envie de fondre sur elle. M'immoler là-dessus. Disparaître.) Elle n'a donc pas besoin de jouer les lolita amazone, ce que fait une Hope Sandoval surconsciente de sa beauté.


Bref, j''étais tellement sous le charme que j'en fouillais mes poches. Allais-je avoir assez pour m'acheter leur disque à l'issu du concert ? Je fais jamais ça, acheter un disque, car en tant que journaliste d'ordinaire ce n'est pas moi qui vais à eux mais eux qui viennent à moi. Mais là cette question me pressait : allais-je avoir assez ? Surtout que j'avais faim et que j'aurais sans doute encore envie de boire. Cruel dilemme. Et j'étais tellement sous le charme que dans mes brefs sursauts de conscience je me voyais prendre mon téléphone pour dire à Adrien de chez Fargo qu'il fallait qu'il les signe. Je me disais même qu'une fois chez moi il faudrait que j'ai assez de force pour prendre le temps d'écrire tout ça avant de m'écrouler et d'en profiter pour vous parler aussi de l'irlandais Declan De Barra, un autre des meilleurs concerts de ma vie dans le genre dark-folk.


Hé bien vous savez ce que j'ai fait ? Après le concert je suis allé voir le groupe. Elle et lui discutaient avec leur pote Chris Stills. Oui, Chris Stills, le fils de Stephen Stills et de Véronique Sanson. J'avais eu un peu de mal à le remettre quand je l'avais vu avant le début du set mais je l'avais direct repéré à sa gueule d'Apollon. Le genre de gueule qui vous accroche et vous fait dire que vous l'avez déjà vu quelque part, mais plus dans les médias que la vraie vie. Je suis donc allé voir le groupe et je leur ai dit que j'avais trouvé un truc de fou : "J'ai trouvé votre concert fantastique, y aurait-il moyen d'acheter votre disque là, maintenant ?"



Avec Steph et Alex on s'est cotisé pour s'offrir Sarabeth Tucek, leur unique album qui n' est que distribué au Royaume Uni (Pinnacle, 2007). En échange d'une clope, Luther nous a même offert un exemplaire du 45 tours qu'ils viennent de sortir spécialement pour la France. Parce qu'ils font actuellement une petite tournée française. D'ailleurs ils joueront de nouveau à Paris ce vendredi soir à La cave se rebiffe. On a sympathisé avec lui, super. Mais pas un mot avec elle. De retour à l'UFO pour une ultime bière qu'on ne pourra pas prendre faute de temps (important le temps) et de monnaie (transformée en CD) on a juste pu dire au WAAA girls et au programmateur de l'Inter lui-même qu'ils avaient raté le concert du siècle (le pauvre il avait été voir les Stuck en concert et ça avait été juste bien, carré). Et pour finir, loupant mon dernier métro, je me suis encore délesté de quelques euros de plus pour me rentrer en taxi. Après quelques mots jeté sur une feuille, je me suis couché bourré, nicotiné, les pâtes au ventre, plus pauvre et moins avancé que jamais quant à mon avenir. Mais mince momentanément j'étais foutrement heureux. J'avais un texte pour me lever lendemain.


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30 avril 2009 4 30 /04 /avril /2009 12:11
After Blow job

 

 


"Ghinzu ça doit rester classe"


"Deuxième étape du plan :

 sortir aux Etats-Unis"



Ghinzu a de vraies racines rock. On le sent dans votre musique comme à l'évocation de ces petits détails et anecdotes sur Elvis, les perruques afro, Las Vegas Parano. Mais chez vous on dirait qu'il y a aussi tout un délire science-fiction. De qui vient-il ?
Oui, il y a de ça. Ça vient de John et moi. On est assez branché science-fiction même si on n'a pas les mêmes goûts en la matière. Lui est plus Star Wars et manga alors que moi je suis plus la vraie SF anglo-saxonne. J'aime par exemple Philippe K. Dick et Dan Simmons. Et John Brunner ! Il faut lire Tous à Zanzibar de John Brunner, l'histoire a un prisme hallucinant et elle se passe en 2009 !


Chez vous cet ancrage musical assez "rock SF" est renforcé par un univers visuel fort et bien développé. Qui gère l'image du groupe ?
C'est plutôt John, avec notre ami Ben qui est là.


Bonjour Ben. Tu gères donc de l'image du groupe...
Ben : Oui, je m'occupe de leur com online, de leurs pochettes de disques, des affiches...


Parlons-en. En ce moment dans le métro parisien circule une affiche du groupe pour la promo de Mirror Mirror et de leur prochain concert. On y voit John micro en main avec des rayons lasers lui sortant des yeux. Ghinzu c'est un groupe de X men ?!
Ben : Elle a un côté cinématographique qu'on retrouve aussi dans les light show technoïde futuristes que le groupe utilise sur scène. Mais même là les mecs restent en costards noirs. Ghinzu ça doit rester classe.


Qui a pris la photo ?
Ben : C'est Laurent Seroussi, un mec qui a bossé pour des artistes comme Bashung, Zazie, No One Is Innocent. Pour les affiches et les photos du disque, il est parti sur l'idée du local de répétition avec tout le matos. C'est là qu'il a tout shooté.
Mika : Pour la pochette de Mirror Mirror j'ai d'ailleurs entendu dire qu'on avait plagié la pochette d'un disque du groupe Battles, mais ce n'est pas le cas parce qu'on ne connaissait pas leur disque. Et sur cette photo on montre notre vrai local et c'est le bordel.


C'est le bordel mais il y a tout de même un côté bling bling SF à exposer toute la technologie que vous possédez ! Une idée de puissance et de richesse s'y exprime...
Mika : Pourtant on voulait au contraire montrer qu'il n'y a rien de glam là-dedans. On voulait montrer le côté brut...
Ben : Cette photo c'est juste un bureau éclairé aux néons. Il n'y a pas de mise en scène.
Mika : On a juste mis 2-3 morceaux de miroirs cassés par terre.

 


Ok. Venons-en alors à Mirror Mirror. On ne peut pas en parler sans revenir un peu sur Blow. Ce disque a eu un succès retentissant pour le groupe mineur que vous étiez à l'époque. Un succès amplement mérité vu le niveau du disque. Ce succès a-t-il dépassé vos espérances ?
Mika : Un peu, oui. On avait enregistré le premier album pour nous, sans savoir s'il sortirait un jour, et c'est un peu dans cet état d'esprit qu'on a fait Blow. On avait juste un peu plus d'attentes dans la mesure où entre temps on s'était plus fait connaître en Belgique et même en France en donnant 2-3 concerts sur Paris. On avait quelques fans. On s'est donc dit qu'on allait essayer d'être plus soigneux sur ce deuxième album, qu'il fallait qu'on progresse. Et voilà. Je ne sais pas vraiment ce qu'il en est pour les autres, mais effectivement Blow a dépassé mes attentes.


Le single "Do You read Me ?" est beaucoup passé en radio et en clip sur les chaînes musicales. "21st Century Crooners" a illustré une pub pour le TGV et je crois même que d'autres morceaux ont été utilisés au cinéma.
Mika : Oui, "Dragster Wave" a servi la BO de Taken, "Cockpit Inferno" celle des Chevaliers du ciel, "Til You Faint" celle de Dikkenek et "Blow" celle d'un film flamand underground très gore qui s'appelle Ex Drummer. On a même signé une BO complètement originale pour Irina Palm, un film avec Marianne Faithfull.


Avec tout ça combien d'exemplaires de Blow vendus ?
Mika : Environ 100 000, tout pays confondus.


Vous avez touché les Etats-Unis ?
Mika : Non, pas trop. Remarque la dernière fois je suis tombé sur un site qui commentait les Oscars. Le gars qui animait la soirée s'amusait à donner ses pronostics avant de décacheter les enveloppes et au moment d'élire la meilleure chanson de film, je ne sais plus qui a gagné, mais il a dit : "Je suis sûr qu'avant la fin de l'émission je vous trouve 5 chansons qui auraient largement mérité cet Oscar". Et il a cité "Dragster Wave", "by a vocalist named Ghinzu".
Ben : Je peux me permettre d'intervenir à nouveau pour te donner quelques infos ?


Bien sûr !
Ben : En fait, on a quand même pas mal de retour des Etats-Unis grâce au placement de "Dragster Wave" sur le générique de fin de Taken car s'il a peu marché en France et en Europe il a été un des plus gros succès de film français aux Etats-Unis. D'un coup on a donc vu plein d'américains nous demander qui était le groupe qui faisait la musique du générique de fin de Taken et qui voulaient se procurer Blow sur le net.


Pour la sortie de Mirror Mirror des démarches sont-elles en cours pour que le disque sorte aux Etats-Unis ?
Je ne peux te répondre que partiellement là-dessus mais ce qui se passe c'est qu'il y a un plan de diffusion pour Mirror Mirror. La première étape du plan consiste à la sortir au Benelux, en France et dans quelques pays d'Europe. Cette première étape comprend la diffusion digitale du disque, qui pour l'instant est un peu plus large que sa diffusion physique puisqu'on touche une vingtaine de pays via iTunes. Et si cette première étape prend l'ampleur voulue, c'est sûr que la deuxième étape du plan sera de le sortir aux Etats-Unis.


Je trouve que la musique de Ghinzu a l'envergure pour mériter une sortie là-bas. Qu'en penses-tu Mika ?
C'est difficile de à dire quand tu es à l'intérieur du truc, surtout quand tu prends autant de temps pour faire un album. Nous quand on sort de studio on ne sait plus si ce qu'on a fait est bien ou pas. On a passé 2 ans sur Mirror Mirror, étalé sur différentes périodes, entre compo dans un chalet en Ardennes et retours au local de répète, retravaillant sans cesse les morceaux.


Composer Mirror Mirror fut-il laborieux ? Surtout au regard de la pression de devoir faire aussi bien que Blow ?
Non, on ne s'était pas fixé d'objectif précis donc ça n'a pas été laborieux pour ça, ça l'a juste été parce qu'on galère toujours pour pouvoir atteindre le résultat qui nous plait. On a tous des caractères très marqués et des goûts différents. Ça prend du temps à gérer... Mirror Mirror, on aurait très bien pu décider d'être encore en train de travailler dessus.


Vous êtes une bande de perfectionnistes ?
Oui, même si on n'est pas spécialement de bons musiciens. Il n'y a que notre dernière recrue, Jean, le chanteur de Montevideo, un groupe qu'on a produit et un peu aidé, qui sache lire une partition. Donc voilà on n'est pas des techniciens de la musique. Par exemple, on ne sait pas te faire un solo à la Santana alors que dans tous les cafés concerts de blues du monde tu as plein de gars qui savent te faire ça. Nous on ne saura jamais et on n'en aucune envie.


Mirror Mirror a donc été conçu sans concept préalable ?
Oui, on est parti sur des idées qui nous plaisaient sans chercher de cohérence entre les morceaux. On a fait des morceaux très doux et d'autres très violents. On est même un peu revenu aux improvisations qu'on faisait sur notre premier album, avec des morceaux nés de jams. Notre processus de création est bordélique. La cohérence vient à la fin, dans la manière dont on arrange les morceaux, dans le choix du tracklisting. Pour nous dans un album les morceaux doivent s'enchaîner avec une certaine logique.


Blow a en effet clairement montré que votre truc était de proposer des albums traversé par une vraie logique dramaturgique. Un voyage embrassant chaque titre et rendant caduque le concept de chanson. A mon humble avis Mirror Mirror ne porte pas ce principe au point d'incandescence de son prédécesseur, mais il le reprend. Avec Mirror Mirror ne craigniez-vous pas de tenir une sorte de Blow back ?
Non, parce qu'on n'a plus vraiment composé des morceaux dans le genre de ceux qu'il y a sur Blow. En plus depuis Blow la formation a changé. Kris Dane, guitariste-claviériste, et Fabrice, batteur, sont partis. Rien que pour ça on ne pouvait pas faire de Blow back.

 

(Suite.)


Photo de concert par Robert Gil

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29 avril 2009 3 29 /04 /avril /2009 17:42
After Blow job

 


Vendredi 3 avril. 17h30. Si n'était mon retard c'est d'un pas lent trahissant mon faible enthousiasme que je pénétrerais le Bataclan où Ghinzu joue ce soir. Mais comme je cours toujours après le temps comme un lapin de conte de fée et que les quelques minutes précédents chaque interview continuent à me faire stresser, c'est en courant que je m'y engouffre. Il n'y a pourtant pas le feu ! 15 minutes plus tôt j'apprenais que je n'interviewerais pas John Stargasm.


15 minutes plus tôt, comme un môme excité à l'idée d'affronter enfin le boss de fin, je me faisais une joie de rencontrer l'âme de Ghinzu. Je n'étais pas pleinement convaincu par Mirror Mirror, leur nouvel album, je le trouvais moins bon que son prédécesseur, ce que je pense toujours même si depuis, installant son propre mood, il est remonté dans mon estime, mais c'était de bonne guerre. Car le problème était là : comment faire mieux que Blow ? Cinq ans plus tard, ce disque justifiait encore la rencontre. Mirror Mirror en surlignait plus que jamais l'insolente perfection. Comment s'en remettre, qu'on soit l'artiste ou le fan ?


Je voulais savoir et pour ça c'est lui qu'il me fallait, John Stargasm. Frontman et tête pensante du groupe, c'est lui qui détient vision et sex appeal. Lui sur lequel on en apprend de belles en un simple clic sur Wikipedia. Son vrai nom est John David Israël et John David Israël est un winner de première. Il possède Dragoon, "label de disques sur lequel il a édité en 2006 le premier album du groupe rock Montevideo, dont il est également le producteur". C'est aussi un publicitaire connu, notamment pour ses campagnes Eastpak. Un homme dont la win est de famille ("Il est le neveu du célèbre couturier et créateur Olivier Strelli") et aussi dans celle de son épouse ("Il est marié depuis 2000 à Olivia Bodson, fille de l'homme d'affaires et politicien belge Philippe Bodson"). En gros, ça plane pour lui. Rien qu'avec ça (l'idée du businessman tranquille qui a quand même le rock aux tripes) j'aurais pu faire une bête d'interview. Mais non.


17h15. Coup de fil de Barclay : "Sylvain, tu n'auras pas John mais Mika". Mika ? "Oui, le bassiste." J'attendais le grand architecte, on me refourgue le maçon. Et on me dit que j'ai du pot parce que les mecs sont tellement crevés qu'ils ont annulé presque toutes leurs interviews, mais pas la mienne. Oui, mais comme c'est dans la tête de John que je voulais entrer et pas celle du bassiste autant dire que c'est comme si mon interview était annulée. J'ai regardé s'évanouir d'un coup les trois quarts de mes questions. Celles censées faire le sel du truc.


"Tu parles pas mal de sexe dans tes textes, ta nana kiffe ? En fait tes textes oscillent pas mal entre romantisme béat et pulsions bestiales, pourquoi ? Ghinzu passe pour un groupe mégalo, ça te plait ? Ghinzu plait aux filles, comment te l'expliques-tu ? J'imagine que vous avez des groupies, c'est dur de résister ? Ces dernières années passées dans le tourbillon de Blow t'ont-t-elles permis de renouveler tes thèmes d'inspiration ? Il paraît que t'aimes pas qu'on vous compare à Muse, pourquoi ? Vous avez pourtant de nombreux points communs : la sympathie pour Queen dont on ressent l'influence dans "Dream Maker", le gros rock chargé de prog et de cascades de piano, le romantisme apocalyptique, le goût des intitulés futuristes pompeux genre "Interstellar Orgy", le chant trafiqué au mégaphone... D'où te viens ce côté « musique classique » que tu mets dans Ghinzu ? Au-delà de la musique vous avez un univers visuel très développé, c'est important pour toi l'image en plus de la musique ? Cet univers est très bling bling SF. Pour toi être rock c'est se prendre pour un super héro milliardaire ? Pour des rockers vous n'êtes plus tout jeune, vous avez des femmes, des enfants, des illusions perdues : quelles ambition as-tu pour Ghinzu ? Tu te vois durer encore longtemps ?"


 


John Stargasm je te l'aurais cuisiné avec tout ça. Il serait dit : "Enfin un mec qui connaît son affaire. Restons." Et il aurait eu raison car j'en aurais eu encore en stock des questions, même des moins perso : "Avez-vous essayé de doter Mirror Mirror d'un hit du calibre de "Do You Read Me ?" pour lui assurer une bonne visibilité radio/télé ? Avec son onirisme léthargique qui se défragmente petit à petit en délire psyché le superbe dernier morceau de Mirror Mirror m'a fait penser à Kick Up The Fire, And Let The Flames Break Loose, le deuxième album de feu The Cooper Temple Clause. Connais-tu ce groupe ? Vos disques me font l'effet d'être des "blockbuster intelligent" comme on l'a dit de la trilogie Matrix. Qu'en penses-tu ? Pourquoi comme Archive semblez-vous avoir des facilités à placer vos morceaux dans les BO des films Europacorp. Vous êtes potes avec Luc Besson ? Cherchez-vous à supplanter dEUS et Venus réunis, les deux groupes phares du rock belge ?"


Mais à quoi bon poser toutes ces questions à un bassiste incapable de se rappeler pourquoi son disque s'appelle Mirror Mirror ? Ce n'est pas lui l'ego du groupe, c'est le chanteur-claviériste. C'est John qui a les concepts, les clefs du château. Mais quand même, ne pas savoir répondre à ça, ça la fout mal. Comme ça la foutrait mal qu'un père ne sache plus pourquoi son fils porte tel nom et pas tel autre. Alors pour le sens des textes, je pouvais repasser. Ça aussi c'est John, et un peu Greg parfois, et Mika il s'y implique d'autant moins que ça se fait à la fin du processus de création, à un moment où il a déjà fait son taf. Il continue de passer au studio, écoute les prises de chant, mais il a déjà la tête ailleurs. Il bulle.


On m'a dit que j'avais eu de la chance d'avoir eu Mika plutôt que John. Que John était dur avec les journalistes, le genre à garder ses lunettes noires et délivrer un festival de non réponses dans le plus pur style rockeur bas du front. Même qu'il avait fait ça la veille devant les caméras de CD'aujourd'hui. Mais non, là il aurait pas pu. Parce que je suis Sylvain (un faux journaliste) et que je n'ai pas de caméras (il n'y a que devant elles qu'il fait son numéro). Parce que je n'ai que moi et ma sincère envie de parler de ce qui l'habite, j'aurais su le dompter, l'amadouer.


La porte de la loge s'est ouverte sur un épais nuage de fumée. Un grand type mince aux courts cheveux poivre et sel en est sorti : Mika Hasson. Mika "Nagazaki" Hasson. Ça m'a surpris : je n'avais jamais pensé que ces mecs pouvaient avoir 40 ans, ou presque.


Pourtant ce soir ça se verra que les mecs n'ont plus l'invincible furie de leur 20 ni de leur 30. Ils peineront à porter leur vaisseau rock, une entreprise qui ne pardonne pas le sous régime. Et ce sera con. Con de voir John s'escrimer en signes à l'attention de son équipe technique et ces morceaux ne pas vraiment s'embrasser, décoller, alors qu'ils devraient nous arracher la tête. Il le sentira John, il le sentira qu'il est en deçà de son personnage rock frimeur, il en ôtera donc vite ses Ray Ban pour mieux s'offrir au public et se nourrir de sa clameur. C'est lui, le public, qui fera le concert. Lui qui, invincible, le sauvera in extremis dans sa deuxième partie, allant jusqu'à chanter le refrain de "Do You Read Me ?" comme si Ghinzu c'était Bruel. Lui qui, enfin, décrochera trois rappels, "Mine" (roulage de pétard à ma droite), "Blow" ("C'est définitivement mes dieux !", une fille à ma gauche) et "I Wanna Be Your Dog" ("John je t'aime !", une autre, plus loin). 22h30. Rideau. De la sueur plein le cuir. Globalement content.


18h. Flashback loge. Le Mika qui me fait face n'est peut-être que bassiste du groupe et pas un jeune chien fou, au moins il fume pas que du tabac. Qui sait, peut-être que l'entretien va être marrant. Propice à moult délires et confessions. Mais j'ai eu comme un doute quand la porte se referme. Sa nana est là ainsi qu'un mec tapotant sur son ordi.


 


"A nos débuts on sonnait plus post grunge"


"John reprenait du Elvis en enchaînant vodka sur vodka"


 


Bonjour Mika. Je suis entre autre là pour Gonzai. Connais-tu ce site ?
Non. Gonzaï ça vient de gonzo ? D'Hunter S. Thompson ?


Oui. Gonzai vise à remettre du gonzo dans le journalisme rock. Mais dis-moi, d'où connais-tu Hunter S. Thompson ?
John, Fabrice (l'ancien batteur) et moi avons eu un groupe qui s'appelait Las Vegas Parano. C'était notre guitariste de l'époque qui nous avait fait découvrir ce bouquin. Et comme on en n'avait pas à ce moment-là, c'est devenu le nom de notre groupe. C'est marrant parce que Las Vegas Parano ça ne veut rien dire parce qu'en anglais parano se dit paranoïd. Mais on s'en fichait car on n'avait pas prétention à devenir un groupe international. Après de Thompson j'ai lu La grande chasse au requin et j'ai vu Las Vegas Parano en film, qui est pas mal mais moins drôle que le livre.


Las Vegas Parano, c'est le groupe d'avant Ghinzu ?
Oui, ça a duré de 94 à 97. On a sorti un EP chez Sony. On a fait une cinquantaine de concerts, dont la plupart dans des maisons de jeunes en Flandre. On gagnait l'équivalent de 1000 francs français qu'on allait dépenser le soir même dans un bar karaoké. John reprenait du Elvis en enchaînant vodka sur vodka. A l'époque notre son était plus typé années 90, post grunge. On avait un guitariste métal et comme j'ai horreur du metal j'essayais de le contrer avec des basses plus mélodiques. Quand on a splitté John nous a dit qu'on se reverrait bientôt. Un jour il m'a appelé. Ils avaient déjà fait une répète. Ghinzu était sur le point de naître.


En France on vous a découvert à la sortie de Blow en 2004 et non à la sortie d'Electronic Jacuzzi en 2000. Dans les magazines on voyait 5 types réunis sous le nom de couteaux cuisine japonais et portant des perruques afro. Peux-tu me dire d'où est venu ce délire ?
Tout est venu par hasard le jour de notre premier show télé sur la chaîne locale Télé Bruxelles. A l'époque on n'avait ni nom ni album. D'ailleurs on n'était même pas vraiment invité dans cette émission puisqu'on était là en remplacement d'un autre groupe. Et le nom de Ghinzu est venu de Sanderson, notre contrebassiste. Il nous a fait : "Hey les gars, j'ai une chouette idée de nom de groupe : Ginsu 2000". Je ne connaissais pas cette marque, mais c'était une bonne idée en effet. On l'a juste un peu trafiquée pour se l'approprier.


A vos débuts le groupe comptait un contrebassiste ?!
Oui et il est parti parce qu'en tant qu'américain sans travail il était un peu illégal en Belgique. Parce qu'à l'époque Ghinzu n'était pas un travail, ça ne rapportait rien. Ce n'est qu'à partir de Blow qu'on a commencé à être un peu payé pour nos concerts. Et assez pour rémunérer une équipe technique au lieu d'exploiter des gens motivés le temps d'un concert ou deux.


Et donc les perruques ?
John en a trouvé une comme ça dans les loges de l'émission et il a décidé de la mettre pour la notre première apparition télé. C'est son côté fou-fou. D'ailleurs à ce jour-là à l'interview il a raconté n'importe quoi. Bref, on a trouvé que c'était un signe fort, sympa et on a donc décidé qu'on mettrait tous des perruques afro pour nos concerts suivants. Et voilà ça a duré 4 ans.

 

 

(Suite.)

 

Photos de concert par Robert Gil


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21 avril 2009 2 21 /04 /avril /2009 16:20
Bande à part

 


C'est bizarre d'être journaliste. Ça vous amène à avoir des rendez-vous montés de toutes pièces avec des gens que vous n'auriez jamais rencontré si vous n'étiez pas journaliste et s'ils n'avaient pas sorti de disque. Vous vous retrouvez avec eux à tenter d'avoir une discussion capitale alors que vous allez vous séparer au bout de 30 ou 40 minutes pour redevenir de parfaits inconnus. Ou presque. C'est bizarre d'être journaliste.


Mais ça l'est encore plus quand ça vous amène à interviewer des gens que vous connaissez et qui vous connaissent indépendamment du fait que vous soyez journaliste et qu'ils aient sorti un disque. Une impression d'acte sexuel tarifé se dégage de ces moments-là. Quelque chose qui devrait être spontané - une discussion entre deux amis sur des sujets qui les animent - s'inscrit dans un cadre qui ne l'est pas - l'interview.


On est vaguement gêné. Gêné d'être là sans pleinement y être - moi quelque part je suis déjà dans l'article - gêné d'être là en n'étant plus vraiment soi mais quelque chose d'autre que l'interview veut qu'on soit - des corps étrangers. On cherche le meilleur endroit où se poser. On se regarde gentiment en chien de faïence, conscient du rôle qu'on va jouer. Conscient que quelque chose aura basculé quand la bande se sera mise à tourner.


- Je vais devoir creuser.
- Ça va faire mal ?
- Tout dépend de toi mais...
- Je sais que tu fais ça bien, c'est aussi pour ça que je suis là.


J'ai ressenti ça à l'interview de Cheval B. Plus fort que d'habitude. Et Sylvia H. qui quelque jours plus tard me proposait de prendre un verre. Sylvia qui savait que j'étais journaliste, qui venait de m'envoyer son disque. Voulait-elle vraiment qu'on en parle ? Que nous couchions ça sur bande ?

 

J'avais reçu le CD la veille. Elle avait fait ça bien. Dans l'enveloppe une bio remplie de phrases bidons côtoyait une lettre manuscrite à l'encre mauve. Elle me disait que son disque c'était pas du Bézut et que ça lui faisait bizarre que cette part d'elle devienne public, payante, et que ses collègues raquent. Elle me disait aussi que si je voulais l'interviewer, c'était OK. Elle fantasmait ça depuis ses 8 ans.


Là, on était samedi, je me réveillais et mon café et moi n'avions qu'une envie : découvrir son disque en paix. Voir si son art valait son exigence de râleuse assumée. Un café, un disque, un verdict. Il y a des moments où tout est clair, net, parfait. Je sentais que ça n'allait pas durer. Dès le lendemain deux bières nous séparaient. Et cette question : qui sommes-nous ?


Moi j'avais juste envie de passer un chouette moment avec une fille, fleur aux dents, dans un monde sans un média. Mais c'est toujours le problème quand on est journaliste : c'est facile de rencarder les RP et les rockeuses mais on ne sait jamais si elles sont là pour l'homme ou le plan com. Sans le dire, au cas où Sylvia H. le veuille vraiment, j'avais donc pris mon dicta. J'avais même griffonné quelques questions en route. Mais le cœur n'y était pas.


Ce n'est pas que son disque soit mauvais ni moyen. Après quelques écoutes je m'apercevrais même que je l'aime beaucoup, bien qu'il s'affaisse sur la fin. Ce n'est pas qu'une seule écoute soit insuffisante pour pouvoir en parler, même si ça joue. C'est juste que Sylvia H. œuvre dans un registre rock très Breeders/Velvet qui n'appelle pas débat. Surtout qu'elle fait ça bien, tout en VO paroles et musiques. Vraiment, la classe amerloque. Avec une plume mordante et dans le chant, grave, cette petite pointe germanique nasillarde qui vous méprise noblement. Royal. L'art de la rock-song concise carrée. What you hear is what you get.


Tout ça semblait donc taillé pour une interview "Mes disques à moi". A un moment j'aurais même basculé psy de comptoir en lui disant que son disque alterne comme elle entre up and down. A titre d'exemple j'aurais cité "Nicely Stupid" (ses kilowatts d'énergie teigne) et "Salt & Wine" (reflux de candeur à chialer dans sa bière). J'aurais même relevé le flottement fifties d'"Iris" et l'accélération grisante de "National 3". J'aurais peut-être dit tout ça si j'avais suffisamment écouté son disque. Mais non, là, vraiment, faire ma Mireille Dumas ou mon exégète rock, je ne le sentais pas

 



On a alors parlé de tout et de rien le temps de deux verres :


- de sa pochette d'album qui représente non pas une fleur, Sylvia n'est pas une fille à fleur, mais un vagin dessiné au temps de son passage fugace en école d'art


- du titre de son album, Sylvia Hanschneckenbühl Does Not Sing Christmas, private joke en référence à un disque où Marianne Faithfull lui a tellement donné l'impression de sombrer que ça ne l'aurait pas étonné si tout d'un coup elle s'était mise à chanter Noël, comme Nana Mouskouri


- de son embarras lorsque, en plus d'avoir acheté son disque, Vincent Palmer de Rock & Folk lui a demandé de lui dédicacer ("C'est moi qui aurait dû lui demander un autographe !") et du désaccord qui s'en est suivi lorsqu'il lui a dit que les gens de son âge feraient mieux d'écrire en français


- de son goût pour l'androgynie, d'Albator, d'Aramis, de Brian Eno et de ses vestes tigrées


- des moments forts de sa bio signée Jean-Luc Manet des Inrocks, comme "Sylvia est une jeune femme, plus femme que jeune d'ailleurs" ou "On peut ne pas croire au Père Noël et néanmoins en délivrer tous les cadeaux" et "Au feu le factice !"


- du fait que tel morceau de son disque date de 96 et qu'à l'époque elle savait déjà qu'il ferait office de plage 10 sur son premier album


- de sa découverte du Velvet à 12 ans par le biais du grand frère d'une amie qui lui faisait perdre son latin


- de sa Lorraine natale


- de son refus de faire la danse du ventre sur scène ("On n'est pas au Lido !")


- des deux précédents groupes pour lesquels elle a joué de la guitare (La Féline) et de la basse (Temporary January) avant de finir ce premier album solo et d'en payer le prix (seule à bord, sa musique accuse un certain déficit d'univers et d'aventure)


- de Patti Smith qui la gonfle avec son délire sur Rimbaud ("A part de chouettes reprises elle n'a jamais été fichue de ponde un bon morceau !"), de Roxy Music, Divine Comedy (love, love)...


Avait-elle peur de passer à l'acte ? Du ridicule de devoir jouer à l'artiste si je sortais le dicta ? A aucun moment on en a parlé, de l'interview. On l'a sagement gardé en nous. Je ne sais pas pourquoi je vous parle de tout ça, c'est peut-être un peu perso. Le lendemain, 6 avril, je griffonnerai sur mon mur Facebook que j'écoute Sylvia H. "Elle a fait un bébé toute seule. Androgyne black acide entre Velvet et Breeders. Rock speed et berceuse. Hachement bien."


En partant je me rappelle qu'elle a dit : "La prochaine fois on se fait l'interview ?". Ça m'a laissé perplexe. N'avait-elle rien senti ?



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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 10:39
Sympathétique



"Chapo Chapo, Tibidi... "


"Demain je mange mes amis"



C'est marrant, j'ai presque l'impression qu'il y a une certaine logique à ce que Bungalow soit réédité parce que cette seconde vie c'est comme un rebondissement qui accrédite son univers fictionnel. C'est comme si on avait la suite des aventures du personnage et de l'univers que tu y as développé.

Oui, et puis ce qui est marrant c'est que maintenant que Bungalow est accompagné de sa version acoustique c'est comme si on avait une sorte de couple Yin/Yang, rouge/bleu. Du coup, pour nommer cette version acoustique, on a enlevé le point d'exclamation au titre initial de Bungalow, parce que ce point d'exclamation représentait un peu son côté électrique, et on l'a baptisé Mellow Bungalow pour signifier que c'était un Bungalow plus cool, plus soft.


Je suis content que Bungalow ressorte car, contrairement à tes précédents disques, celui-là m'a vraiment plu. Je le trouve subtil, fun, attachant. D'ailleurs, avec un pote à un moment c'était même devenu notre album fétiche. Tiens, je me souviens même qu'au-delà de l'influence de Philippe Katerine on y avait aussi décelé celle de Richard Gotainer. Tu confirmes ?
Oui, je m'attendais à parler de ça parce qu'on m'a déjà fait la remarque ! Cette influence doit donc être vraiment présente dans ce que je fais. Je pense que c'est beaucoup dû à mon approche des chœurs dans certains morceaux comme "N'importe quoi" par exemple. Cette chanson-là fait beaucoup penser au "Sampa" avec ses chœurs qui font "Gnagnagnagna... " Mais oui, sans être un fan absolu parce que je ne connais que ses tubes, c'est sûr que Gotainer est une influence.


Question de génération : on a tous été exposé à ses ritournelles publicitaires...
Oui, c'est la société dans laquelle j'ai grandi.


D'ailleurs même le titre de Bungalow est très Gotainer car dans Bungalow y'a Banga et dans Bungalow y'a de l'eau !
Ah, c'est drôle ! Je n'y avais pas du tout pensé !


Comment ce titre t'est-il venu ?
Bah j'ai composé ce disque dans un bungalow. Et puis j'aime bien ce mot-là : il sonne.

Bref, l'influence de Gotainer, tu ne la revendiques pas mais tu l'assumes ?
Oui, évidemment, de même que celle de Souchon, que je connais beaucoup plus.


Et pour cause, tu as été un de ses musiciens de tournée...
Et il est même venu chanter en duo avec moi sur mon premier album. D'ailleurs, Souchon, je pourrais d'autant plus t'en parler qu'on me dit tout le temps que j'ai quelque chose de lui et ça a l'air irréfutable, alors je l'assume. Encore une fois, ce qui nous rapproche, je pense que c'est une histoire de voix. On a le même timbre. Mais ce que je fais est quand même différent. Il n'empêche, j'aimerais avoir son écriture, sa poésie...


Et sa longévité ?
Ah oui ! Parce que dans le milieu plein de gens connaissent des hauts et des bas. Par exemple Maxime Le Forestier a vécu 10 ans d'échecs atroces. Souchon, il n'a jamais vécu ça, il n'a pas cartonné d'un coup et du coup on ne l'a jamais traité comme de la merde, il n'a jamais été has been, c'est dingue. En fait, c'est comme s'il avait toujours été là. J'aimerais avoir sa courbe très longue et très lente de progression.


Il a toujours eu cette place de loser mignon qu'on cajole comme une part de soi. Mais au-delà de la voix, ce qui vous rapproche, je trouve, et c'est sûrement lié, c'est justement cette manière de véhiculer une grande mélancolie derrière des chansons d'apparence légères voire guillerettes.

Ça, tout le monde ne le voit pas.


Pourtant ça me semble assez palpable. A l'écoute de ces chansons si douces et douillettes qu'elles confinent parfois à la transparence on ne peut pas se dire que le mec qui les a faites va parfaitement bien !
Pourtant ça va plutôt pas mal (rires) ! Je ne suis pas dépressif du tout, mais oui, il y a de la noirceur. J'essaie juste de lui trouver une bonne place pour qu'elle soit utile.


Chez toi j'ai remarqué que la noirceur pouvait passer par des situations un peu loufoques, absurdes, comme c'est le cas dans "Le pull" qui, sous ses dehors fantasistes, laisse sourdre quelque chose de lugubre, un grand vide.
Oui, dans celui-là c'est vrai. C'est intéressant d'entendre des analyses comme ça parce que ce n'est pas des choses que je maîtrise. Je fais les chansons que j'ai envie de faire, que je finis par trouver bien et au bout d'un moment je les enregistre et après, à part les moments de concerts, je n'ai plus de rapport avec.


Cette sensation ou tout du moins ce thème du vide se retrouve aussi dans "Mythomane" qui raconte l'histoire d'un personnage de fiction un peu pirouette cacahuète qui, par définition, n'a jamais existé et n'a rien vécu. .
Oui, même en tant que personnage de fiction il n'a jamais rien vécu.


Tu te projettes dans ce Mythomane qui a des problèmes d'existence ? On en revient à l'histoire des jeans de tout à l'heure ?!
Aha ! Bah oui, on en revient à tout ce qu'on n'est pas et tout ce qu'on ne sera jamais. Oui, c'est très bien vu et très intéressant pour moi d'entendre ça.

 


On a évoqué Gotainer à propos des chœurs féminins gnangan qui rythment Bungalow. Finalement je me disais qu'ils étaient tout simplement très eighties car, par exemple, moi ils m'ont aussi fait penser aux voix du générique de Chapi Chapo que je regardais quand j'étais môme.
Ah, je revois la musique : "Chapo Chapo, Tibidi, Chapi Chapo, Tibida..." J'avais pensé à Gotainer et François de Roubaix, notamment sa musique pour Le chef d'orchestre avec Louis de Funès, un truc qui fait : "Chibidibida...". Mais je n'avais pas pensé à Chapi Chapo.


La musique de Chapi Chapo c'est aussi du François de Roubaix !
Ah ok. Je me rappelle que je pensais aussi à Gainsbourg, à sa manière de mettre des chœurs anglais sur certains de ses morceaux.


Genre "Shebam ! Pow ! Blop ! Wizz !" ?
Oui.


A propos de Gainsbourg, ton morceau "J'avais chaud" a une humeur proche de son "New York USA"...
Faudrait que je le réécoute. Je connais une histoire sur cette chanson-là.


Ah oui ?
En fait il parait qu'il l'a entièrement pompé sur des musiques traditionnelles africaines, notamment le refrain. Il a entendu un truc qui sonnait comme "C'est haut, c'est haut, c'est haut" et il l'a traduit phonétiquement en français.


Gainsbourg est suspecté d'avoir pompé tellement de choses !
Oui, mais on marche souvent comme ça, par sonorités. Sur la version concert acoustique de Bungalow une chanson s'appelle "Mes amis" et le refrain c'est : "Demain je mange mes amis". Le sens est complètement délirant parce qu'à la base cette phrase était une sorte de yaourt mais voilà finalement je n'ai pas réussi à trouver mieux que le flow de ces mots et du coup j'ai construit une chanson autour de ça. Ça change ! Au lieu de partir d'une idée tu pars d'un son, ce qui fait que ça vient moins de ton cerveau. C'est comme changer d'instrument de musique. Je suis pianiste, donc si je prends une guitare, je ne vais pas du tout avoir les mêmes idées que d'habitude. Après mon cerveau reprendra le relais mais ce sera trop tard.


La chanson aura été façonnée instinctivement comme une petite pâte à modeler et honoré comme l' "art mineur" qu'y voyait Gainsbourg.
Oui, comme un bonbon.


Je trouve que tes textes de chansons sont chouettes, les mots bien choisis, le tout ciselé. Un vrai style s'exprime. Tu écris beaucoup ?
J'adore ça mais j'écris peu. J'écris parfois de longs textes que je publie sur mon site. C'est comme des petites nouvelles. J'y parle souvent de choses qui me sont arrivées, comme de ce jour où je me suis tiré un plomb dans la tête quand j'avais 12 ans, par erreur. Mais j'écris peu dans la mesure où tout ce que j'écris est publié sur mon site où figure dans les chansons que je grave sur disque. Je m'autocensure trop pour écrire un truc que je ne publierais pas. Par exemple, là récemment une chanteuse québécoise m'a commandé une chanson, une nana très chouette qui s‘appelle Stéphanie Lapointe et qui sort bientôt son prochain disque. Je lui ai envoyé deux chansons, musique et texte, et elle en a pris une qui est un duo avec moi, on a donc enregistré ce duo, encore un duo avec une fille, et voilà, la chanson qu'elle n'a pas prise est devenue la première chanson de la version acoustique de Bungalow. Comme je l'aime bien et que j'écris trop peu, je l'ai tout de suite recyclée !


Tu comptes développer cette activité de parolier ?
J'adorerais, mais l'occasion ne s'est jamais vraiment présentée. C'est-à-dire que jusque-là, au dernier moment les trucs auxquels j'avais participé été tombé à l'eau. Là c'est la première fois que ça concrétise. J'ai vu la pochette du disque et tout donc je suis quasiment sûr que ça va sortir. Peut-être que je vais enfin commencer à réussir à écrire pour d'autres.


Question con : as-tu une chanson préférée sur Bungalow ?
Au niveau de la mise en forme je ne saurais pas te dire, mais en terme de paroles et de musique je pense que c'est "J'aime lire". J'aime bien cette chanson parce qu'on ne sait pas de quoi elle parle. Je dis que j'aime lire des tas de choses mais je finis par dire qu'il y a une lettre que je ne le lirai pas car j'ai trop peur de savoir ce qu'elle renferme. Une chanson qui parle d'un point d'interrogation, ça m'intéresse.


Le vide, encore !
Oui et en même temps elle peut évoquer plein de choses à plein de gens. On peut tous être touché par ça. Quand je fais ça j'ai vraiment l'impression de faire une chanson populaire.


A part la réédition de Bungalow quels sont tes projets du moment ?
Je suis en train de travailler sur un projet très lourd, très chouette et très conceptuel que je monte tout seul autour du cinéma et de la musique de film.


Un retour au jazz ?
Non, mais un retour à l'instrumental. Ça comprendra peut-être une expo, un livre, je ne sais pas encore. Tout est possible.


Photo par David Zacharias


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