Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
"I want my Kate Moss / I want my Rolls Royce, the one in Lennon's colors / I want my Rolls Royce / I want my mansion with playmates to be my toys / I want some action... " Ces paroles qui tournent en dérision le mythe du sex, drug and rock'n'roll ne vous disent rien ? Non, ce ne sont celles de "Time To Pretend", le tube du groupe pop du moment, MGMT, mais celles de " Bad Taste And Gold On The Doors", le premier single de Silence is Golden, deuxième album des mods in France ultimes que sont 5 les perpignanais de Hushpuppies. Ce disque est sorti il y a presque un an, en octobre 2007. Pourquoi je voulais revenir dessus ? Parce qu'il est bon, tout simplement, parce que sur Parlhot au cas où vous ne l'auriez pas remarqué j'emmerde l'actu musicale et enfin parce qu'en cette saison de festivals que je boude par manque de temps je me rappelle au bon souvenir de ce groupe qui assure vraiment sur scène, comme il l'a fait dernièrement, à en croire une consœur, à l'occasion de la première édition du Garden Nef Party Festival d'Angoulême.
Le rock garage n'est pas un genre dont je raffole. J''avais pas mal d'à priori à l'encontre des Hushpuppies, genre : "C'est quoi cette bande de jeunes mecs poseurs et fétichistes qui fait du rock rétro, une musique de fan, à la manière de ?" Puis je les ai vu sur scène, à l'époque de leur premier album, The Trap, écoulé à plus de 20 000 exemplaires, j'ai découvert son successeur, Silence is Golden et je dois dire que j'ai été bien bluffé par ce qui en est sorti. Le riff surpuissant et très "Vertigo" U2esque de "Fiction In The Facts", ses synthés psychés, sa tentation disco-kraut, ses chœurs qui poussent, euphoriques, furieux. Et le single donc "Bad Taste And Gold On The Doors", qui sonne massif et vrillé comme le "Empire" des Kasabian. Rien que ça, ça m'a fait changer d'avis. Là-dessus, pour ne rien gâcher, quand je l'ai interviewé à la sortie de leur répèt' à la salle Mains d'Oeuvres, j'ai rencontré 5 types sympa et habités par ce qu'ils font. On était en septembre 2007, c'était leur première interview pour la promo de Silence is Golden. Olivier (chant) et Franck (batterie) ne pouvant pas rester, je me suis entretenu avec les 3 autres : Cyril (guitare), Guillaume (basse) et Wilfried (clavier)
"On n'est pas prétentieux, juste sûr de nous"
"On fait un doigt aux maisons d'édition qui n'ont pas voulu de nous"
Salut les gars. La première et seule fois que je vous ai vus en concert c'était en 2006 au festival du Printemps de Bourges en première partie de Philippe Katerine. J'avais trouvé votre concert vraiment bon. Ça reste un bon souvenir pour vous ?
Wilfried : Oui, ça fait partie des très bons que nous avons fait jusqu'ici.
Cyril : Comme on était la première partie on pensait que seulement un quart du chapiteau serait plein, qu'il n'y aurait que 1000 voire 2000 personnes, mais il y a eu entre 4000 et 6000 personnes.
C'est la première fois que vous jouiez devant tant de monde ?
Wilfried : Oui, Bourges c'était notre première vraie grosse scène. Le seul truc qu'on avait fait de comparable c'était les Transmusicales de Rennes. Il devait y avoir 2000 ou 3000 personnes. Bourges, c'était impressionnant quand même. Après nous il y avait eu Katerine, Deus, Artic Monkeys, Dionysos.
Je me rappelle que pendant leur concert le chanteur des Artic Monkeys s'est pris une basket dans la tête. Quelqu'un dans le public a sans doute voulu lui dire par là qu'il n'aimait pas trop sa musique !
Wilfried : Oui, j'ai eu l'impression que ça ne plaisait pas. A ce moment-là, nous on était sur le côté de la scène et on voyait plein de trucs voler sur scène. Je crois que ça n'a pas été un concert mémorable pour eux. Ou en touts cas pas pour les bonnes raisons.
Cyril : Perso, je ne remets pas en cause la qualité des Artic Monkeys sur disque, mais je pense qu'ils font juste partie de ce genre de groupe qui a du mal à développer un vrai contact scénique avec le public. Mais en même temps c'est normal, c'est un petit groupe de banlieue qu'on a mis du jour au lendemain au niveau des Beatles.
En plus on ne peut pas dire qu'ils aient du charisme...
Cyril : Oui, c'est un peu ça. Le chanteur, tu as un peu l'impression que c'est le caissier du supermarché du coin !
A ce concert je me suis aperçu que vous étiez doués pour entrer en contact avec le public. Le fait d'avoir un chanteur uniquement concentré sur le chant, ça aide ?
Cyril : Il y a ça, mais on a surtout la chance d'avoir un chanteur assez charismatique et péchu. C'est-à-dire que durant les moments où il ne chante pas, il va voir les gens, il se rapproche de la fosse, il va slammer et ça. Mine de rien, pour les gens, c'est important.
Olivier, votre chanteur, ne sait jouer d'aucun instrument ?
Cyril : Non, ce n'et pas un très bon musicien, il sait juste jouer un peu de synthé. Or si un chanteur veut bien assurer au chant et dans son instrument en même temps, il doit être très bon dans les deux. Donc si demain tu le fais chanter avec une guitare, il ne sera plus au niveau question chant. Et puis naturellement il aime bouger, prendre son micro et se promener pour communiquer avec le public.
Ce que fait très bien le chanteur des Razorlight qui fait mine de jouer de gratouiller !
Cyril : Oui, le mec des Razorlight n'est pas un vrai guitariste, il prend plus la gratte pour le trip visuel, un peu comme Mick Jagger prend la gratte dans Les Rolling Stones. Sa gratte n'est même pas branchée.
Votre premier album a bien marché. Vous en avez vendu plus de 20 000 exemplaires. Vous avez beaucoup tourné et vous avez même fait deux synchros pub. "You're Gonna Say Yeah !" a été utilisée pour la musique de la pub Mennen et "Bassautobahn" pour celle de la Toyota Yaris. Tout cela vous a mis la pression pour le deuxième album ? Dans le milieu, on dit souvent que le deuxième album est l'album piège...
Cyril : Le piège pour nous c'était le premier album (je rappelle qu'il s'intitule The Trap, Nda) !
Guillaume : Il y avait effectivement une petite pression mais individuelle. On sortait juste d'une tournée de plus de 100 dates et on avait vraiment envie de se retrouver en studio et faire ce qu'on sait faire : de la musique et basta. Après, chacun a eu des petites périodes de doute et de stress mais jamais tous en même temps. Ça nous a donc permis de nous aider quand l'un de nous n'avait pas le mojo et de continuer à faire avancer le schmilblick.
Cyril : En fait, on n'a pas eu de pression sur le premier album et on était censé ne pas en vendre du tout et ça a bien marché, donc on s'est dit qu'il était idiot de se mettre la pression pour le deuxième parce que du coup avait tout à y gagner. On se disait : "Au pire, ça marchera moins bien que le premier, et alors ?" On a tellement fait un bon score avec le premier que si demain ça marche moins bien pour nous parce que le marché du disque va mal et que le disque plait moins, bah tant pis, c'est comme ça. Mais dans tous les cas il fallait faire un album dont on soit content à 100 %.
Guillaume : La seule "pression" qu'on avait, c'est qu'en janvier on n'avait rien et le studio de mixage était booké pour juin. Donc le chrono était lancé.
Cyril : En même temps, c'est la seule façon qu'on ait trouvé d'avancer. Parce que si on ne fait pas les choses en speed, en général on ne fait rien !
Wilfried : Etudiants, on rendait les rédactions au dernier moment...
Cyril : En plus, on a cette particularité d'écrire à cinq. Il n'y a pas un auteur ou un compositeur et ça fait une grosse différence. Si en janvier un mec s'était ramené avec 6-7 compos, on aurait déjà eu moins de pression, parce qu'on aurait eu une locomotive. Alors que là, notre locomotive, c'était de se dire : "On s'enferme, on a tant de mois, et on y va !" C'est comme ça qu'on fonctionne et pour l'instant ça nous réussit pas mal.
On parlait de vos deux synchro pubs. Ça a dopé vos ventes ?
Guillaume : Non, mais les festivals oui.
Cyril : La radio aussi, un peu.
Wilfried : Passer sur le Mouv' nous a permis de remplir les salles. Et du coup quand tu remplis les salles tu vends plus de disques et tu es programmé sur les gros festivals. C'est ce qui nous est arrivé.
Cyril : La pub nous a plus apporté une notoriété un peu "bâtarde" parce que effectivement du coup plus de gens nous connaissent mais comme on passait à la télé certaines personnes du milieu pensaient carrément qu'on avait déjà vendu 300 000 disques alors qu'on en a plus vendu entre 20 000 et 25 000.
Wilfried : On reste donc indé.
Guillaume : A monter notre backline nous-mêmes. On reste donc rock'n'roll. On est sur la route dans un van un peu pourri et vroum.
Wilfried : Nous sommes 5 garçons qui prenons plaisir à faire du rock et jusqu'à maintenant ça marche. On n'est donc pas prétentieux, juste sûr de nous.
Guillaume : Le doute tu l'as quand tu es tout le temps sur la route, ce qui nous est arrivé parce qu'on a beaucoup tourné pour le premier album, on était d'autant plus coupé du monde, qu'on n'avait pas les moyens de se payer l'avion pour rentrer chaque jour chez nous. Dans ce cas-là, pendant des jours tu vis dans la bulle constitué par le groupe et le staff. Tu arrives dans une salle, boum, tu as des gens devant toi et, boum, ensuite ça retombe, tu reprends la route. Tu es coupé du monde et donc des médias et de toute l'euphorie qui peut se passer autour de toi. A l'époque, on n'avait donc pas réalisé que tout d'un coup c'était en train de monter pour nous. On s'en est rendu compte après.
Du coup vous n'aviez pas eu le temps de composer de nouveaux morceaux pendant cette tournée...
Cyril : On a emmagasiné de la technique et des inspirations au fur et à mesure des dates. On se connaît de plus en plus donc l'inspiration vient naturellement quand on se remet à composer. Mais sinon composer en tournée c'est impossible parce que voilà on se lève à 7h du mat', à 8h on est sur la route, on arrive au festival, on fait la balance, on va se reposer, on fait le concert et hop on repart. C'est un rythme infernal.
Guillaume : Après, ce qui peut nous arriver sur la deuxième tournée, avec le temps et l'expérience, c'est que pendant les balances, au lieu de répéter les morceaux tels qu'on va les faire dans le set, on va peut-être pouvoir faire des bœufs. On l'a déjà un peu fait, mais pour l'instant ça n'a pas payé, on n'a pas utilisé les plans qu'on avait ébauchés.
Cyril : Pour l'instant, dans ces moments-là, on développe plus des sonorités, des solos, des petites choses autour d'une gamme. On pourrait composer pendant une tournée si on était plus connu et qu'on vendait énormément de disques, parce qu'on arriverait avec un tour bus, on ne ferait pas nous-même nos balances, on aurait l'après-midi pour nous. Je prends l'exemple de Franz Ferdinand : les mecs, pendant leur tournée en France, au lieu de faire leurs balances, ils louaient des salles de répèt' à Paris, ils prenaient leurs matos et hop ils allaient bosser les chansons du nouvel album.
Pas de perte de temps. Time is money !
Cyril : Oui, mais deux choses les pousse à fonctionner comme ça : d'une, il n'y a qu'une partie du groupe qui compose, donc c'est plus facile de se mettre au boulot et de deux, ils sont constamment sur la route donc ils sont bien obligés de créer ces moments-là pour écrire.
Après, ça fait un peu entreprise leur truc...
Cyril : Oui, ça fait un peu bizness. Je sais que nous, un mois et demi non-stop sur la route, ce serait le maximum qu'on puisse faire. On a fait 110 dates étalées sur l'année mais on enchaînait pas plus de 3-4 dates par semaine et on faisait des pauses entre. Le fait qu'on ait cette ambiance entre nous 5 avec l'ingé-son, ça crée à la fois une certaine famille et une tension car on est tout le temps les uns sur les autres.
On parlait pub et musique. Faire une synchro pub, ça paie encore ? Qui a l'ascendant dans le rapport de force entre la marque et le groupe ?
Guillaume : On est un peu entre les deux. Quand les marques utilisent une musique, il y a des droits à payer et elles ont des moyens, donc ça paie bien même si c'est sûr que ce n'est plus les tarifs qui étaient pratiqués il y a quelques années. Mais tu vois, nous, par exemple, faire de la synchro pub nous a permis de nous acheter un local de répèt', ce qui nous évite d'avoir à payer un loyer pour ça chaque mois.
Cyril : On ne voulait pas à tout prix faire de la pub, c'est juste que le plan nous est tombé dessus, alors on en a discuté, on a fixé des limites. Je ne sais plus quelle somme ça représentait et quel était le deal complet parce que ça c'est le label qui gère, mais voilà on ne voulait se vendre pour rien, même si ça ne nous choque pas que notre musique illustre un spot publicitaire.
Guillaume : Ce qui est génial, c'est qu'avec cet argent on a aussi choisi de monter notre boîte d'édition et c'est vraiment libérateur parce que en France personne ne voulait nous signer en édition, ou alors à des tarifs ridicules, or nous on ne voulait plus se brader. Indirectement la pub nous a donc pas mal aidé. Je me rappelle qu'avant cela on a eu une période un peu dure. On était encore dans les études, et nos cachets ne suffisaient pas à payer la bouffe, le loyer, etc. On est donc content d'avoir fait ça. On s'en est sorti par nous-même et maintenant on peut faire un doigt à toutes les maisons d'édition en leur disant que nos tarifs ont augmenté.