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Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?

Bardi Johannsson (1)

Double jeu


Bardi, son truc, c'est la douceur. Plutôt que Carpenters que Black Panthers. Depuis 98, fidèle à cette esthétique spleen et sensualité, luxe, calme et volupté, il multiplie les succès d'estime en solo sous le pseudo de Bang Gang. Mais depuis la sortie de Lady & Bird, son album en duo avec Keren Ann en 2003, on découvre de plus en plus le Bardi producteur, l'esthète pop islandais compagnon rêvé des rêveurs. Le 31 août celui-ci bénéficiera d'une double actu puisque sortira le premier album solo de Craig Walker, l'ex-chanteur d'Archive, qu'il a entièrement produit, ainsi que le second Lady & Bird, enregistrement live du concert qu'ils donnèrent le 5 juin 2008 à Reykjavik avec l'orchestre symphonique d'Islande. Fin mai de cette année, peu de temps avant qu'il ne s'envole pour ce concert, à la terrasse d'un bistro montmartrois, je l'interviewais longuement à l'occasion de la sortie de Ghost From The Past, troisième album de Bang Gang où brillent les collaborations de l'éternelle copine Ann Zeidel et d'un autre français, Anthony Gonzales d'M83.


Ok, mais avant d'en venir à cette interview, comme je viens de vous en toucher deux mots, vous vous demandez peut-être ce que valent ces deux albums prévus fin août. Hé bien pour La ballade de Lady & Bird, ça va être vite vu puisque je ne l'ai tout simplement pas écouté. Tout ce que je pourrais vous dire c'est que, contrairement à ce que j'ai dit plus haut, ce n'est pas juste un enregistrement live me souffle le mail promo parce qu'en fait celui-ci a servi de matière première à la production d'un album qu'ils ont envisagé comme un vrai album studio. J'avoue ne pas trop savoir ce qu'ils entendent par là. Surtout que ce concert mélangeait aux compos du premier Lady & Bird celles solos de Keren Ann et de Bardi Johannsson. Le tout ré-arrangé par un compositeur islandais pour être joué avec l'appui de 80 musiciens classiques. Pour le coup ce concert était un vrai gang bang. Alors quoi ? Ce nouveau disque c'est des nouvelles compos ou pas ? Wait & see.

Bref, et l'album de Craig Walker alors ? Hé bien disons qu'il porte bien son nom, Siamese. La patte de Bardi y est tellement reconnaissable, disons sur la moitié de l'album qui déploie des pop-songs tristes au charme suranné, qu'il aurait pu s'appeler Bardi & Craig. Après c'est un album fidèle au background brit de son auteur, c'est-à-dire aussi convenu que bien foutu, alternant sur des rails spleen céleste et punch citadium. Electro-rock et pop. Décroissance et lyrisme. Pompiérisme et retenue. L'éternel cul entre deux chaises des nineties finissantes. Story from the City, Stories from the Sea. Bester me dit que le projet végétait depuis des lustres dans les tiroirs de Warner, que les premières versions, plus vénères, déchiraient. Soit. Reste qu'en l'état, comme on dit, ça m'en remue une sans secouer l'autre comme on dit. C'est typiquement le genre de galette anecdotique de 2009, sans panache ni réelle prise de risque. L'époque est si faste, saturée, progressiste. Pourquoi faire encore de tels disques ? Pourquoi encore plagier encore le chant de Thom Yorke, ce que fait Craig sur "Black Out" ? Bardi aurait-il tout salopé avec sa prod digne d'un film érotique d'M6 ?

J'aurais bien posé ces quelques questions à Bardi. Ça aurait mis un peu de piment sur le dos de notre première rencontre. Loquace, il avait fait preuve d'un humour pince sans rire charmant contrastant au poil avec son débit vocal atone et sa longue dégaine d'oisillon, qu'on ne croirait que nocturne, autiste. Ainsi, dès le dicta "on", s'était-il amusé à casser sans préambule cette image en disant qu'il chante et prie chaque jour à l'église. Osant lui posant la question casse-burnes du pourquoi de son pseudo - Bang Gang - j'avais d'ailleurs appris qu'il ne jurait pas que par la pop de pleurnicheurs lettrés. Parce que, pour la petite histoire, j'ai appris que c'était comme ça qu'il avait baptisé le groupe d'électro surf qu'il menait à 19 ans, et que c'était un clin d'œil au film Kitty Kitty Bang Gang. Rien de sexuel donc, il ne savait pas ce qu'était un gang bang. Il en a fait son nom d'artiste peu de temps après parce que sur le coup il n'a pas trouvé mieux la première fois qu'il a déposé une chanson. Aujourd'hui, à 34 ans, Bardi vit de son art mais, comme vous allez le voir, celui-ci ne se limite pas à la musique.

 

 



"Je trouve cool qu'on s'endorme avec ma musique"


"A la base je voulais faire

un disque de rock guitare-basse-batterie"


Bonjour Bardi. Je dois t'avouer que ça représente quelque chose pour moi de te rencontrer parce que ton disque est actuellement celui que j'écoute avant de m'endormir !
Vraiment ?

Oui, d'ailleurs il y a quelques semaines à ce moment-là ce n'est pas ton disque que j'écoutais mais le dernier M83
avec qui tu as co-écrit la fin de Ghost From The Past !
Ah oui, Saturday = Youth, je l'ai écouté chez Emi, il est très cool ! J'attends ma copie promo !

Ça ne te dérange donc pas qu'on associe ta musique au sommeil ?

Non. Dernièrement j'ai fait la BO d'un film qui s'appelle Haxan (un film d'horreur scandinave daté de 1922 censuré pendant des années pour son adoration au diable et sa nudité, Nda). Il s'agit de musique classique. Chaque morceau durait environ 8 minutes. Je me rappelle avoir travaillé dessus jour et nuit et pendant le mixage, quand je les réécoutais, ils m'endormaient moi-même au bout de 2 minutes. Vraiment ! Je me retrouvais à me réveiller tout seul dans le studio et en regardant le timer à chaque fois je voyais que j'avais dormi pendant une bonne heure. Je trouve donc ça cool que les gens s'endorment en écoutant ma musique. Mais je pense que la musique de Ghosts From The Past n'est pas si soporifique. Il contient plein de détails accrocheurs, si tu tends bien l'oreille.

Sur ton nouvel album deux titres sont co-composés avec Anthony Gonzales d'M83. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

J'aime beaucoup ses disques. Je l'ai découvert avec
Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts, mais mon préféré est Before The Dawn Heals Us parce que c'est juste lui. Bref, du coup j'ai appelé Emi pour leur demander de nous mettre en contact. On s'est rencontré et on a décidé de travailler ensemble chez moi en Islande pour voir ce que ça donnerait.

Apparemment vous vous êtes bien entendus. Ces deux morceaux sont très beaux. Ne t'es-tu jamais dit que tu allais enregistrer un disque entier avec lui comme tu l'as fait avec Keren Ann ? Une sorte de projet à la
Lady & Bird ?
Non, je ne peux pas faire de Lady & Bird avec quelqu'un d'autre que Keren Ann. Mais j'aimerais bien retravailler avec Anthony.

C'est la deuxième fois que tu composes avec un français. As-tu un feeling spécial avec les français ?

Non, c'est juste lié au fait que mon label est français. Quand je travaillais sur Something Wrong, mon précédent disque en tant que Bang Gang, j'ai
présenté mes démos en Angleterre et en France et j'ai fini par accepter une proposition en France. Donc voilà, depuis je suis scotché à la France et tant mieux parce qu'ici on respect mieux l'art mieux que nulle part ailleurs. En Islande si tu es un artiste, on te demandera toujours : "Mais quel est ton vrai job ?" On m'a posé la question il y a deux semaines quand je faisais la promo de mon Ghost From The Past en Islande. Or depuis dix ans je ne fais rien fait d'autre qu'essayer de vivre de ma musique.

Que réponds-tu donc quand on te pose cette question ?

Rien. Ou je retourne la question : "Toi tu es journaliste, mais quel est ton vrai job ?"

La question est effectivement toute aussi légitime...

C'est comme si tu n'étais pas censé pouvoir vivre du métier qui te plait.

Tu peux mais c'est rare.

Oui, mais si tu y arrive c'est super.

Cinq années se sont écoulées entre Something Wrong et Ghosts From The Past. Cela veut-il dire que tu as besoin de beaucoup de temps pour amasser le matériel nécessaire à la réalisation d'un disque ?

Pas vraiment, c'est juste que j'ai toujours plusieurs projets sur le feu. Something Wrong n'est sorti aux Etats-Unis que l'année dernière, j'ai donc tourné là-bas en 2007. Durant cette période, j'ai aussi fait deux BO, celle d'Haxan et celle d'un film islandais avec un groupe d'hard rock du nom de Minus. Et j'ai également produit quelques artistes commerciaux...

Quand as-tu donc mis ce disque en route ?
En 2004. J'avais décidé que j'allais faire un album de rock, chant-guitare-basse-batterie et que ce serait mon nouvel album en tant que Bang Gang. Mais en rencontrant Anthony je me suis remis à sortir les synthés et on a composé un morceau très lent de 7 minutes superposant mille textures. Je me suis donc dit que je n'allais pas faire un disque de rock, mais un album épique et contemplatif gorgé de nappes de synthés. Et puis juste après je me suis retrouvé à écrire une chanson d'amour. Quelque chose qui ne rentrait pas dans le cadre que je venais de poser. Je me suis donc dit que je devais arrêter de penser en terme de cadre et me contenter de faire la musique comme elle me venait. Petit à petit j'ai donc amassé de nombreux morceaux et à un moment j'ai estimé que j'avais de quoi faire un disque. J'ai donc tout peaufiné, je me suis mis aux textes et j'ai commencé le mix.

Seul ?

Non, j'ai appelé Anthony en renfort. Il mixait dans mon studio pendant que je dormais. Avant de partir il me réveillait pour me dire que c'était mon tour !

Ghost From The Past compte donc aussi un morceau co-composé par Keren Ann. Votre collaboration perdure au-delà de Lady & Bird. Comment cela se fait-il ? Est-elle ta muse ?

C'est juste une bonne amie. On continue de faire des chansons ensemble parce qu'on s'amuse. Pour moi c'est une bonne façon de travailler parce que si je ne m'amuse pas, si je me dis que je dois à tout prix écrire des chansons, je bloque. J'essaie de fonctionner comme ça mais rien à faire. Je n'y arrive que s'il s'agit d'une musique pour une publicité.

Tu composes effectivement des génériques pour des pubs, des émissions de télé et des radio. Pour toi est-ce juste un travail alimentaire ?

En fait pour moi c'est 3 choses : 1) un gagne pain 2) un challenge parce qu'on peut te demander de faire une pop-song de bossa nova de 40 secondes, ce qui n'est pas facile et 3) un moyen de me prouver que je peux finir quelque chose en une semaine chrono. Donc voilà ce genre de travail n'est pas très excitant, mais il a quelque chose d'assez récréatif pour un type comme moi qui est capable de passer 5 ans à faire son propre disque. En plus comme j'aime bien tous les styles de musique je peux assez facilement me plier à cet exercice. Et puis ça me donne enfin l'occasion de faire une musique joyeuse.


(Suite et fin.)

Merci au photographe
Jean Horon pour avoir organisé cette rencontre

 


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B
je suis claudia
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