Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
In the flesh
C'est rare qu'il se passe quelque chose à un concert, vraiment quelque chose, de l'ordre du transcendant. Aussi si je sillonne peu les bars et salles de concerts, préférant quêter l'extase en me passant des disques dans ma chambre. Ambiance. Trop rock'n'roll le gars. Mais cette semaine j'ai fait par deux fois entorse à la règle en traînant ma carcasse aux concerts de Liam Finn et La Féline. Je vous raconte ? Liam Finn first.
Mercredi 19 novembre 2008. 20h30. Nouveau Casino. Ce soir joue un type dont le premier album solo m'a renversé. Ce type c'est Liam Finn, le fils de l'ex leader de Crowded House. Dit comme ça, ce groupe de pop néozélandais ne vous dit sûrement rien mais leurs tubes des années 80, "Don't Dream It's Over", "Fall at your feet" et "Weather with you", vous ne pouvez pas ne pas connaître. Ce sont des joyaux qu'on ne peut décemment pas laisser aux seules mains de Chérie FM et RTL2. Bref, sans être Sean Lennon, le fils Finn a de qui tenir, et la conscience tranquille pour brûler ses idoles.
En attendant de le voir livrer live les pépites de I'll be lightning que je me passe en boucle depuis août, on se farde la molle prestation stadium rock des jeunes pousses Scottish de Glasvegas. Ce triste spectacle de voir un sosie de Joe Strummer et son groupe se prendre pour U2, Coldplay et Arcade Fire réunis sans avoir de chansons mais une grosse mélasse chantillesque fait échos aux propos tenus quelques heures plus tôt par le vendeur de la librairie Parallèles : "Aujourd'hui des groupes comme Oasis et Paul Weller vendent à mort en Angleterre mais font peanuts en France." C'est le cas de Glasvegas. Portée par un souffle patriotique et bigot, cette musique de fan (pour ne pas dire musique de bébé dans ses langes) cartonne chez les brit' mais fait globalement plouf du côté des mécréants que nous sommes.
Durant la demie heure pendant laquelle Finn et ses roadies installent le matos, je me dis donc que ce serait bien que ça pète vraiment quand le jeune barde barbu et sa choriste Eliza-Janes Barnes se mettront à faire sonner tout ça : une guitare, deux batteries, dont une petite, une harpe de poche et un dispositif d'auto-sampling pour chacun. En plus il paraît que Liam Finn est une vraie bête de scène. Je confirme.
Durant près d'une heure et demie (sans rappel, pas la peine), sans qu'on se dise à aucun moment qu'il surjoue et tout en restant cohérent dans sa sauvagerie orchestrale (parce qu'il a de vraies chansons écrites et tout), le type fut tout bonnement en transe. Comme branché sur 300 000 volts (Satan sort de ce corps !), il a sans cesse alterné, imprévisible, entre déluge de batterie (il multipliait littéralement les pains, pardon les baguettes, fallait voir ça, inouï !), déluge de guitare (à un moment, en plein coeur d'un morceau il a lâché un solo foudroyant, déchirant, cramé, comme une soudaine montée d'acide !) et instants délicats genre Perle de lait (très Elliott Smith pour tout dire) qui, sauvés de l'orage, et menacés à tout moment d'y retourner, n'en ressortaient que plus beaux. On a même eu droit à une pétaradante reprise du "Birthday" des Beatles.
Voilà, si sur I'll be lightning Liam brille, privilégiant la joliesse des atmosphères et l'azur des chœurs, sur scène, équipé de son système d'auto-sampling qu'il déclenche avec un naturel désarmant au moindre de ses coups de sang (et il en a plus d'un, comme de s'autoriser un dantesque solo de batterie entre deux morceaux, comme ça, pour le fun et faire sortir son trop plein d'énergie), le gamin explose en "one man band" prog-grunge et son folk devient fou, furie. C'est comme s'il faisait sien ce célèbre vers tiré du "Hey Hey, My My" de Neil Young que Kurt Cobain citera dans sa lettre d'adieu : "Better burn out than to fade away". Tout ça pour dire qu'on n'est pas prêt d'oublier ce Liam-là.