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  • : PARLHOT
  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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6 août 2007 1 06 /08 /août /2007 00:11

Les Eurocks, top ou toc ?

Pour sa 19e édition, le festival franc-comtois a réussi à délivrer 10 shows de plus que d’habitude. En 3 jours, 80 prestations scéniques lui ont permis de rentrer dans ses frais, mais tout juste, avec 85 000 tickets vendus contre 100 000 l’an passé et un seuil de rentabilité fixé à 73 000. Et pendant ce temps, à 10 000 lieux de telles préoccupations, avec mon pass journaliste et mon carnet de note, je cherchais un sens à tout ça.

Samedi 30 juin. Aujourd’hui il fait chaud et la gadoue odorante de la presqu’île du Malsaucy colle aux narines. Un temps parfait pour s’envoyer d’indie rock broussailleux des Cold War Kids (CWK). On aurait aimé voir ces admirateurs de Tom Waits et de Nina Simone s’ébattrent en plein air sur la petite scène de la plage, au lieu de celle du chapiteau, mais tant pis. Ils fédèrent une foule modeste mais enthousiaste. Mais ça ne dure pas. Parce qu’ils finissent par se lasser que le chanteur reste constamment au piano avec sa mine hargneuse, son sourcil fauve et cette voix roots, enflammée et fourchue. (Trop dogmatique. Contrairement à la pop-soul cross-over de la miss Winehouse. Et puis c'est quoi tous ces jeunes qui chantent avec des voix de vieux ?) Les courageux repartent néanmoins sur une bonne note : leur tube "Hanged me up to dry" gardé pour la fin.

U2 des années 2000

On retrouve les quatre membres d’Editors en conf de presse. On en profite pour poser quelques questions à cet équipage bien lisse, propre et pro sous tous rapports qui concourre, avec la sortie toute fraîche de son deuxième album, au titre de U2 des années 2000. Ce que ne cesse de faire les groupes, de Muse à Coldplay, en passant par Keane, Killers, Placebo, Bloc Party… On leur demande comment ils composent maintenant qu’ils jouent dans des stades. Première pirouette du chanteur : "Tu ne veux pas indéfiniment faire la même chose. Et puis à force de jouer devant de larges audiences, tu apprends ce qui marche. Au moment de composer tu vas donc vouloir retrouver cette excitation. Ce qui n’ôte pas au morceau d’avoir sa propre vérité." Tom Smith, toujours, précise : "On aime les musiques excitantes, celles qui te donnent envie de danser. On a été jeunes, fans, on sait ce que c’est que de ressentir ce genre de feeling et c’est ce que nous essayons de créer : alterner des chansons bien rythmées et des chansons plus lentes et essayer de faire le pont entre la manière dont on sonne live et celle dont on sonne sur disque." Très expressif sur scène, on demande au chanteur comment il appréhende l’interprétation scénique. "Je n’ai pas de modèle, c’est juste que plus tu fais de la scène plus tu t’y sens à l’aise. Et sur scène l’émotion doit passer donc en plus de chanter tu dois être expressif pour donner corps à ce que tu dis. Pour moi ça vient tout seul, car les mots signifient beaucoup." Et de conclure (ou avouer, c’est selon) : "Après, il y a bien sûr des chanteurs que j’admire mais ça ne veut pas dire que je cherche à être eux. J’adore Michael Stipe, mais je ne peux pas être Michael Stipe ! Mon côté acteur, comme tu dis, ça me vient naturellement. Si un jour j’en venais à préméditer ces choses-là, je crois que je commencerai sérieusement à m’inquiéter." No comment... On ne dira donc jamais assez combien Editors est plus proche de U2 que de Joy Division. Plus fleur bleue que cold wave. Ils précisent d’ailleurs, sans vraiment s’offusquer, qu’on les compare maintenant plus à Coldplay qu’à Interpol. Ils n’ont jamais autant marché que depuis que leur producteur a dressé un mur de grattes pour célébrer leur humanisme de stade (de même, pour le deuxième album de Keane, ils ont forcé le trio à dénaturer sa marque de fabrique piano-basse-batterie en leur rajoutant de la guitare... more is more, les gars...). Son net, puissant, épilé. Voix grave, généreuse, bien en avant. C’est démonstratif, ça se cabre, prend la pose. Ça sourit aussi, communique dans notre langue, à grosse dose de "Bonjour", "Merci", "Ça va ?". On reçoit tous ces refrains époumonés, ces guitares épiques et ces batteries disco avec une facilité déconcertante, oui ça nous accroche, mais sitôt le show fini on a déjà tout oublié.

Péripéties de Britney

Un détour vers la prestation brit pop survitaminée de Maxïmo Park, un détour vers celle de Phoenix qui prend son pied à jouer enfin à Belfort, un affrontement avec la horde de festivaliers qui remonte en sens inverse voir les Queen of the Stone Age et nous voilà à la plage devant les suédois d’I’m from Barcelona. Quand on arrive il y a vraiment plein de gens partout, tant sur scène que devant. Mais la fanfare pop la plus cool du moment est juste en train de finir ses balances aux yeux de tous. Ce qui ne les empêche pas de soulever une grosse vague d’excitation lorsqu’ils reviennent sur scène deux secondes après, poings levés sur l’air du "Barcelona" de Freddy Mercury. Le groupe – disons collectif car ils sont une vingtaine – entonne "Tree House" avec chœurs, choré et ballons colorés, comme si l’on était convié à une fête d’anniversaire. Et pour tout dire, je ne sais pas ce qui m’a pris, mais ça m’a donné envie de pleurer, comme si quelque chose se brisait en moi, une armure, un rempart. Comme si c’était mon propre anniversaire. Ça ne s’est pas arrangé par la suite et je n’ai pas cherché à lutter. Le chanteur a sauté dans la foule avec son matelas de plage gonflable, ils ont invité un spectateur à venir jouer du pipeau, ils ont joué leur nouveau morceau – inspiré des récentes péripéties de Britney Spears. C’était festif, féerique. Comme chez les Flaming Lips. Une vraie et chouette euphorie collective.

Lemarchal national

1h10. On s’est déjà baffré de plein de décibels divers à cette heure mais les Hives font tout de même table rase. Une journaliste à nos côtés ne mâche pas ses mots : "Toutes les musiques ne se prêtent pas à un tel show, mais il y en a et peu se lâchent comme ça. Là le mec grimpe aux échafaudages, lance son pied de micro, s’approche de la foule, faits des sauts, il y va, quoi !" Et de rajouter : "Pourtant ils sont pas glamour quand tu les vois comme ça." C'est vrai, le chanteur de ce groupe suédois ressemble à un mix entre le leader des Franz Ferdinand et notre Grégory Lemarchal national. Un gentil garçon, souriant. Plus bad boy, le bassiste trimbale pour sa part une furieuse dégaine rockab qui n’est pas sans nous rappeler les Forbans. Mais à l’instar des anglais d’Art Brut, ces mecs te balancent ça avec la dérision et le sens du spectacle qui fait tilt – et heureusement qu’ils en ont du second degré car se prendre au sérieux quand on fait du garage rock lorsqu’on est suédois en 2007, c’est risquer d’aller dans le mur. Or ce soir comme le clame Howlin' Pelle Almqvist : "It’s a glorious love meeting !"


Photos par Cécile Blanchard

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