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  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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26 juin 2007 2 26 /06 /juin /2007 20:13
Trentenaire contre attaque


Depuis le 21 avril 2002 les trentenaires entretiennent avec la démocratie une relation pleine de désillusions. Alors quand ils entendent que l'élection présidentielle témoigne d’un regain de démocratie au vu des 86% de participation, leurs dents grincent. La politique n’a pas changé et ce n'est pas le niveau d'abstention aux dernières législatives qui viendra prouver le contraire. Guénaëlle Gault, trentenaire directrice d’études à la Sofres, nous explique pourquoi il est temps d'en finir avec "la politique à papa".




"l’augmentation de pouvoir individuel peut être convertie en puissance collective"


"les moyens comme des fins en devenir"





La "pacifique attitude" guide tellement ton livre que tu désamorces dès le prologue ta seule concession "marketing" à la provoc, qui réside dans le titre du livre. Tu dis que non, tu n’es pas là pour tuer le père…

Oui, il faut dépasser la politique à papa et ce n’est pas en tuant le père comme papa l’a fait en son temps qu’on y arrivera. Parce qu’on n’est pas dans la même époque, ni dans la même société ni face aux mêmes besoins, ce meurtre serait du gâchis.

Mais comment agir et peser politiquement si l’on reste en dehors du système ?
Je suis d’accord, il va falloir que des trentenaires rentrent dans ce système pour le changer, mais il y en a déjà quelques-uns. Mais surtout, je pense qu’il faut arrêter de pleurer sur les générations qui gardent tout. C’est vrai qu’il y a un petit problème de renouvellement dans les médias, en politique, etc. et il faut le dire, mais on a du pouvoir, vachement de pouvoir, plus que les générations d’avant. Par exemple, on parle sans arrêt de la révolution culturelle de mai 68, mais on ne parle presque jamais de la révolution culturelle majeure des années 80. Cette révolution, ce n’est pas nous qui l’avons faite – elle s’est faite un peu toute seule – mais elle a bien eu lieu. Il y a eu l’accélération d’un processus qui donnait beaucoup plus de pouvoir aux gens parce qu’ils étaient plus formés et qu’ils avaient un niveau de vie plus élevé. Les gens se sont progressivement émancipés de choses très pesantes jusque-là, qui étaient l’Eglise, la famille, les partis, etc. Et comme les individus ont plus de pouvoir sur eux-mêmes et plus de responsabilités, ils sont du coup plus prêts qu’avant à prendre ces responsabilités.

Dans ton livre, tu promeus d’ailleurs la responsabilité individuelle que pratiquent au quotidien les trentenaires…
Oui, il s’agit par là de huiler tous les rouages de cette société qui est beaucoup plus épaisse qu’avant. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas des structures derrière pour relayer ces actions. Au contraire, il en faut car beaucoup de structures actuelles tombent en ruine. Mais je pense qu’il faut d’abord prendre conscience que cette augmentation de pouvoir individuel peut être convertie en une puissance collective. On ne décollera pas si on continue de culpabiliser parce qu’on se dit qu’on ne fait que des petites choses dans notre coin. Ce ne sont pas des petites choses futiles. C’est juste qu’aujourd’hui nous avons entériné toutes ces choses pour lesquelles nos aînés ont milité et qu’on les vit et les met en œuvre sans nous rendre compte qu’il s’agit de choses qui agissent sur le collectif et sur l’avenir.

A ce propos, tu parles d’Internet, du fait que les trentenaires ont une intense vie sociale en se connectant sans cesse à différents réseaux. Mais avoir son Myspace ou consulter le Myspace de quelqu’un n’est-ce pas s’insérer dans un rapport instrumentalisé à l’autre, qu’on peut zapper à l’envie ?
Avec cette révolution de l’individualisme, au lieu de partir d’un groupe qui te dit quoi penser, tu pars de l’individu. Mais ce n’est pas qu’une force centripète, c’est aussi une force centrifuge. Effectivement, il y a les dangers de l’égocentrisme, du repli sur soi, de la difficulté même d’être soi, mais je pense qu’on est en train de dépasser ça pour tendre vers quelque chose de plus centrifuge. Moi, je télécharge beaucoup de musique – politiquement c’est important pour que le système des maisons de disque change un jour –, mais aussi des séries, je lis beaucoup de blogs, etc. Je trouve qu’il y a une grande forme de générosité dans ces échanges.

A qui voulais-tu adresser ce livre, aux trentenaires ou aux générations précédentes ?
(Silence.) Je ne sais pas, c’était ma petite incertitude. Etrangement, ce sont plutôt des gens plus âgés qui ont réagi et c’était intéressant. Certains me disaient que j’étais désabusée alors je m’expliquais pour leur démonter l’inverse, d’autres qu’ils avaient juste vu les choses sous un nouvel angle et ça m’allait parce que c’est ce que je voulais faire avec ce livre.

A la fin du livre, tu adresses une dédicace à ton père : "A papa, sans rancune". Pourquoi ?
Mes parents sont dans l’enseignement, enfin ma mère y est toujours, et je pense que l’éducation nationale est encore un milieu particulier dans la société. Un milieu particulier aussi dans son approche des générations. Mes parents sont des parents contre lesquels je n’ai pas eu envie de me révolter politiquement. Je n’étais pas d’accord sur tout avec eux, mais politiquement, contrairement à beaucoup de gens de leur génération, ils n’étaient pas persuadés de détenir la vérité. Ils ont très tôt vu qu’ils devaient se remettre un peu en question sinon leur autorité prendrait l’eau de toute part. La dédicace est un peu un clin d’œil à ça !

Le livre s’ouvre sur un autre père, plus symbolique celui-là, puisqu’il s’agit de Mitterrand lorsque son visage apparaît à la téle le soir du 10 mai 1981. Ce livre c'est aussi : "A Mitterrand, sans rancune" ?
Mitterrand, c’est mon premier souvenir politique. Je me souviens que mes parents ne me disaient pas qu’ils avaient voté Mitterrand. Je me souviens aussi qu’un jour une enquêtrice de je ne sais pas quel institut – peut-être était-ce la Sofres ! – est venue demander à ma mère pour qui elle avait voté et ma mère avait été très gênée de devoir le dire devant moi. A l’époque le vote était tellement le seul moment politique dans la vie des gens qu’il était sacralisé et que c’était presque tabou d’en parler ! Il y a 25 ans, les gens disaient qu’ils n’y comprenaient rien à la politique, alors ils se contentaient de donner leur voix à quelqu’un, mais aujourd’hui, les gens s’emparent des sujets politiques, ils prétendent avoir un avis, ils en parlent entre eux. Ils sont beaucoup moins dans la délégation. Alors on peut parfois trouver que leur avis est merdique – et leur en vouloir pour le 21 avril 2002 –, mais c’est l’avis des gens et c’est respectable.

Sur un autre plan, cela me rappelle l’émission de TF1, J’ai question à vous poser. J’ai vu le comportement du panel de Français présent quand Ségolène Royal y était invitée et on aurait dit des enfants. Chacun y allait de sa plainte, de son petit problème personnel…
La petite démocratie des "Moi je" n’a pas que des inconvénients. C’est normal que les gens partent d’eux et c’est normal de repartir des gens. Ils ont tellement l’impression, à juste titre, que les politiques ne comprennent rien à ce qu’ils vivent qu’à un moment donné ils ont besoin de passer par cette espèce de purge où ils vont leur dire tous leurs petits problèmes personnels. Mais derrière il faut que la démocratie se réconcilie avec une réelle participation, il ne faut pas que ce ne soit qu’une démocratie directe. Aujourd’hui, une chose est sûre : politiquement, il faut faire les choses de façon équilibrée. On le voit avec le progrès, par exemple. Avant on se fichait des moyens utilisés, on prétendait savoir où on allait, on allait là-bas, vers le progrès. Aujourd’hui qu’on sait que ça ne se passe plus comme ça, les moyens qu’on utilise prennent une importance cruciale. Il s’agit d’envisager les moyens comme des fins en devenir. Alors c’est sûr, c’est moins vendeur, mais c’est aussi moins manichéen, du coup ce qu’on perd en spectacle on le gagne en avancée concrète.

Ce livre aura-t-il une suite ?
Oui, il y a des choses sur lesquelles on ne s’arrête jamais de travailler et j’aimerais revenir sur le thème de l’émotion et de la sensibilité chez les vingtenaires. Je voudrais par exemple parler de leur l’humour – le malentendu serait de le prendre pour du cynisme, mais il est trash sans être cynique et donc très subversif – et de leur rapport à la musique. Tu es bien placé our voir que la musique a pris une ampleur formidable dans notre génération et de manière encore plus prégnante dans la génération d’après. Ce sont des choses qui changent beaucoup au niveau individuel mais du coup au niveau collectif aussi. Je pense que la place de l’émotion et la façon dont elle est instrumentalisée aujourd’hui est une clé pour demain.

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