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  • : PARLHOT
  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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24 juin 2007 7 24 /06 /juin /2007 01:53
Western moderne





"Nirvana plutôt que Green Day"

"chercher un point limite"




A vous entendre, vous semblez ne jurer que par le punk rock, mais votre album ne m’a pas semblé si punk rock que ça. Il y a bien une guitare et une batterie un peu rentre dedans mais aussi un chant très pop, voire bubble-gum et l’alliage des deux ne donne pas vraiment du punk rock.
Kim : Je pense qu’en live c’est quand même punk rock. Je veux dire, quand Fabrice m’a fait découvrir l’album des Strokes, au départ je n’ai pas accroché, mais quand je les ai vus sur scène, j’ai reçu toute l’amplitude du son, l’action, le geste, l’attitude et ça ma plu. Il y a donc tout le temps une différence entre la scène et le CD et chez nous elle existe aussi parce qu’en France on n’est pas encore au point pour avoir un son album identique à celui que tu peux ressentir sur scène. C’est encore une fois une question de culture. Après, je pense qu’on est quand même punk rock, dans les riffs, les mélodies. Et la pop et le punk, pour moi c’est la même chose. Les Sex Pistols et les Stooges c’est une extension des Who et des Kinks.

Pensez-vous tout de même avoir réussit à retranscrire un peu de votre intensité scénique sur ce disque ?
Fabrice : Comme beaucoup de groupes, on perd un peu le côté brut du live dès qu’on est en studio. Mais d’un autre côté, on voulait que le son de ce disque soit travaillé pour être bien péchu. Parce que perso, ça m’emmerderait qu’un groupe que je ne connaisse pas déboule avec un premier album super live et cracra. Comme on a six ans d’existence, je préfère faire un disque un peu plus mature, plutôt que d’apparaître comme le groupe qui débarque et qui lâche brut de brut ses trois premières chansons. Quand on enregistrera notre deuxième album, et j’espère que ça ne se fera pas trop tard, j’aurais par contre envie d’un son plus brut à la Nirvana plutôt que Green Day, voire d’un son comme celui du John Spencer Blues Explosion.
Kim : On pourrait même aller là-bas (aux USA, Nda) parce qu’ils travaillent plus spontanément et pour moins cher.

N’être que trois, guitare-batterie-chant, c’est un choix ?
Fabrice : Au départ on a cherché et testé quelques bassistes mais ils ne faisaient que ce que font tous les bassistes dans les groupes de rock, on a donc laissé tomber et on s’est dit qu’on allait rester à trois et faire les compositions en fonction de ça, bien travailler les sons de guitare et les parties de batterie en jouant pas mal sur les toms, et en utilisant aussi un orgue pour ajouter des basses fréquences à mes sons de guitares plutôt aigus.

Sur "Down By The River" et "Fuck The Roots" où il se fait entendre, il apporte des couleurs pop acidulées.
Kim : Oui, de toute façon c’est toujours la mélodie qui importe.
Fabrice : La mélodie c’est la base. Une chanson, si tu lui donnes un côté plus agressif et que tu n’as pas une bonne mélodie, ça ne sonnera pas.
Kim : Il ne faut pas oublier que dans le punk et la pop il y a toujours le fantasme de faire un tube. Même dans le punk.

Dans les deux cas il faut que ce soit immédiat, que ça parle au corps.
Fabrice : Il y a tout le temps un côté hymne.
Kim : Chez les Buzzcocks, les paroles rassemblent.
Fabrice : Après deux secondes de Ramones, tu connais déjà tout le morceau.

Kim, ce parti pris mélodique impliquait-il obligatoirement d’écrire en anglais ?
Kim :
Pour moi c’est presque naturel de chanter en anglais, il faut justement que je fasse un effort pour essayer d’écrire en français. Parce qu’en France on te donne plus de moyens quand tu chantes en français. Les labels s’intéressent à toi. Ou alors il faut que je fasse comme Manu Chao. Chanter en espagnol lui a permis d’atteindre toute l’Amérique Latine et même les Etats-Unis car tous les latinos de New York kiffent Manu Chao.
Fabrice : De toute façon, on ne fera jamais une chanson en français juste pour signer sur une major, on ne le fera que si ça sonne bien. Des mecs ont bien écrit en français, Gainsbourg bien sûr, mais aussi La Souris Déglinguée et les Bérruriers Noirs. Les Bérrus, c’est vraiment l’exemple du groupe punk qui chante en français et qui sonne super bien.


La plupart du temps le français sonne quand le texte est scandé, parlé.

Fabrice : Oui, c’est pour ça que le rap passe bien et que lorsque c’est trop mélodique ça bloque.
Kim : L’anglais est naturel dans mon expression artistique et musicale, pour moi c’est comme des notes et c’est pratique car l’anglais est plein de formes et de métaphores efficaces dans le sens comme dans le son. Mais bon, si je savais écrire avec la même spontanéité en français, je le ferais. Au-delà de mon manque de savoir faire, mon problème avec le français c’est qu’il évoque peut-être trop des souvenirs d’école, que c’est ma langue rationnelle, ma langue d’éducation, or pour nous le rock et l’art c’est une espèce d’échappatoire, une autre forme de logique qui nous est propre. Mais je dirais aussi que le problème d’ici (la France, Nda), c’est qu’il y a toujours ce côté petit patrimoine français qui a été établi par des gens comme la Sacem et les radios, qui établissent des codes, des quotas, des gens qui s’étonnent qu’un groupe français chante en anglais. Mais ce n’est pas qu’on chante en anglais ou en français qui importe, ce qui compte c’est l’enveloppe, la musique. Mais c’est vrai que pour signer sur des majors, un groupe de rock a plutôt intérêt à chanter en français et faire donc du Superbus. (Elle se met à chanter le refrain de leur single, "Butterfly".)
Fabrice : Enfin, on n’a rien contre Superbus, mais voilà chanter en français ça donne souvent de la merde.
Kim : Des chansons ambiance folklore d’après guerre, genre Bénabar, alors que le rock dégage lui un truc plus surnaturel.

De quoi parle un morceau au titre si peu original que "Boys and Girls" ?
Kim : Ce n’est pas original ?
Fabrice : Oui, d’ailleurs c’est l’inverse du titre de Blur qui s’appelle "Girls and Boys".
Kim : La face B du "I Love Rock’n’roll" de Joan Jett s’appelle elle aussi "Boys and Girls".
Fabrice : Alors, Kim, de quoi parle ce texte ?
Kim : Beaucoup de chansons naissent du yaourt. Par exemple, quand tu regardes les textes des Strokes, tu vois que ces chansons ne veulent rien dire et qu’elles sont nées du yaourt, qui se rapproche un peu de l’écriture automatique tel que la pratiquait Burroughs. Sur "Boys and Girls", par exemple le refrain c’est : "More christians are all right... more muslims are all right..." Ça pourrait sembler politique, mais en fait c’est venu du yaourt. Comme souvent dans un premier degré de lecture, je parle des rapports garçons/filles, du déséquilibre du rapport de force amoureux qui, dans un deuxième degré de lecture, a un seconde portée, plus politique. J’essaie toujours de partir d’anecdotes particulières et autobiographiques mais que je raconte à la troisième personne pour que ce ne soit pas narcissique et nombriliste, parce que je trouve ça horrible. Cette approche aide à rendre une mélodie universelle. Quand je dis : "Salvation all right" dans "Boys and Girls" c’est comme quand Iggy Pop dit : "I feel all right !", ça le fait.

Votre titre d’album fait référence à un vieux western. C’est parce que vous êtes fan de ce genre de film ou parce que vous aimez l’idée véhiculée par son titre ?
Kim : On n’est pas spécialement fan de westerns, c’est juste que pour nous ça symbolise l’aventure car le cow-boy cherche un point limite et dans le rock c’est pareil. En fait, Lonely are the brave (Seuls les indomptés, en français, Nda) est un film qui parle de la fin du western. Le cow-boy arrive dans l’urbanité sur son cheval et ne peut plus vivre son aventure. On a donc pris ce titre de film car il signifie que lorsque tu commences à chercher ton autonomie, tu as ton prix à payer et parfois tu te retrouves seul. Et, sans vouloir être prétentieuse, ça rejoint assez ce qu’on fait car malgré toutes nos influences on cherche une authenticité. C’est assez rare ça, car aujourd'hui le rock est rongé par la mode et super superficiel donc il y a une perte d’émotion. Les images et les symboles son tellement détournés qu’ils sont vidés de leur sens. Iggy Pop qui fait des pubs pour SFR, ç’aurait été inimaginable il y a quinze ans, comme le fait que la musique des Sonics illustre une pub Peugeot. Toutes ces choses que tu pensais avoir acquises à l’arrachée comme un anthropologue sont maintenant disponibles n’importe où, et je ne dis pas ça pour me plaindre que ce ne soit plus underground, mais il y a une perte d’émotion là-dedans. Il faut donc essayer de garder son authenticité. Au-delà de ça, le western nous touche car il évoque le contact avec les grands espaces et on perd ce sens-là, ce rapport avec le rapport avec la terre. Et comme on joue de la guitare et non de la musique électronique, on reste dans ce rapport brut et direct aux choses. C’est pour toutes ces raisons que Lonely are the brave nous parle.
Fabrice : Sans être des rebelles, il y a un petit côté western dans notre quotidien car on ne se réfère pas aux mêmes codes que tout le monde.


Lonely are the brave c’est donc un peu votre do it yourself ?

Fabrice : Oui, complètement.

Kim, tu es la seule dans le groupe à avoirun pseudo : Kim Ohio Fuzz. D’où vient-il ?
Kim : De loin ! Ohio renvoie au côté américain des premières compiles garage punk que j’ai achetées et Fuzz à l’énorme basse Fender Fuzz Wah qui donnait le son garage des Witchies Valley.

Ok. On a réussi à ne pas parler des Yeah Yeah Yeahs auxquels beaucoup vous comparent !
Kim : Oui, parce qu’ils sont trois, une fille, deux mecs. Moi je trouve ça bien les Yeah Yeah Yeahs. On nous a aussi comparé à Sleater Kinney parce qu’ils sont trois, qu’ils ont un orgue, mais je ne connais pas.
Fabrice : Le premier album des Yeah Yeah Yeahs était bien, mais le deuxième je le trouve carrément moyen. J’ai été les voir à l’Elysée Montmartre et c’était assez décevant mais il parait qu’ils étaient fatigués.

Vous, niveau concert, vous en êtes où ?
Fabrice : Là on prépare la rentrée de septembre, donc on n’a pas vraiment de dates à annoncer.
Kim : On compte plus bouger en province.
Fabrice : C’est vrai qu’on a déjà pas mal joué à Paris donc il faut aller en Province maintenant si on veut un peu avancer et puis c’est chouette d’aller jouer dans des villes où on n’a jamais foutu les pieds, devant des gens qui ne nous connaissent pas. Partir en tournée, sillonner les routes en camion, ça a beau être un peu planifié – on a une feuille de route – c’est un peu l’aventure, c’est encore le western !

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