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  • : PARLHOT
  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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9 septembre 2008 2 09 /09 /septembre /2008 22:50
Le langage oublié

 

 




"La chanson, ce n'est pas de la littérature, mais chez moi, oui"


"Mon album 2870, c'est une face entière de techno avant la techno"

 

 


 





On a l'impression que depuis Animal on est mal, votre premier album sorti en 1968, vos disques sont toujours les mêmes, qu'ils abordent les 2-3 même thèmes...
Oui, mais enfin est-ce qu'une page de Céline prise dans n'importe lequel de ses ouvrages est différente ? Est-ce qu'on ne peut pas inverser les pages ? Oui, tout est pareil, c'est normal, tous les auteurs ont une personnalité, ils ne font que rabâcher, avec un petit peu de couleurs... Par exemple, toutes les toiles de Bonnard sont les mêmes. On peut les mettre les unes à côtés des autres, c'est la même toile qui continue.


Comment se fait-il que vous fassiez tout le temps "le même album" sans que l'on vous le reproche, et sans que ce soit un mauvais album ? Auriez-vous touché au but dès le départ ?
Non, ça n'est pas ça. Avec la chanson, on est dans un registre très bas de gamme, donc, la plupart du temps, on me compare avec des choses qui n'ont aucun intérêt. Joe Dassin, Magma, Bashung ou Manset, tout ça est recouvert par la même appellation, c'est-à-dire showbiz, chanson, variété, ce que l'on veut.


Mais vous dites justement ne pas faire de la variété.
Oui, moi je le dis. Mais les gens le lisent comme ils l'entendent. Quand ils ouvrent un journal, c'est écrit "une chanson", ils n'ont pas à savoir le travail qu'il y a derrière.


Ils n'ont pas à le savoir, mais ils le sentent, en tout cas vous voulez qu'ils le sentent, non ?
Oui, je le veux, c'est la moindre des choses, que je me défende, que je me débatte là-dedans. Mais ce genre de message passe difficilement. D'ailleurs, il n'a peut-être pas à passer. On n'est pas dans un registre littéraire. Moi je pense y être, mais comme ce métier n'est pas dedans, je suis avalé par l'ensemble du reste. Quant au fait de dire que je fais le même album, alors oui, si c'est dans le sens laudatif. Trenet a toujours fait le même album. Seules les chansons diffèrent.


On entend parfois dire que le meilleur album d'un artiste, c'est son premier...
Ça ne veut rien dire. Et puis il n'y a pas de point de comparaison. Je vais remettre les pendules à l'heure : j'ai fait 3-4 albums totalement hors normes, qui sont La mort d'Orion, Animal on est mal, Y'a une route et Long long chemin. Les quatre premiers sont totalement hors normes, avec des erreurs, des approximations, avec énormément d'inspiration et beaucoup de risques pris, seul, sans équipe. Ensuite, pendant quelques albums, Royaume de Siam, Comme un guerrier, L'atelier du crabe, 2870, il y avait toujours de l'inspiration, des choses très novatrices (2870 c'est une face entière de techno avant la techno et puis c'est très british, je l'ai gravé à Londres, les mecs étaient à genoux dans le studio), mais ensuite, j'ai joué un peu une sorte de showbiz pendant 4-5 albums. Ceux-là sont moins uniques. C'est un choix. J'avais 30-35 ans, je déconnais, je voyageais beaucoup, je m'éclatais...J'ai fait des choses moins prise de tête parce que j'étais à une époque plus légère. Et puis j'ai fait quelques petits titres au format radio, comme "Marin' bar", "L'atelier du crabe" et "Le train du soir" qui ont beaucoup été diffusées. À l'époque, je passais en radio parce que j'avais des titres de quatre minutes un peu plus légers. Pas à 9h du matin, mais ces titres passaient. Il n'y avait pas les contraintes d'aujourd'hui.


Mais selon vous, vous ne donniez pas le meilleur de vous-même ? Vous n'étiez pas totalement dedans ?
Non, c'était simplement une part de moi que j'ai laissé s'exprimer et dont je suis très content. Dans mon univers, si je laisse une chanson sortir c'est que je la valide. Je choisissais tout simplement dans mon inspiration les choses les plus immédiates, les plus pêchues, où la musique était plus rock, plus accrocheuse, moins introvertie, moins réfléchie, moins nostalgique... Mais j'avais malgré tout des "Marchand de rêve" de dix minutes ! Je partais dans un délire ou je mélangeais un peu tout. Mais depuis Lumières, Prisonniers de l'inutile, Matrice, Revivre, ça y est là : j'ai largué les amarres, je suis absolument inaccessible pour tout le monde dans le showbiz !!! Personne n'aura jamais cette inspiration, ce travail de studio, ce travail d'orchestration. Ils font autre chose peut-être, ce n'est pas le problème, ils font de la scène, mais c'est à des années lumières de tout ce que les auteurs-compositeurs les plus féconds ont pu faire. Nougaro vient de disparaître. C'est quelqu'un que j'estimais beaucoup, mais finalement il a écrit des textes, pas tous, mais il n'a jamais écrit de musique, ou quasiment pas.


A sa mort, les journaux titraient : "La mort d'un poète". Pour vous c'était un poète ?
Evidemment que c'était un poète. Il a fait de très beaux textes. Mais sur le plan de la quantité, sur le plan de la démarche, encore une fois on est à des années lumières. Il a fait 5-10 textes très beaux, d'ailleurs il a eu beaucoup de succès. Mais sur le plan de la fécondité et de l'inspiration, le seul à qui on pourrait me comparer (mais il vient d'une autre époque et n'a jamais fait d'orchestrations, n'a jamais joué ce travail d'auteur axé plutôt littéraire) c'était Trenet. C'est le seul, je n'en vois pas d'autres.


Mais tout le monde n'a que 24 heures par jour et l'on ne peut peut-être pas en même temps faire de la scène et...
C'est vrai, c'est tout simplement ça. Et puis peut-être est-on plus ou moins prédestiné à une chose ou à une autre. Tous les gens peuvent prendre un pinceau, ils ne sont pas tous Bonnard et puis ils peuvent tous écrire, ils ne sont pas tous Céline. Simplement, il arrive un moment où l'on se rend compte qu'il y a pas de secret là-dedans : il y a une quantité d'informations artistiques colossales. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'écrire un roman de 150 pages et puis d'attendre une certaine notoriété, puis d'en écrire un autre 4 ans après et un autre 5 ans après. Tous ceux qui ont eu un nom dans la littérature ont écrit 250 bouquins de 500 pages. Et ils écrivaient toute la journée. De la même manière, moi je suis d'une époque où il y avait beaucoup d'auteurs-compositeurs qui étaient infiniment plus féconds que ceux d'aujourd'hui. Il m'est arrivé d'être derrière un bureau et de produire, et quand quelqu'un arrivait, il n'avait pas juste 4 titres : il avait 25 ans et 80- 90 titres terminés !


Pour vous, la quantité est un gage de qualité ?
Oui, bien évidemment. C'est Victor Hugo. Chez lui, il y a un million de pages !


Vous dites compter uniquement sur l'inspiration. Pour Nick Cave, par exemple, il ne croit pas à "l'inspiration". Chaque matin il dit se forcer à s'asseoir à son bureau et écrire, écrire jusqu'à temps que quelque chose sorte.
Moi, ce n'est pas mon cas. J'ai toujours dit : "Moi, je suis Jeanne d'Arc, ça pleut, ça pleut en permanence !" Mais bon, il n'y a pas de règle. Moi, j'ai juste beaucoup de chance de ce côté-là. Dans Picsou, je suis Cousin Gontrand, le mec qui a du pot. Gontrand il sort dans la rue, il se prend une brique, la brique se pète, il y a trois diamants dedans, voilà. Au niveau de la création, de l'inspiration, ça tombe.


C'est une question de sensibilité ?
Ça, c'est être un artiste ou pas. Des gens sensibles il y en a, ce n'est pas pour autant qu'ils arrivent à créer. J'ai connu beaucoup de gens qui avaient toutes les compétences de sensibilité, et qui n'arrivaient pas à pondre plus d'une page. C'est d'ailleurs un des grands marasmes de l'époque : on les entretient dans cet état-là avec toutes les aides, toutes les subventions depuis Malraux et ses Maisons de la Culture. Moi, j'ai toujours été partisan de l'idée qu'un créateur n'a besoin de personne. Au contraire, plus les conditions sont difficiles mieux c'est. Sans ça il dégage. Aujourd'hui, s'il y avait un Rimbaud, il dégagerait. Il serait plus là.


Il ne passerait même pas par la case poésie ?
Non, il ne passerait par aucune case sociale d'aujourd'hui, il serait rebelle avant d'être auteur et il aurait dégagé, il serait en Somalie dans une ONG quelconque. Définitivement, à 20 piges, il serait parti. Mais moi je suis de la génération d'avant, j'ai donc pu m'exprimer quand j'avais 20-30 ans à une époque où le monde ne s'était pas encore cristallisé sur toutes ces imbécillités culturelles récurrentes. Donc, je continue. Mais j'aurais 25 ans aujourd'hui avec Animal on est mal, je finirais en Somalie !


(Suite.)

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commentaires

N
<br /> Un lad est de sexe mâle. Il va aux matchs de foot avec ses potes, boit des pintes et aime bien se défoncer. Il peut faire des trucs hors-la-loi, on en a fait à l'époque, mais c'est un truc inné... Ca s'explique pas. Demandez à Liam, il parait qu'il est le roi des lads. (Noel Gallagher , 1997) <br /> THIS IS NOT A DRILL<br /> <br />  <br /> <br />  
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N
Un lad est de sexe mâle. Il va aux matchs de foot avec ses potes, boit des pintes et aime bien se défoncer. Il peut faire des trucs hors-la-loi, on en a fait à l'époque, mais c'est un truc inné... Ca s'explique pas. Demandez à Liam, il parait qu'il est le roi des lads. (Noel Gallagher ,  1997) THIS IS NOT A DRILL
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L
je sais c'est fort interessant ;-). mais a la réponse où il cite bonnard et ensuite la reflexion littéraire je trouve qu'il fait une différence de genrequi est plutot restrictif. Les mots, la mise en forme musicale c'est de la peinture pour moi. Comme la poésie c'est de la peinture.oui bon ok je sors >>>>>>>>>>>>>>>
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L
je prend souvent la définition de peintre pour discuter musique car le vocabulaire de la peinture permet d'approcher les intentions et de rapprocher le résultat aux intentions.  
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S
<br /> Je vois.<br /> <br /> <br />