En juin Les Inrocks lancent un mensuel 100% musique intitulé Volume. Le retour de leur formule culte et austère des années 80 ? Non, nous dit Pascal Bertin because the times they are a-changin'. Un pari fou alors vu comment se porte le secteur ? Oui, répond l'Inrockuptible en charge du projet. Mais il nous dit qu'il y a quand même une carte à jouer avec ce mensuel. Il nous le présente et nous explique l'issue entrevue.
"Comment faire rêver avec un magazine de musique ?"
"Il n'y a rien de tel que du beau papier, de belles photos..."
Bonjour Pascal Bertin. Alors, dites-moi, qui a eu l'idée de ce mensuel et quand ?
En fait ça fait 2-3 ans que toutes les personnes un peu impliquées sur la musique dans Les Inrocks y pensent. L'idée a progressivement émergé quand on a vu le succès de nos numéros hors série. Dans ces hors série on se donnait la place pour revenir sur des sujets hors actu, on se permettait de mettre de belles photos, de détailler des discographies, de faire des grands entretiens, des choses qu'on ne pouvait plus proposer dans l'hebdo. Ces hors série étaient donc une première approche pour offrir aux gens des repères musicaux qui commençaient à manquer. Avec des décryptages de tendances, sur le punk par exemple, on pouvait expliquer aux jeunes pourquoi et comment la musique est devenue ce qu'elle est aujourd'hui. Aux Avec des monographies d'artistes phares on redonnait matière à lire aux anciens. Du coup on s'est donc dit qu'on allait capitaliser là-dessus pour en faire une publication beaucoup plus régulière, qui comporte autant des dossiers de fond et des sujets transversaux que des séquences d'actu, des portraits et des chroniques comme n'importe quel mensuel musical peut le faire.
Vous n'allez donc pas réinventer le concept du mensuel musical ni ressusciter Les Inrocks des années 80 ?
Non, on ne va pas revenir au mensuel de nos débuts, tout simplement parce que les temps ont changé, la presse musicale a changé et les lecteurs aussi. Mais ce n'est pas grave, on n'est pas nostalgique du mensuel, il a fait son temps, et si on est passé à l'hebdo dans les années 90 c'est parce que pour nous ça semblait une évolution logique après tout le travail qu'on avait fournit sur le mensuel. A l'époque pas mal de gens ont été effaré qu'on ose devenir un hebdo culturel, ils trouvaient ça suicidaire mais pour nous c'est de rester un mensuel qui aurait été suicidaire. On a donc vraiment vécu ça comme une aventure, un challenge. Et aujourd'hui si on lance un mensuel en plus de l'hebdo c'est qu'on a envie de proposer une offre qu'on aimerait trouver en France en tant que lecteurs et qui pour l'instant n'existe pas. Actuellement la presse musicale est coincée entre un dinosaure et des mensuels de niches...
Le dinosaure, je suppose, c'est Rock&Folk ? Vous avez envie d'achever Philippe Manœuvre ?
Non, on le laisse, il a mieux à faire à la Nouvelle Star. Mais à propos de Rock&Folk, ce qu'on peut se dire c'est 1) plein de gens ne l'achètent pas mais aimeraient une offre alternative et 2) peut-être que pas mal de gens l'achètent parce qu'il n'y a que ça pour l'instant. Donc voilà nous on a envie de fédérer tout ce monde, tous ces lecteurs en quête d'informations sur le présent et le passé de la musique, tous ces gens que la musique fait encore rêver. En gros ce que se demande Volume c'est : "Comment faire rêver en presse avec la musique ?".
La question est d'autant plus légitime que le rôle prescripteur de la presse musicale s'est considérablement érodé avec l'émergence de blogs et webzines de plus en plus compétents sur le créneau musical. Sans compter qu'aujourd'hui le lecteur n'a jamais été aussi autonome et versatile dans sa consommation de musique. Grâce au net il peut directement se forger son avis en écoutant gratuitement toute la musique qu'il souhaite.
Les blogs ont effectivement pas mal de place pour écrire sur la musique mais vous n'allez pas y trouver une saga de 10 pages sur Dennis Wilson, le batteur des Beach Boys, à l'occasion de la réédition de son album culte des années 70. Vous n'allez pas non plus y trouver un article transversal sur la façon dont les figures cultes du disco des années 70 resurgissent aujourd'hui dans la pop mainstream et dans l'electro underground. Ce n'est pas leur vocation. Leur vocation c'est plutôt de permettre de découvrir un artiste via une petite bio et quelques MP3 en écoute. La proposition de Volume est donc complémentaire avec l'offre les blogs comme elle l'est aussi avec notre hebdo. D'ailleurs des blogs on parlera dans Volume. A défaut de proposer un CD sampler comme on le faisait dans nos hors série, on donnera plein de liens pour aller écouter de la musique sur le net, en privilégiant bien évidemment et tant que faire se peut des lieux d'écoute légaux. Donc voilà personnellement je consulte des blogs, mais je continue de penser qu'il n'y a rien de tel que du beau papier, de belles illustrations et des documents inédits. Ce côté bel objet peut encore faire rêver les gens. C'est d'ailleurs pour ça que ce mensuel va s'appeler Volume. Parce qu'au-delà du rapport au son, Volume ça évoque aussi l'ouvrage de collection que tu veux garder sur ton étagère.
Aujourd'hui les mensuels musicaux coûtent facilement plus de 5 euros. Et c'est aussi pour cela qu'ils se vendent peu. Combien va coûter ce "bel objet de papier" ?
4,90 euros pour 100 pages. On pense que c'est un bon prix vu la qualité du magazine et le lectorat visé.
Combien d'exemplaires comptez-vous vendre de ce premier numéro de Volume ?
25 000.
Pas facile...
Oui mais c'est un risque calculé. Le premier numéro sort en juin, le deuxième en juillet, le troisième en septembre. A la rentrée on saura donc si le pari est réussi et on réagira en fonction. Mais on n'en est pas encore là et on est optimiste. Il n'y a pas de raison que ça ne marche pas.
Quel sera le sujet de couverture du premier numéro pour frapper fort ?
Radiohead.
Je m'en doutais ! Qu'allez-vous en dire ?
On va faire une sorte de saga bilan pour dire en quoi Radiohead est différent des autres groupes de rock de son temps, en quoi c'est une espèce de monstre de son époque qui aurait pu virer dinosaure et qui n'a pas viré dinosaure (des propos que Pascal Bertin pourrait tout aussi bien tenir à l'encontre de son canard, Radiohead et Les Inrocks ayant ceci en commun que, malgré tous leurs efforts, ils sont et restent des dinosaures, Nda).