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  • : PARLHOT
  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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24 septembre 2006 7 24 /09 /septembre /2006 15:36

Millefeuille, l'Etrange Festival

Pour la première édition de son festival, le webzine Millefeuille a proposé une belle progr rock indé réunissant H-Burns, Perio, Toboggan, Tanakh et une très grosse sensation : Josh Pearson, feu-leader de Lift To Experience, qui a définitivement fait de Millefeuille un étrange festival.



21h30, 23 septembre, à Main d'Oeuvre. "A quoi ressemble un musicien que sa copine vient de larguer ? A un sans abri." Assis sur scène, le barbu meuble. Nous fait souffrir ses blagues, après nous avoir fait souffrir sa musique. Il vient de casser ses cordes au bout du premier morceau. Mais quel morceau ! De sa guitare folk suramplifiée, il fait jaillir un brasier délirant, un son massif, violent. Quelque chose qu'on ne pensait pas pouvoir sortir d'une simple guitare, avant qu'il nous le fasse subir.

On est sans abri face à cette musique. La musique d'un fou. Du mec qui n'a plus rien à perdre, du mec que sa copine a largué, que trop de copines ont largué, que l'humanité tout entière, exception faite d'une poignée de spectateurs médusée, a semble-t-il largué. Reste la musique, sa musique (la folie ?), qu'il nous assène bestiale comme un déluge salvateur. C'est ce moment (étrange) que choisissent deux tourtereaux pour se donner leur premier baiser, fougueux, interminable et débuter leur histoire. D'ailleurs,
les tourtereaux sont bien mignons, mais ils nous empêchent d'admirer le barbu sur scène.

Il nous a promis cinq chansons de cinq minutes. On ne sait pas si on va tenir. Encaisser la première flambée nous a déjà semblé un exploit. (On nous avait prévenu.) A ce rythme, il va lui falloir un sacré stock de blagues pour meubler les blancs (ses cordes ne tiendront jamais plus d'un morceau à chaque fois), et nous un mouchoir, pour bricoler des boules Quiès. Parce qu'en fait, c'est tout décider : on reste. (L'homme a un paquet de blagues en stock, dont celle de nous fredonner l'hymne des Restos du Cœur et "We Are The World".)


"Hell is other people"

(Josh Pearson, accueillant les bonnes âmes venant sur son Myspace)

Mais qui est-ce, ce barbu sur scène, ce sombre marrant à la gueule de druide, Jésus Christ ? C'est Pearson, Josh Pearson. Le chapeau ? C'est normal, il vient du Texas. La barbe de dix pieds de long ? C'est normal on vous dit, il vient du Texas. Denton pour être précis. On l'avait laissé en 2001 cravachant, leader, aux rennes du trio Lift To Experience. Il avait sorti The Texas-Jerusalem Crossroads, un double album qui avait fait grand bruit dans le circuit indé avec son mélange de lyrisme vocal à la Jeff Buckley, d'americana mystique à la Nick Cave et de panoramas post-rock à la Mogwai. Un double album concept totalement tripesque narrant une fin du monde où le Texas est la Terre promise. Rien que ça. Et puis... plus de nouvelles. On avait classé The Texas-Jerusalem Crossroads au rang de météorite souvenir. Une carte de visite sans embauche. Classe, sauvage.

On apprend aujourd'hui que Josh a bougé à Berlin. Qu'il prépare un album solo que son boss du label Bella Union le harcèle de bien vouloir finir. Sa musique telle qu'on la déguste ce soir n'a pas vraiment changé. Elle est moins élégante, panoramique (plus brute, viscérale), mais toujours extrême, toujours le fruit (le bruit ?) d'une espèce de corps à corps avec le diable, qu'on trouvait déjà chez Lift To Experience. Elle est ce corps à corps avec le diable. Et elle l'est juste plus que jamais, ce soir.


Sa musique s'est radicalisé et son physique aussi. Il s'est amaigri, ses traits sont creusés. Ce soir, on découvre un Josh Pearson chamane, serial killer. Un space cow-boy défroqué, plantant ses habits de shérif pour ne montrer que les tripes. Et griffes. Il live là la souche hallucinée de son art, tape du pied, comme une bête, secoue sa tignasse de Neandertal d'avant en arrière et sa barbe qu'il a longue, bien plus longue que celle de Will Oldham, et qui nous fait voir en lui l'image de Jim Morrison dans sa dernière période, raide-def de poète culte s'étant lui-même mis au rebut. L'impression d'une séance d'exorcise. D'un mammouth pris au piège qui ne veut pas qu'on le tue.



Troquant vacarme contre silence, musique du diable contre aubes déchirantes, "Angels Vs Devils" contre "I'm So Lonesome I Could Cry" (reprise de Hank Williams interprétée en duo avec H-Burns, présenté par Josh comme le Willie Nelson français), Josh livre une deuxième partie de set toute en balades liturgiques (rupture nous laissant dans les choux, sonnés deux fois), mais c'est en faisant un barouf de tous les diables qu'il se distinguera plus ; en jouant cette musique de l'homme défiant sa part d'ombre, énorme ; en faisant hurler sa guitare dans un brasier continu où l'on ne distinguait plus les accords.

On ressort dans un état second. On reprend lentement nos esprits, s'apercevant qu'on a été sous influence, absorbé par le son. Qu'on était parfois là et parfois moins. Qu'on pensait parfois à plein de trucs en scotchant sur Josh et que parfois on ne pensait pas. Un moment inoubliable, pas des plus agréables, mais sans précédent pour moi. Stetson bas, Josh Pearson. Saluons la prestation d'H-Burns. L'échappé du combo post-rock Dont Look Back a joliment ouvert la soirée avec le folk rustique et enlevé de son premier album, Songs From The Electric Sky. Grand songwriting à l'américaine chez ce drômois ! Et milles merci à Millefeuille pour le festival. On guettera la deuxième édition, espérant qu'il nous gâte d'un autre fou furieux à la hauteur de Pearson.

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commentaires

C
merci et bravo pour cet excellent cr de la prestation de pearson... une vidéo du festival en général et du mammouth en particulier sera à guetter sur millefeuille...
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S
Bonjour Constantin ! Merci pour ton commentaire, et l'info quant à la vidéo prochainement dispo sur Millefeuille. Une question : comment es-tu tombé sur mon site au fait ? Au plaisir de te revoir par ici dans les commentaires un de ces quatre.Pour ma part, je vais aller faire un tour sur ton canard sauvage... entre "sauvage" et "hot", on devrait pouvoir s'entendre !A+Sylvain