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  • : PARLHOT
  • : Parlhot cherche à remettre l'art de l'interview au cœur de la critique rock. Parce que chroniquer des CD derrière son ordi, c'est cool, je le fais aussi, mais le faire en face du groupe en se permettant de parler d'autres choses, souvent c'est mieux, non ?
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29 avril 2009 3 29 /04 /avril /2009 17:42
After Blow job

 


Vendredi 3 avril. 17h30. Si n'était mon retard c'est d'un pas lent trahissant mon faible enthousiasme que je pénétrerais le Bataclan où Ghinzu joue ce soir. Mais comme je cours toujours après le temps comme un lapin de conte de fée et que les quelques minutes précédents chaque interview continuent à me faire stresser, c'est en courant que je m'y engouffre. Il n'y a pourtant pas le feu ! 15 minutes plus tôt j'apprenais que je n'interviewerais pas John Stargasm.


15 minutes plus tôt, comme un môme excité à l'idée d'affronter enfin le boss de fin, je me faisais une joie de rencontrer l'âme de Ghinzu. Je n'étais pas pleinement convaincu par Mirror Mirror, leur nouvel album, je le trouvais moins bon que son prédécesseur, ce que je pense toujours même si depuis, installant son propre mood, il est remonté dans mon estime, mais c'était de bonne guerre. Car le problème était là : comment faire mieux que Blow ? Cinq ans plus tard, ce disque justifiait encore la rencontre. Mirror Mirror en surlignait plus que jamais l'insolente perfection. Comment s'en remettre, qu'on soit l'artiste ou le fan ?


Je voulais savoir et pour ça c'est lui qu'il me fallait, John Stargasm. Frontman et tête pensante du groupe, c'est lui qui détient vision et sex appeal. Lui sur lequel on en apprend de belles en un simple clic sur Wikipedia. Son vrai nom est John David Israël et John David Israël est un winner de première. Il possède Dragoon, "label de disques sur lequel il a édité en 2006 le premier album du groupe rock Montevideo, dont il est également le producteur". C'est aussi un publicitaire connu, notamment pour ses campagnes Eastpak. Un homme dont la win est de famille ("Il est le neveu du célèbre couturier et créateur Olivier Strelli") et aussi dans celle de son épouse ("Il est marié depuis 2000 à Olivia Bodson, fille de l'homme d'affaires et politicien belge Philippe Bodson"). En gros, ça plane pour lui. Rien qu'avec ça (l'idée du businessman tranquille qui a quand même le rock aux tripes) j'aurais pu faire une bête d'interview. Mais non.


17h15. Coup de fil de Barclay : "Sylvain, tu n'auras pas John mais Mika". Mika ? "Oui, le bassiste." J'attendais le grand architecte, on me refourgue le maçon. Et on me dit que j'ai du pot parce que les mecs sont tellement crevés qu'ils ont annulé presque toutes leurs interviews, mais pas la mienne. Oui, mais comme c'est dans la tête de John que je voulais entrer et pas celle du bassiste autant dire que c'est comme si mon interview était annulée. J'ai regardé s'évanouir d'un coup les trois quarts de mes questions. Celles censées faire le sel du truc.


"Tu parles pas mal de sexe dans tes textes, ta nana kiffe ? En fait tes textes oscillent pas mal entre romantisme béat et pulsions bestiales, pourquoi ? Ghinzu passe pour un groupe mégalo, ça te plait ? Ghinzu plait aux filles, comment te l'expliques-tu ? J'imagine que vous avez des groupies, c'est dur de résister ? Ces dernières années passées dans le tourbillon de Blow t'ont-t-elles permis de renouveler tes thèmes d'inspiration ? Il paraît que t'aimes pas qu'on vous compare à Muse, pourquoi ? Vous avez pourtant de nombreux points communs : la sympathie pour Queen dont on ressent l'influence dans "Dream Maker", le gros rock chargé de prog et de cascades de piano, le romantisme apocalyptique, le goût des intitulés futuristes pompeux genre "Interstellar Orgy", le chant trafiqué au mégaphone... D'où te viens ce côté « musique classique » que tu mets dans Ghinzu ? Au-delà de la musique vous avez un univers visuel très développé, c'est important pour toi l'image en plus de la musique ? Cet univers est très bling bling SF. Pour toi être rock c'est se prendre pour un super héro milliardaire ? Pour des rockers vous n'êtes plus tout jeune, vous avez des femmes, des enfants, des illusions perdues : quelles ambition as-tu pour Ghinzu ? Tu te vois durer encore longtemps ?"


 


John Stargasm je te l'aurais cuisiné avec tout ça. Il serait dit : "Enfin un mec qui connaît son affaire. Restons." Et il aurait eu raison car j'en aurais eu encore en stock des questions, même des moins perso : "Avez-vous essayé de doter Mirror Mirror d'un hit du calibre de "Do You Read Me ?" pour lui assurer une bonne visibilité radio/télé ? Avec son onirisme léthargique qui se défragmente petit à petit en délire psyché le superbe dernier morceau de Mirror Mirror m'a fait penser à Kick Up The Fire, And Let The Flames Break Loose, le deuxième album de feu The Cooper Temple Clause. Connais-tu ce groupe ? Vos disques me font l'effet d'être des "blockbuster intelligent" comme on l'a dit de la trilogie Matrix. Qu'en penses-tu ? Pourquoi comme Archive semblez-vous avoir des facilités à placer vos morceaux dans les BO des films Europacorp. Vous êtes potes avec Luc Besson ? Cherchez-vous à supplanter dEUS et Venus réunis, les deux groupes phares du rock belge ?"


Mais à quoi bon poser toutes ces questions à un bassiste incapable de se rappeler pourquoi son disque s'appelle Mirror Mirror ? Ce n'est pas lui l'ego du groupe, c'est le chanteur-claviériste. C'est John qui a les concepts, les clefs du château. Mais quand même, ne pas savoir répondre à ça, ça la fout mal. Comme ça la foutrait mal qu'un père ne sache plus pourquoi son fils porte tel nom et pas tel autre. Alors pour le sens des textes, je pouvais repasser. Ça aussi c'est John, et un peu Greg parfois, et Mika il s'y implique d'autant moins que ça se fait à la fin du processus de création, à un moment où il a déjà fait son taf. Il continue de passer au studio, écoute les prises de chant, mais il a déjà la tête ailleurs. Il bulle.


On m'a dit que j'avais eu de la chance d'avoir eu Mika plutôt que John. Que John était dur avec les journalistes, le genre à garder ses lunettes noires et délivrer un festival de non réponses dans le plus pur style rockeur bas du front. Même qu'il avait fait ça la veille devant les caméras de CD'aujourd'hui. Mais non, là il aurait pas pu. Parce que je suis Sylvain (un faux journaliste) et que je n'ai pas de caméras (il n'y a que devant elles qu'il fait son numéro). Parce que je n'ai que moi et ma sincère envie de parler de ce qui l'habite, j'aurais su le dompter, l'amadouer.


La porte de la loge s'est ouverte sur un épais nuage de fumée. Un grand type mince aux courts cheveux poivre et sel en est sorti : Mika Hasson. Mika "Nagazaki" Hasson. Ça m'a surpris : je n'avais jamais pensé que ces mecs pouvaient avoir 40 ans, ou presque.


Pourtant ce soir ça se verra que les mecs n'ont plus l'invincible furie de leur 20 ni de leur 30. Ils peineront à porter leur vaisseau rock, une entreprise qui ne pardonne pas le sous régime. Et ce sera con. Con de voir John s'escrimer en signes à l'attention de son équipe technique et ces morceaux ne pas vraiment s'embrasser, décoller, alors qu'ils devraient nous arracher la tête. Il le sentira John, il le sentira qu'il est en deçà de son personnage rock frimeur, il en ôtera donc vite ses Ray Ban pour mieux s'offrir au public et se nourrir de sa clameur. C'est lui, le public, qui fera le concert. Lui qui, invincible, le sauvera in extremis dans sa deuxième partie, allant jusqu'à chanter le refrain de "Do You Read Me ?" comme si Ghinzu c'était Bruel. Lui qui, enfin, décrochera trois rappels, "Mine" (roulage de pétard à ma droite), "Blow" ("C'est définitivement mes dieux !", une fille à ma gauche) et "I Wanna Be Your Dog" ("John je t'aime !", une autre, plus loin). 22h30. Rideau. De la sueur plein le cuir. Globalement content.


18h. Flashback loge. Le Mika qui me fait face n'est peut-être que bassiste du groupe et pas un jeune chien fou, au moins il fume pas que du tabac. Qui sait, peut-être que l'entretien va être marrant. Propice à moult délires et confessions. Mais j'ai eu comme un doute quand la porte se referme. Sa nana est là ainsi qu'un mec tapotant sur son ordi.


 


"A nos débuts on sonnait plus post grunge"


"John reprenait du Elvis en enchaînant vodka sur vodka"


 


Bonjour Mika. Je suis entre autre là pour Gonzai. Connais-tu ce site ?
Non. Gonzaï ça vient de gonzo ? D'Hunter S. Thompson ?


Oui. Gonzai vise à remettre du gonzo dans le journalisme rock. Mais dis-moi, d'où connais-tu Hunter S. Thompson ?
John, Fabrice (l'ancien batteur) et moi avons eu un groupe qui s'appelait Las Vegas Parano. C'était notre guitariste de l'époque qui nous avait fait découvrir ce bouquin. Et comme on en n'avait pas à ce moment-là, c'est devenu le nom de notre groupe. C'est marrant parce que Las Vegas Parano ça ne veut rien dire parce qu'en anglais parano se dit paranoïd. Mais on s'en fichait car on n'avait pas prétention à devenir un groupe international. Après de Thompson j'ai lu La grande chasse au requin et j'ai vu Las Vegas Parano en film, qui est pas mal mais moins drôle que le livre.


Las Vegas Parano, c'est le groupe d'avant Ghinzu ?
Oui, ça a duré de 94 à 97. On a sorti un EP chez Sony. On a fait une cinquantaine de concerts, dont la plupart dans des maisons de jeunes en Flandre. On gagnait l'équivalent de 1000 francs français qu'on allait dépenser le soir même dans un bar karaoké. John reprenait du Elvis en enchaînant vodka sur vodka. A l'époque notre son était plus typé années 90, post grunge. On avait un guitariste métal et comme j'ai horreur du metal j'essayais de le contrer avec des basses plus mélodiques. Quand on a splitté John nous a dit qu'on se reverrait bientôt. Un jour il m'a appelé. Ils avaient déjà fait une répète. Ghinzu était sur le point de naître.


En France on vous a découvert à la sortie de Blow en 2004 et non à la sortie d'Electronic Jacuzzi en 2000. Dans les magazines on voyait 5 types réunis sous le nom de couteaux cuisine japonais et portant des perruques afro. Peux-tu me dire d'où est venu ce délire ?
Tout est venu par hasard le jour de notre premier show télé sur la chaîne locale Télé Bruxelles. A l'époque on n'avait ni nom ni album. D'ailleurs on n'était même pas vraiment invité dans cette émission puisqu'on était là en remplacement d'un autre groupe. Et le nom de Ghinzu est venu de Sanderson, notre contrebassiste. Il nous a fait : "Hey les gars, j'ai une chouette idée de nom de groupe : Ginsu 2000". Je ne connaissais pas cette marque, mais c'était une bonne idée en effet. On l'a juste un peu trafiquée pour se l'approprier.


A vos débuts le groupe comptait un contrebassiste ?!
Oui et il est parti parce qu'en tant qu'américain sans travail il était un peu illégal en Belgique. Parce qu'à l'époque Ghinzu n'était pas un travail, ça ne rapportait rien. Ce n'est qu'à partir de Blow qu'on a commencé à être un peu payé pour nos concerts. Et assez pour rémunérer une équipe technique au lieu d'exploiter des gens motivés le temps d'un concert ou deux.


Et donc les perruques ?
John en a trouvé une comme ça dans les loges de l'émission et il a décidé de la mettre pour la notre première apparition télé. C'est son côté fou-fou. D'ailleurs à ce jour-là à l'interview il a raconté n'importe quoi. Bref, on a trouvé que c'était un signe fort, sympa et on a donc décidé qu'on mettrait tous des perruques afro pour nos concerts suivants. Et voilà ça a duré 4 ans.

 

 

(Suite.)

 

Photos de concert par Robert Gil


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commentaires

N
Eh oui, je te lis. Encore et toujours...Vraiment bon! J'ai surtout aimé les quelques lignes qui commencent par : "Que John était dur avec les journaliste..."C'est face à ça que tu voulais m'envoyer me battre! M'envoyer au feu, en pleine connaissance de cause, en plus! Moi qui ne suis pas ni journaliste, ni gonzo, ni "Sylvain"! ;-)Bon, ok. Tes questions étaient plus que pertinentes et à vrai dire cela m'aurait beaucoup amusée de les lui poser.Il y a une suite à l'interview de Mika?Sans blague (ni flirt), j'aime bien ce que ce "truc" dégage, Sylvain.Merci.
Répondre
S
<br /> Aha.<br /> Merci.<br /> Oui, j'aurais bien aimé voir comment tu te serais débrouillé avec le Stragasm.<br /> Je suis sûr qu'il aurait été cool avec toi, parce que tu aurais su y faire et que tu es une nana ;-)<br /> Je m'attèle à la suite.<br /> <br /> <br />